Trinity Blood
Après avoir subi l'Armageddon, les humains sont contraints de cohabiter avec leurs plus féroces ennemis : les vampires. C'est dans ce contexte incertain que le père Nightroad est chargé de résoudre des enquêtes qui viseraient à rompre cette fragile entente. L'histoire de Trinity blood est à l'origine un roman adapté en manga, puis vint cette série animée. Les vampires et la religion ne font pas forcément bon ménage. Considéré (à tort ou à raison) comme les créatures du diable, Trinity blood semble enclin à se jouer des clichés du mythe sans toutefois le dénaturer. Ici, nos amis aux canines acérées apparaissent avec l'Armageddon, autrement dit le châtiment de Dieu et non du diable en personne.
Abel Nightroad, grand amateur de thé avec 13 sucres !
Vaste entreprise que de compulser l'univers riche et complexe de Yoshida et Yasui en l'espace de 24 épisodes de 20 minutes. Pourtant, le studio Gonzo est parvenu à retranscrire une époque incertaine (on la situe environ 900 ans après le grand cataclysme) en multipliant les anachronismes ou autres éléments fantaisistes pour donner un cachet unique à l'anime. Le Vatican et Venise semblent replonger au Moyen-Age avec l'absence de véhicules motorisés et leurs rues pavées. On notera également des vêtements assez discrets pour les « petites gens » tandis que les hauts dignitaires rivalisent d'excentricité dans leur accoutrement. En somme, le clivage noble/paysan est remis au goût du jour.
Néanmoins, il convient de préciser que l'Inquisition (qui fait son retour sous son véritable nom) dispose de moyens impressionnants pour assurer la sécurité de l'église et la tranquillité de son souverain. Chars et sentinelles volantes sont donc de la partie. À cela, l'on compte également sur quelques créatures fantastiques (les fées, un loup-garou de passage...) pour peaufiner ce sentiment déconcertant d'être dans un monde anachronique qui s'est reconstruit cahin-caha sur les bases du nôtre. Il en résulte un design singulier et surprenant où chaque élément s'incorpore aux autres avec aisance. S'il ne fallait s'attarder que sur cet environnement, Trinity blood se targue d'une grande originalité.
Plutôt bien conservée pour une dame de 900 ans.
Qui plus est, la qualité des dessins se veut dans un style japonisant sublime. Teinte pastel, couleurs chatoyantes et tracés précis se succèdent aux mimiques ubuesques des protagonistes. Cette dualité entre l'aspect sérieux et des moments plus légers se conjugue à merveille. C'est bien simple, l'on passe des gourmandises du père Nightroad (un thé avec treize sucres s'il vous plaît !) à des séquences plus posées, voire dramatiques, sans jamais perdre le spectateur. Tout se déroule avec fluidité et bonhomie (enfin jusqu'à un certain point). Toutefois, les quelques passages en image de synthèse sont assez grossiers et ont plutôt mal vieilli. Ils se veulent vides, froids et cassent (fort heureusement, en quelques rares occasions) le visuel léché des dessins « classiques ».
En ce qui concerne le scénario, les associations incongrues sont légion et fonctionnent sans pour autant dénaturer les diverses influences. En tête, les vampires que l'on nomme ici Mathusalem (Terrans pour les humains). Dans le cas présent, l'on nous montre le côté aristocratique de ces créatures de l'ombre. Distingués, froids et hautains à l'égard de la misérable condition des Terrans, on ne les verra pas s'abreuver à la nuque de leur proie puisque la bienséance impose du tact et de la retenue. Plus sérieusement, leurs bas instincts sont relégués dans les tréfonds de leur inconscient, même si la soif de sang est capable de les ranimer. On est en 2005 et, fort heureusement, les romances « twilightesques » n'étaient pas encore à la mode. De fait, Trinity blood est respectueux du mythe vampirique tout en prenant certaines libertés à leur encontre.
« Bonjour à toi, nourriture. »
Un autre aspect flagrant est bien évidemment les clins d'oeil bibliques qui jonchent le récit. Bien entendu, Abel et Caïn occupent une place prépondérante, mais on regrettera que leur relation ne soit dépeinte que dans les trois derniers épisodes assez succinctement, il faut le reconnaître. Il aurait été plus judicieux de la tisser tout au long de la série au lieu de l'imposer de but en blanc dans le final. Hormis cela, le contexte géopolitique du Vatican et de l'Empire est décrit avec verve. À tel point que l'on prend conscience de toutes les ramifications entre les différents intervenants et les influences exercées à des moments plus ou moins stratégiques. On sent qu'un véritable travail de fond a été effectué. L'on ne se contente pas de la forme, il y a de réels enjeux dans chaque action entreprise par les protagonistes.
D'ailleurs, ils sont tous plus attachants les uns que les autres. Qu'il s'agisse d'Esther, Abel, Dietrich ou Tres, Seth et Radu, chacun possède un charisme et une personnalité qui lui est propre. Tous sont différents, commettent parfois des erreurs, mais savent se remettre en question ou faire fi de leurs motivations personnelles pour l'intérêt du groupe. Les traits de caractère ne sont pas exagérés et leurs réactions sont toujours appropriées. À cela, on salue également des physiques aussi dissemblables que flatteurs. Le résultat se révèle réussi, même si l'on regrettera que certains ne soient pas très présents à l'écran (…Tres ou frère Hugues par exemple). Un dernier détail concernant la musique : elle est assez discrète, mais dispose d'un potentiel conséquent. Les orgues et les choeurs s'en donnent à coeur joie (sans faire de mauvais jeu de mots) pour conférer des moments intenses aux séquences clés.
On lui donnerait le bon Dieu sans confession.
Doté d'un graphisme épuré qui flattent les rétines (on oubliera cependant les passages en images de synthèse), d'un scénario atypique et recherché, d'une caractérisation sans fioriture, Trinity blood est un anime qui a tout pour plaire. Certes, l'on regrettera que certains épisodes manquent de profondeur (les plus intéressants se composent sur deux, trois, voire cinq parties) ou que la relation d'Abel et Caïn ne soit pas construite plus en amont, mais l'ensemble forme une alchimie aussi déconcertante que séduisante. Si l'univers est original, il n'en demeure pas moins que les vampires ne sombrent pas dans la caricature et encore moins dans la complaisance. Une oeuvre à la fois respectueuse de ses influences et inventive dans le fond, une force assez rare pour la souligner.
N.B. : La version française étant catastrophique, je ne saurais trop vous conseiller la version originale qui ne souffre aucune comparaison.
Un film de Tomohiro Hirata, Daisuke Chiba, Hazuki Mizumoto
Avec : Hiroki Touchi, Mamiko Noto, Takako Honda, Hitomi Nabatame