Upside Down
Depuis quelques années, il est souvent difficile de trouver des films qui sortent de l'ordinaire, ne serait-ce par le simple fait de dénicher un concept à la fois singulier, audacieux et prometteur dans son élaboration. Certains tentent la relecture d'un genre (ou d'un sous-genre) avec plus ou moins de brio. D'autres essayent de s'engouffrer dans de nouvelles brèches avec la volonté de filmer autrement. Deuxième long-métrage de Juan Solanas, Upside down décide de tourner et retourner son idée de départ (à savoir la confrontation de deux univers différents) dans tous les sens avec un plaisir non feint. Voyons de quoi il retourne...
C'est à vous retourner la tête.
Sur le papier, Upside down intrigue. Dans notre univers, il existe deux mondes (celui du haut et du bas) qui cohabitent sans jamais se toucher. L'un est prospère, l'autre pas. Adam et Eden se rencontrent au sommet d'une montagne et nouent une idylle impossible. Le générique débute en faisant l'exposition des lois régissant les deux mondes, notamment comment se comporte la gravité lorsqu'elle entre en conflit avec son opposé. Entame classique et facile à comprendre pour aborder le métrage dans de bonnes conditions. Une fois les bases assimilées, on peut s'engager de pied ferme dans cet univers qui frappe par sa beauté hypnotisante.
Qu'il s'agisse de paysages urbains ou naturels, les plans larges confèrent à l'onirisme. C'est bien simple, l'émerveillement est au rendez-vous à chaque panorama où l'on peut contempler les villes d'en haut et d’en bas, se reflétant comme un miroir inversé. On songe également au repli de la ville dans Inception pour se faire une idée de la chose. Mais ce sont surtout les passages au sommet de la montagne où les nuages créent des formes aléatoires aux contours éthérées que l'on se rend compte du travail artistique fournit. Ces véritables tableaux invitent à la contemplation plus qu'au soulèvement.
L'un à la tête dans les nuages, l'autre... également !
Et c'est peut-être ce que l'on pourrait reprocher à l'histoire : sa naïveté et sa passivité. Le fait est que les protagonistes ne remettent jamais en question leur condition (bonne ou mauvaise). Ils acceptent tout sans ciller, et ce, en dépit de la logique même. S'agit-il du haut, du bas ? Je vous laisse choisir. À aucun moment, on ne verra les prémices d'une révolte, mais plutôt d'une résilience presque navrante. L'apitoiement semble être le maître mot. Naïveté, dans le sens que la romance au c½ur de l'histoire ne souffre d'aucune réflexion profonde entretenant le doute sur les sentiments de l'un ou de l'autre.
Comprenez que l'idylle est au centre de l'intrigue. Aussi, autant faire l'impasse sur Upside down si le côté fleur bleue vous rebute. Elle est le moteur du film et, malgré son aspect confondant, se laisse suivre agréablement. Comme évoqué un peu plus haut, le problème réside dans des ficelles narratives faciles. L'amnésie d'Eden permettait un nouveau jeu de séduction intéressant et c'est ce qui se passe pendant la majeure partie du récit. Seulement, un certain moment (que nous ne divulguerons pas) rompt littéralement avec le reste pour faire avancer la progression plus rapidement.
Non, le ciel ne nous tombe pas sur la tête !
Pourtant, l'échange entre les deux personnages principaux est assez savoureux en y incorporant le concept du monde d'en haut et d'en bas. On sent un véritable casse-tête pour exposer des séquences à la mise en forme difficile, à tel point que l'on a du mal à distinguer le haut du bas et inversement. On tourne, retourne et détourne en tout sens en s'égarant parfois. Voilà une épreuve pour le moins plaisante qui change d'une réalisation plus académique, plus plate étant donné que le cinéaste joue sur plusieurs dimensions avec la contrainte de prendre en considération les autres.
Si la narration peut paraître assez convenue dans son ensemble, le fait d'explorer deux mondes en même temps est absolument délectable. La simple portée symbolique du concept permet de faire des comparaisons intéressantes. L'incompréhension permanente Homme/Femme, les riches et les pauvres appartenant à un univers différent ainsi que des opposés plus ou moins subtils qui s'appliquent en pareil cas. Il en ressort une évidence : qu'il s'agisse de blanc ou de noir, de points de vue aux antipodes, les contraires sont indissociables et ne pourraient exister l'un sans l'autre.
Qui joue les araignées maintenant ?
En ce qui concerne les protagonistes, Adam et Eden sont deux individus ordinaires qui donnent à leur histoire des airs extraordinaires (en dehors de leurs univers respectifs). La pureté (par la même leur candeur) de leurs sentiments se ressent et prend davantage d'épaisseur aux moments uniques qu'ils passent ensemble. Toutefois, il est bon de souligner qu'il n'y a aucune évolution dans leur point de vue, ce qui n'est pas pour améliorer l'apparente simplicité de l'intrigue. L'on retiendra également la prestation sans fioriture de Timothy Spall.
Au final, Upside down se révèle un projet ambitieux et original tant l'exploitation du monde d'en haut et d'en bas est recherchée sur le fond et la forme. Certes, la romance au c½ur du film en rebutera plus d'un et laisse couler une histoire assez prévisible, peut-être mièvre à certains égards. Toutefois, se serait passer à côté d’un concept audacieux et singulier qui, sans être révolutionnaire, est une grande bouffée d'oxygène et de rêveries dans un paysage cinématographique en manque d'inventivité et de renouveau. Original et apaisant.
Un film de Juan Solanas
Avec : Kirsten Dunst, Jim Sturgess, Jayne Heitmeyer, Agnieshka Wnorowska