Devil Story : Il était une fois le Diable
Depuis des mois, le DVD de Devil Story trônait sur ma pile de films à chroniquer sans que j'ose y toucher. La raison de cette réticence était simple : ce film me faisait peur. Etais-je de taille à m'attaquer à ce que nos confrères de Nanarland.com, par ailleurs édteurs du DVD, décrivent comme, je cite, le plus mauvais film du monde et de sa proche banlieue ?
De plus, Devil Story me plaçait face au plus grand cas de conscience de ma carrière de chroniqueur : devais-je le critiquer "sérieusement" ou, au contraire, le traiter en tant que digne représentant du nanar ?
Après réflexion, puisque sa réédition par Nanarland en partenariat avec l'éditeur Sheep Tapes se faisait sous le signe de l'humour et du nanar, j'ai décidé de privilégier l'angle d'attaque humoristique. D'où cette faramineuse note de 10/10 pour un film qui, en temps normal, n'aurait récolté qu'un zéro triplement pointé.
Mais que peut donc raconter un film dont la jaquette est ornée d'une espèce de zombie en habits de SS avec une momie en arrière-plan ?
Devil Story, c'est d'abord l'histoire d'un mec tout pas beau qui tue des gens au hasard. Pis arrive un campeur qui ramasse du bois en sautillant. Pis y a un couple qui se perd et la femme qui est attaquée par un chat fantôme. Pis y a un cheval tout gentil qui fait peur à tout le monde, surtout à un fermier incapable de tirer correctement un coup (de fusil). Pis y a une momie égyptienne qui sort de nulle part ! Et pis y a une maquette de bateau qui surgit du sol en carton! Et pis... ET PIS... AAAAARGH !
[Veuillez excuser l'interruption momentanée de cette critique. Le rédacteur s'est évanoui devant tant d'inepties. Pour patienter, voici un graphique reprenant les enjeux de l'histoire et les liens entre les personnages. L'original se trouve ici]
[Fin de l'interlude. Désolé pour ce contre-temps.]
Bon, reprenons. Pour être clair, tout est nul dans Devil Story. Nul de chez nul. Mais cette nullité n'a rien à voir avec, par exemple, la nullité des atrocités de chez Asylum ou de Nu Images. Non, Môssieur. Dans Devil Story, c'est de la nullité FRANÇAISE! Oui Môssieur ! Et puis, dans Devil Story, on ne se fout pas de la gueule du spectateur comme dans les productions sus-citées. On est généreux dans Devil Story. Le public est venu chercher du monstre, de l'action et des morts, et bien on va lui en donner !
De fait, le film n'est jamais ennuyeux. Il se passe plein de trucs (je pense que le terme qui convient est foutraque), on ne comprend rien, mais le tout passe comme une lettre à la poste. Bernard Launois a réussi un authentique exploit en pondant un film aussi barré sans que celui-ci ne soit jamais ennuyeux ou ne largue le spectateur en cours de route.
J'ajouterais que, personnellement, je ne m'étais jamais autant marré devant un nanar, d'où le 10/10.
...
Il faut dire que techniquement, le film n'est pas si mauvais que cela. La réalisation de Bernard Launois (mais pas le montage) est digne d'un petit téléfilm d'après-midi, ni plus, ni moins, ce qui facilite grandement le visionnage.
Par contre, on ne peut pas en dire autant des acteurs. L'actrice principale, par exemple, est au-delà de la nullité. Elle repousse si loin les limites du non-jeu que les actrices porno d'Echap mériteraient presque un oscar en comparaison. Et que dire des seconds rôles, tous plus faux les uns que les autres ? Je ne vais pas les énumérer, car ce serait fastidieux et inutile, mais il y en a tout de même trois qui méritent que l'on parle d'eux.
Premièrement, il y a le vieux fermier qui passe le film à tirer sur le même cheval, dans le même pré de cinquante mètres carrés, sans jamais le toucher. Alors lui, j'en suis amoureux. On nous le montre, de jour comme de nuit, essayer de tuer un cheval qui court, dans une espèce de running-gag absurde et sans rapport avec le reste du film. Il tire dans un sens, se retourne, tire encore, tire au-dessus, tire en-dessous, à gauche, à droite, etc... Et même lorsque le cheval passe à deux mètres de lui, il le rate encore ! (Notons que ce passage est le seul dans lequel les deux "adversaires" sont réunis, les autres n'étant qu'un "habile" montage alterné de stock-shots et de gros plans.)
Le terrrrifiant cheval...
...et le tireur bigleux. Lui, je l'aime...
Puis, il y a Pascal Simon qui se démène dans le rôle du monstre. Grognements étouffés par un masque ridicule, lèvres qui ne s'ouvrent pas et attitude générale grotesque font de ce personnage un élément incontournable de Devil Story. C'est d'ailleurs lui qui est mis en avant sur la jaquette (oui le zombie habillé en nazi, c'est lui, même si la représentation dessinée n'a rien à voir avec la réalité).
Sous le masque, Pascal Simon se dépense sans compter. Il donne tout ce qu'il a, surtout quand le ridicule n'est pas loin. Il faut le voir régurgiter des litres et des litres de sang lors de sa confrontation d'anthologie avec le cheval. C'est juste magique. Un vrai choc des titans.
Pascal Simon est LE MONSTRE !
Et pour finir, il y a la momie.
Si son costume est relativement réussi (soyons indulgents, même si on remarque les gants), il n'en va pas de même pour son charisme. Se déplaçant à l'allure d'un papy perclus de rhumatismes, raide comme un piquet et affublée d'une fiancée à la coiffure d'un autre monde, cette momie est sans conteste l'une des pires insultes faite aux traditions égyptiennes. Toutefois, la voir étriper des gens incapables de l'éviter (alors qu'elle avance à du 0,5 km à l'heure, je le rappelle) a quelque chose d'assez jouissif.
Tremble Boris Karloff, la relève est là (ou pas).
Bref, vous l'aurez compris, je me suis bien éclaté devant cet ahurissant OFNI complètement à l'ouest, alors que je ne suis pas un amateur hardcore de nanars. C'est pourquoi je ne peux que vous conseiller de le voir. Vous ne serez pas déçus.
Un film de Bernard Launois
Avec : Véronique Renaud, Marcel Portier, Catherine Day, Nicole Desailly