Yéti : Le géant d'un autre monde
Les années 1970 sont particulièrement friandes des créatures mythiques qui ornent le tableau de chasse fantasmé des cryptozoologues. Le sasquatch, le bigfoot ou même l’abominable homme des neiges ont eu droit à quelques métrages plus ou moins dispensables. C’est notamment le cas de Sasquatch, the Legend of Bigfoot, Snowbeast ou encore Screams of a Winter Night. Il est en revanche un film de cette période qui est passé à la postérité: Yéti - Le géant d’un autre monde. Non pour ses qualités cinématographiques, mais pour son aura nanardesque dont l’absurdité rend la chose encore plus déconcertante. Et quand on apprend que le réalisateur a réellement voulu révolutionner l’industrie du septième art, on tient là quelque chose d’unique.
Lassie Vs Yéti !
Tout droit sortie de ses péplums transalpins, Gianfranco Parolini (crédité Frank Kramer pour l’occasion) s’essaye à un genre qui lui est presque inconnu. L’objectif est simple. Concurrencer le remake de King Kong par le pillage de son scénario et le remplacement de son «monstre» vedette. Au vu de l’ouverture sur O Fortuna (Carmina Burana), on s’attend à un film épique. Et, dans un certain sens, il le sera. Parfois jusqu’à la lie au regard de tout ce que l’on peut constater d’affligeant d’un point de vue formel. Car, dans le fond, Yéti - Le géant d’un autre monde n’apporte strictement rien au sujet principal. Par ailleurs, l’abominable homme des neiges est plus humain que ceux-ci.
Le scénario amalgame la ligne directrice de son homologue américain tout en y insufflant un mélange des genres passablement indigestes. Entre le film catastrophe, le survival animalier et le divertissement à destination d’un public familial, on touche à tous les profils de spectateur sans se soucier d’une quelconque cohérence. On fera l’impasse sur le gamin «tête-à-claque» inutile ou le fidèle compagnon à quatre pattes, sorte d’ersatz à Lassie dont on se serait bien passé. L’ensemble des protagonistes surjoue et se complaît dans le ridicule à tel point qu’ils ne sont jamais dans le ton suggéré par les scènes. Ces dernières sont alignées les unes derrière les autres sans transition aucune, comme si l’on assistait à des reportages décousus sur les ravages du yéti.
Un film qui se prend de haut à chaud, comme à froid
Pour essayer de nous faire passer la pilule, on nous impose des justifications pseudo-scientifiques à l’emporte-pièce qui ne floueront personne. Mais l’on retiendra surtout l’apparence du yéti en lui-même qui tient davantage de l’homme préhistorique mal embouché et non de l’hominidé coutumier des sommets himalayens. Sa taille démesurée (et variable) n’est nullement représentative de la bêtise sollicitée pour tenter de lui donner vie. Sans le moindre euphémisme, les incrustations pour traduire son gigantisme sont abominables. On notera également un décalage cocasse entre sa tignasse évoquant une crinière de lion et son cri, à mi-chemin entre le rugissement du fauve et le barrissement d’un éléphant!
À ce stade, on ne tient même plus là un film sur le yéti, mais un véritable florilège d’absurdités. Entre la férocité clairement affichée des premières scènes et l’animal de compagnie docile qui se dépeint progressivement, on souffle le chaud et le froid (littéralement) avec une palette d’émotions relativement restreinte et sans aucune nuance. Preuve en est avec les séquences de destruction minables qui précèdent des passages où le yéti s’interroge sur la frénésie des citadins. Pour ne rien gâcher, le thème principal est décliné à toutes les sauces. On a ainsi droit à un O Fortuna psychédélique, une variante sentencieuse et lénifiante, sans oublier celle où la touche disco s’invite de manière fortuite.
Tout est dit...
Au final, Yéti - Le géant d’un autre monde est un film issu d’une dimension parallèle où la nullité est synonyme de blockbuster spectaculaire. Malgré les intentions réelles et avérées de l’équipe de production, cette chose est un ratage total qui subsiste uniquement dans les annales du nanar. Entre un monstre géant plus terrifié que terrifiant, des acteurs (et des doubleurs) complètement dépassés par la situation et des effets spéciaux antédiluviens, on tient là tous les ingrédients pour découvrir un cinéma italien poussif et prétentieux qui présage de son déclin en devenir. Mal inspiré par son concurrent simiesque, ce yéti multiplie les tares à un rythme effréné. Idéal pour ne pas laisser le temps au spectateur de réfléchir, sauf si ce n’est sur sa condition mentale pour aborder une telle immondice.
Un film de Gianfranco Parolini
Avec : Antonella Interlenghi, Jim Sullivan, Tony Kendall, John Stacy