Tulpa - Perdizioni mortali
Le cinéma de genre italien n’est plus que l’ombre de lui-même. Il suffit de jeter un œil sur les dernières productions pour s’en convaincre: des séries B, voire Z, au scénario aussi rachitique que leur budget. On peut également se pencher sur d’illustres réalisateurs comme Dario Argento pour comprendre l’ampleur des dégâts (Giallo ou son ignoble version de Dracula). D’aucuns diront qu’il s’agit simplement d’une extension commune à l’industrie cinématographique. Toutefois, il faut reconnaître que cette évolution (ou plutôt dégénérescence) marque davantage les bobines de la botte européenne.
Un peu trop bien attaché pour la suite des réjouissances...
C’est donc avec énormément de réserve que l’on aborde Tulpa Perdizioni mortali, giallo tardif dont on a du mal à saisir le bien-fondé. Pour rappel, ce genre aux codes très arrêtés est à l’Italie ce que le slasher est aux États-Unis. Le raccourci est vite fait, mais pour des non-initiés, cela donne un aperçu de ce que l’on peut attendre d’un giallo, l’atmosphère sophistiquée en plus. Outre l’intérêt d’un tel métrage, l’on s’interroge où se situe l’hommage et où le réalisateur s’approprie les poncifs pour tenter d’offrir un minimum d’originalité au genre. Jouer sur le fil du rasoir avec des passages scabreux, gore et tortueux?
Il est vrai que la séquence d’intro a de quoi retenir l’attention: une séance de bondage qui tourne à une émasculation peu ragoûtante où les gerbes de sang volent en tout sens. Jazz en fond sonore, drogues et douleurs au menu des réjouissances avec en sus un éclairage tamisé et travaillé. L’on se dit que malgré des moyens modestes, ce métrage qui ne sortira sans doute pas en France est capable de développer une ambiance particulière, à mi-chemin entre le dégoût des assassinats et l’exposition de mœurs délurées. Seulement, la montée progressive de cette entame aguicheuse n’en restera qu’au stade des bonnes intentions.
Un petit tour de manège ?
En effet, l’intrigue devient vite répétitive en s’attachant à un schéma narratif limité et prévisible: une journée de travail harassante suivit par une partie de jambes en l’air plus ou moins libertines, un petit règlement de comptes et ainsi de suite. De fait, l’on s’ennuie rapidement et le scénario ne révèle aucune surprise de taille. On tente de perdre le spectateur dans une complexité de façade qui s’appuie maladroitement sur un whodunit que l’on voit arriver sans la moindre difficulté, et ce, malgré de fausses pistes et de multiples subterfuges grossiers pour nous induire en erreur. Et ce n’est pas le côté mystico-ésotérique qui changera la donne.
La tulpa est une notion liée au bouddhisme tibétain. Pour faire court, il s’agit d’une entité mentale qui prend naissance dans l’esprit de son créateur doté d’une forme de conscience qui lui permet d’être autonome. Le sujet est assez méconnu et mérite de plus amples approfondissements. Un tel concept est exploitable pour un film, à condition de ne pas s’en servir comme simple prétexte. Ici, l’on sombre dans des incohérences navrantes. Apparemment, le réalisateur/scénariste s’est contenté de piocher des informations erronées sans se soucier de l’exactitude de ses sources. La plus grossière étant d’assimiler la tulpa à une forme de démon.
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Toujours est-il que cette notion entre les meurtres fait tache. L’atmosphère perd en crédibilité ce qu’elle aurait pu gagner en étrangeté. Ces éléments sont incorporés maladroitement et surgissent dans des moments inadéquats et ne trouvent aucune justification dans son dénouement. Certes, les codes du giallo sont respectés avec une photographie assez soignée, notamment au sein du club où l’omniprésence de teintes rouges offre un résultat intéressant. On y retrouve également le tueur dont on n’aperçoit que les gants de cuir ou cette bande-son assez pesante, mais l’ensemble est calqué avec plus ou moins d’habileté sur les références du genre.
Entre temps, les assassinats ne sont pas aussi inventifs que ne laissent croire les apparences. Un petit tour de manège avec du barbelé, une casserole d’acide ou une crucifixion, pour n’en citer que quelques-uns, cela s’avère assez sommaire et surtout vite expédié pour retomber dans un récit lénifiant. Pour ce qui est des scènes d’érotisme, on demeure dans le soft sans jamais sombrer dans le dérangeant. Le penchant sado-maso de Lisa s’apparente donc davantage à du libertinage qu’à un plaisir inavoué pour la domination et la douleur. Au vu de l’entame, pas mal de promesses non tenues qui révéleront un manque d’imagination flagrant.
Attention, ce type est inquiétant (ou pas).
Mais le pire reste sans doute les acteurs eux-mêmes. L’ensemble du casting semble tout droit sorti du jardin du voisin pour rendre service à un ami. Outre un charisme inexistant, ils ne sont jamais dans le ton avec des expressions monolithiques ou des intonations en contradictions avec leur gestuelle. Certes, Claudia Gerini possède des atours féminins indéniables, mais ne véhicule aucune empathie à l’égard de son rôle. La palme de l’incompétence revient à Nuot Arquint qui incarne un personnage mystérieux et inquiétant dont il ne résulte qu’un vide intersidéral avec ses œillades noires et ses sourires en coin. Absolument pathétique!
Au final, Tulpa perdizioni mortali est un giallo qui exploite les ficelles du genre sans la moindre originalité. Entre une intrigue cousue de fil blanc, des meurtres peu emballants, un côté scabreux à peine évoqué et un casting horripilant, cette production montre que l’Italie s’enlise dans les méandres de l’absurde et de la médiocrité. Incohérences appuyées par une histoire secondaire (la tulpa) sans liens avec le nœud du problème qui se destine avant tout à combler les vides d’un scénario maladroit et brouillon. Hormis la séquence d’introduction assez efficace, un film bas de gamme qui ne ressuscitera pas le giallo et lui rend encore moins hommage. Prétentieux et ennuyeux.
Un film de Federico Zampaglione
Avec : Nuot Arquint, Claudia Gerini, Laurence Belgrave, Giorgia Sinicorni