Exte
Après les succès de The Ring et The Grudge, entre autres, la vague de films d’horreur asiatiques des années 2000 a déferlé sur le marché international. Bien que les mécanismes soient grandement similaires d’une incursion à l’autre, il s’en est dégagé quelques moments appréciables, comme l’atteste Dark Water ou The Eye. Cependant, la surexploitation d’un sujet a donné lieu à un manque d’inspiration flagrant, étiolant le potentiel initial à une redite constante de récits par trop semblables. Entre deux sorties opportunistes, Sion Sono s’essaye alors au genre ; lui qui d’ordinaire est davantage versé dans le drame, le thriller, voire la comédie fantasque.
Exte, c’est tout d’abord un pitch intrigant et passablement saugrenu. Celui où une malédiction se propage à travers les cheveux de la victime qui poussent de manière permanente. De là à se retrouver confronté avec des extensions capillaires psychopathes, il n’y a qu’un pas. On peut avancer qu’un tel scénario est représentatif de l’excentricité d’une certaine frange du cinéma nippon. Celle-là même où le surjeu des acteurs rejoint l’exubérance d’histoires improbables et hallucinées. En partant de ce postulat, on serait enclin à classer le présent métrage dans la catégorie comédie horrifique. Ce qu’il n’est pourtant pas…
Certes, on distingue une approche iconoclaste qui met en avant un second degré de circonstances. Les frasques d’un antagoniste, fétichiste des cheveux à ses heures perdues, vont en ce sens. Cela vaut aussi pour de nombreuses incursions paranormales où les attaques et les phénomènes surnaturels font fi de tout réalisme. On songe à la propagation exponentielle des cheveux ou à ses comportements capillaires bizarres qui font s’étendre les extensions aux quatre coins d’une pièce. On part même dans des délires grand-guignolesques avec un final sans queue ni tête où l’on se confronte à une tonalité cartoonesque.
La carte de l’excentricité reste donc pleinement assumée. Le détournement d’un des symboles de la J-Horror, à savoir les longs cheveux noirs, trouve ici une interprétation farfelue. En règle générale, on adhère ou pas à un tel parti pris. En revanche, cette propension à mélanger les genres demeure plus délicat à aborder. En l’occurrence, le cinéaste n’oublie pas de vue qu’il est en charge d’un film axé sur l’horreur, l’épouvante qui découle d’une malédiction. Preuve en est avec un démarrage relativement patient où le metteur en scène de Suicide Club développe ses personnages et pose le contexte.
Dès lors, on a droit à des thématiques réalistes qui sont abordées avec la gravité et le pragmatisme nécessaires. La maltraitance infantile est avancée de manière constante avec une souffrance physique et psychologique prégnante. Pour les flashbacks disséminés çà et là, le trafic d’êtres humains et d’organes lorgne avec mesure vers le torture-porn. En termes de mise en scène et d’approche, le ton demeure pesant, très sentencieux et nihiliste à certains égards. Mais ces effets s’annulent face à une alternance continue avec les atours comiques évoqués en amont. Le traitement reste donc superficiel, chaotique et les intentions qui découlent de ces aspects n’ont pas l’impact escompté.
Au final, Exte se révèle un film d’horreur coincé entre deux courants. D’une part, on distingue une propension évidente au second degré avec des caractères expansifs et une tonalité excentrique. D’autre part, Sion Sono évoque des sujets qui lui permettent de renouer avec la dureté de ses productions dramatiques. Un choix qui s’avère plus pertinent pour illustrer une malédiction et développer l’aspect oppressant de la partie horrifique. Malheureusement, ce travail ne se révèle guère probant devant une connotation saugrenue qui prend le pas sur toute autre considération. Une œuvre originale et irrévérencieuse, mais inaboutie en raison de son approche schizophrénique du genre.