Tintorera : Du sang dans la mer
Alors que Les Dents de la mer donnait ses lettres de noblesse au survival animalier deux ans plus tôt, des producteurs peu scrupuleux se sont empressés de surfer littéralement sur son succès. Certes, on est bien loin des aberrations actuelles signées Asylum ou SyFy. Toutefois, on avait droit à des bobines fauchées, relativement médiocres et avides de stock-shots pillés dans des documentaires animaliers, voire dans d’autres métrages du même acabit. Réalisé par René Cardona Jr., chantre du cinéma d’exploitation, Tintorera est, aussi improbable que cela puisse paraître, tiré d’un roman. Le film et le livre ont sombré dans l’oubli. Au vu du résultat, il est facile d’en saisir les multiples raisons.
Instant bronzette de voyeur
Tourné à proximité de Cancún, cette production fleure bon l’exotisme et le dépaysement avec ses îles paradisiaques, ses hôtels et ses plages pour touristes, sans compter ses eaux cristallines. Bref, le parfait paysage de carte postale qui ne demande qu’une étincelle, ou plutôt une dent de squale, pour se transformer en un enfer tropical. De prime abord, c’est ce que l’on pourrait escompter, et ce, en dépit d’un scénario ultra-prévisible. Seulement, la tonalité du présent métrage est tout autre, pour ne pas dire complètement aux antipodes de ce que l’on est en droit d’attendre. En effet, sous ses atours de survival animalier opportuniste, ne se dissimule ni plus ni moins qu’un film érotique soft.
Certes, on connaît le premier genre pour afficher de jeunes femmes à la plastique aguicheuse et légèrement vêtue. En l’occurrence, la gent féminine est, la plupart du temps, présentée dans son plus simple appareil. Ici, sous couvert de mœurs dissolues et de libération sexuelle post-sixties, on les relègue à des nymphomanes en puissance, jamais les dernières pour un bain de minuit ou expérimenter de nouvelles pratiques sur un bateau ou sous l’eau. Hormis des regards langoureux, des sourires en coin et des réparties d’une rare indigence, Tintorera se distingue uniquement par sa vacuité et sa stérilité narrative. Incapable de raconter une histoire, pourtant d’une extrême simplicité, l’évolution se veut répétitive et incohérente.
Un plan à trois sous l'eau !
On nous ressasse encore et toujours les mêmes techniques de drague miséreuses, les séances de jambes en l’air entre deux coupes de champagne et des considérations dignes d’un acteur porno en pleine révélation spirituelle. Au-delà d’un tel degré de détresse scénaristique, il est difficile de ne pas entrevoir ce machisme ambiant omnipotent. En plus d’être reléguée au rang d’objet sexuel, la femme est également vénale, délurée, idiote, lâche et irresponsable. Preuve en est tout au long du métrage où son image dégradante se décline dans chaque personnage féminin, chaque situation. Un traitement pathétique et, si besoin est de le préciser, totalement erroné.
Et les requins dans tout ça ? On nous inflige des stock-shots et des plans sous-marins sans âme. À noter que les animaux à l’écran sont réels. Au vu du réalisme de leur mise à mort et de l’aspect fauché d’une telle production, il est à craindre que leur trépas ait réellement eu lieu, ainsi que celle de la raie. Une constatation qui présageait déjà de Cannibal Holocaust et autres étrons où l’on faisait fi des droits des animaux. Déplorable en tout point. Quant au fameux Tintorera, on se retrouve avec un requin-tigre bien malingre compte tenu des descriptifs et des rumeurs qui courent à son sujet. De plus, la confrontation finale est expédiée à la va-vite, sans transition aucune.
Les parties de jambes en l'air ne sont plus ce qu'elles étaient...
Dans un style différent que les productions SyFy et Asylum, Tintorera est une sacrée immondice cinématographique. Ici, la nullité abyssale du scénario se dissimule sous les atours d’un film érotique soft où l’on ne se prive guère d’avilir l’image de la femme. Si l’histoire tient sur un timbre-poste, les propos véhiculés le sont également. Véritable pamphlet misogyne, on nous dessert les mêmes séquences de «séduction» avant de se lancer dans des ébats purement intéressés. On en oublie les requins qui ont droit à un traitement ignoble, notamment lors des chasses sous-marines. Aussi misérable qu’affligeant dans ce qu’il présente et ce qu’il suggère, Tintorera se targue d’une publicité mensongère pour vanter un navet miteux.
Un film de René Cardona Jr.
Avec : Susan George, Hugo Stiglitz, Andrés García, Fiona Lewis