La Colline a des Yeux
D'un commun accord, on peut dire que Wes Craven est capable du pire comme du meilleur. Inventeur de deux des plus grandes figures du cinéma d'horreur que sont Freddy et Ghostface (Scream), il est aussi responsable de films de qualité plus discutables. Mais ses premiers films ont marqué certaines personnes, certains adolescents, qui, en grandissant, ont voulu en faire des remakes. Ainsi naquit La Dernière Maison sur la Gauche qui subit un lifting nécessaire et La Colline a des Yeux, qui subit lui aussi un gros coup de jeune pour un résultat plus qu'excellent, devenant l'un des meilleurs films d'horreur des années 2000. Mais le plus important dans les remakes, c'est de savoir ce que vaut l'original, celui qui a poussé certains producteurs et réalisateurs à mettre en place un tel projet. C'est en 1977 que voit le jour La Colline a des Yeux, film hautement subversif pour l'époque, présentant certaines scènes difficiles et supposant d'autres passages bien sales. Mais le film a-t-il bien vieilli ? Rien n'est moins sûr ! Allons faire un petit tour dans le désert américain !
Un passage qui rappelle Bernie !
L'histoire de La Colline a des Yeux est relativement simpliste et cache pourtant des messages assez antimilitaristes. Une grande famille souhaite rejoindre la Californie en voiture et avec une caravane. Choisissant la route à travers le désert pour voir les mines d'argent qui ont fermé, le petit groupe fait le plein auprès d’un pompiste en train de fermer boutique qui leur demande de ne pas prendre cette route qui est bien trop dangereuse. Ils décident quand même d'y aller, et après un accident, des dégénérés commencent à attaquer le convoi familial. C'est à partir de ce pitch tout simple que Wes Craven va essayer d'instaurer la peur et un sentiment de malaise. Sous ses airs de survival fauché et vieillot, se cache en fait une critique de l'armée américaine, (c'est à cause de tir de missiles d'avions de chasse que la famille panique et a un accident) et une volonté de montrer qu'il y a certains laissé pour compte dans les déserts américains. Le seul problème, c'est que cette vision est juste effleurée et que l'on aura un sentiment de rédemption de la part d'une seule personne, la jeune fille de la famille de dégénérés.
Du coup, le scénario ne tient pas très bien la route, hormis le côté survie et il montre à quel point le sauvetage d'un enfant, et plus précisément de son enfant, peut faire sortir un homme de ses gonds, le pousser à l'absolu. Heureusement pour nous, le réalisateur n'oublie pas de glisser une ambiance assez atypique pour l'époque à son film. En effet, le désert de roches est propice à bien des cachettes et à bien des prédateurs dangereux comme les serpents à sonnette ou encore les scorpions et les mygales. C'est dans ce climat sauvage que la vraie sauvagerie va poindre le bout de son nez, non pas en la présence des animaux, mais plutôt d'humains difformes ayant bien conscience de ce qu'ils font ! Du coup, le climat devient encore plus dangereux et certaines scènes sont vraiment très dures, comme l'attaque de la caravane, moment éprouvant gardé par Alexandre Aja pour son remake ou encore la tentative d'assassinat du bébé. Bref, Craven n'y va pas avec le dos de la cuillère et cela fait plaisir.
Mais tout cela est assez vite contrebalancé par quelque chose de vraiment peu professionnel, la direction d'acteurs. En effet, si l'on retrouve quelques acteurs connus comme Michael Berryman avec son visage si particulier ou encore James Whitworth (Mission Impossible) et Dee Wallace (Hurlements, The Lord of Salem), tout ce petit monde joue relativement mal. On détestera le gendre moustachu auquel on ne croit pas une seule seconde, on détestera le petit frère qui n'a rien d'un athlète de haut niveau et on détestera Jupiter, le père des tarés parce qu'il surjoue à mort. Le côté sérieux du film en prend un coup et on remarquera plus facilement les subterfuges utilisés par Wes Craven. On pourra voir le maquillage du nez de Jupiter partir en cacahuète lors d'une course à pied, on pourra voir un chien très intelligent, voire plus que certains humains, bref, tout cela ne fait pas peur et enfonce le film dans une parodie non voulue est assez gênante.
Comment ça je ne suis pas crédible ?!
Heureusement que quelques passages demeurent bien foutus et donnent une tension bien palpable, car outre l'attaque de la caravane et la supposition du viol de la petite soeur, le film contient quelques scènes gores, comme le père qui brûle sur un cactus ou encore la morsure du chien sur tendon d'Achille de Michael Berryman. Tout cela est plutôt gratuit mais montre une certaine cruauté et une certaine justice. On passera vite sur la fin, qui arrive comme un cheveu sur la soupe et qui n'annonce pas de suite. Alors on pourra comparer avec le remake, mais il faudrait faire un comparatif dans l'époque et cela serait assez long. Néanmoins, Aja a pris le meilleur du film de Craven et a rajouté des passages proprement monstrueux, comme cette ville de test nucléaire pour faire un produit horrifique génial, et bien au-dessus, niveau tension et gore que celui de Craven. D'autant plus que dans le film original, les costumes des dégénérés sont assez grotesques, ressemblant plus à des indiens d'Amérique du Nord qu'à des tarés cannibales sadiques.
Au final, La Colline a des Yeux version 1977 est une petite déception, car la péloche a vraiment mal vieilli. Assez lent, très peu gore et avec des méchants plutôt grotesques, le film a du faire un tollé l'année de sa sortie pour les histoires de viol ou encore de tentative de meurtres d'enfants, mais aujourd'hui, cela reste presque désuet et assez mal foutu. Si le film a su garder un certain charme par les tenues des protagonistes ou par la manière de filmer, le reste demeure assez faible surtout après tous les films d'horreur traitant de ce sujet et le magnifique remake. Bref, si les nostalgiques y trouveront leur compte, les autres seront plutôt, ou amusés, ou attristé par ce gros coup de vieux.
Un film de Wes Craven
Avec : Michael Berryman, Susan Lanier, Robert Houston, Dee Wallace