Sherlock Holmes contre Jack l'Eventreur
Une enquête de Sherlock aux charmes désuets, mais qui pèche surtout par un manque de finition au niveau de l’intrigue (surtout dans ses aboutissants) et certaines libertés prises tant dans la réalité que dans la fiction.
S’il y a bien un personnage qui a été largement adapté au cinéma et à la télévision (pour ne citer que ces deux médias), c’est bien Sherlock Holmes. Juste devant Dracula, le détective mythique de Conan Doyle est tellement fascinant qu’il a tôt fait d’être entré dans la culture populaire, à tel point que certains considèrent qu’il a réellement existé. Ses enquêtes ont donné lieu à de très belles bobines, mais également à une déclinaison de pastiches et d’histoires « originales » pas forcément incontournables. Dans Sherlock Holmes contre Jack l’Éventreur, l’on sent une volonté évidente de flouer les frontières du réel et de la fiction en incorporant l’un dans l’autre pour en faire une confrontation intéressante. Alors, un film aux qualités élémentaires ?
Une baignade sanglante.
Presque 50 ans après sa sortie, la mise en scène s’est quelque peu érodée. Cette remarque prévaut surtout pour les séquences de meurtres. Trop rapidement expédiées (une à deux secondes en moyenne), on ne verra quasiment rien si ce n’est de jeunes femmes surprises et apeurées ou des plans fixes aux trucages désuets, par exemple le couteau dans la gorge ou le sirop visqueux en guise de sang. Même pour un thriller des années 1960, cela paraît un peu juste lorsqu'on traite du plus célèbre tueur en série de l’histoire. Toutefois, l’on découvre un Londres victorien crasseux nanti de décors assez fouillés qui évoquent les productions de la Hammer.
Qui est plus, lesdites séquences ne semblent pas vraiment corroborer les véritables événements. Un réalisme de façade qui prend des libertés çà et là avec les faits avérés de l’affaire Jack l’Éventreur et l’univers de Sherlock Holmes. On retrouve la lettre, le nom des victimes, le contexte paranoïaque entourant Whitechapel, mais la mise à mort des prostituées laisse perplexe, tout comme certaines théories avancées. À cela, l’improbable mixage avec les personnages de Conan Doyle offre un aperçu assez incongru, sans toutefois sombrer dans la parodie de bas étage. Le 221B Baker Street répond à l’appel, tout comme la famille Carfax, l’inspecteur Lestrade (qui ne côtoie pas Abberline) et quelques clins d’œil supplémentaires afférents aux enquêtes de Sherlock.
Le maître à l’œuvre...
Des protagonistes qui sont assez bien campés par leurs interprètes. On a droit à un panel d’individus hétéroclites, avec des physiques marqués et dissemblables, qui remplissent leur office sans faire de vague. John Neville incarne un Holmes honnête aux déductions toutefois moins poussées que dans d’autres versions, voire moins argumentées dans les observations. Néanmoins, l’on regrettera surtout que Watson soit relégué au rang de faire-valoir et de temps à autre, au statut de majordome (« Servez-nous un cherry, Watson ») au lieu d’un véritable appui et aide de terrain pour Holmes. Les seconds rôles sont, quant à eux, assez bien campés avec un bémol concernant les prostituées.
Mais que serait un Sherlock Holmes sans une bonne histoire à raconter ? L’énigme est de taille pour le détective. La progression s’avère travaillée pour ne pas perdre le spectateur (avec quelques libertés prises sur les repères temporels). Aussi, l’intrigue se décante en douceur avec quelques sursauts au niveau du rythme. De ce côté, l’on n’a pas de grands reproches à émettre, même si l’on ne peut s’empêcher de constater dans la dernière ligne droite une certaine facilité dans les révélations finales et une justification discutable pour conserver le secret sur l’identité de Jack l’Éventreur, ainsi que ses motivations.
Un célèbre détective se cache sur cette photo.
Au final, Sherlock Holmes contre Jack l’Éventreur propose un mélange intéressant de fiction et de réalité, mais qui n’est pas exempt de défauts. Certains sont entièrement dus au vieillissement du matériau de base (notamment les trucages) auquel on ne tiendra pas trop de rigueurs. En revanche, quelques ficelles du scénario ou les libertés prises avec l’un ou l’autre de l’univers tendent à susciter un sentiment mitigé. Au lieu d’en ressortir un objet de curiosité savoureux, l’on a droit à une enquête plaisante à suivre, mais loin d’égaler celles de Conan Doyle. Principalement en cause : le traitement de Watson et les déductions finalement pas si indispensables à la bonne résolution de l’énigme (il faut deux ou trois indices bien placés pour que Sherlock découvre l’identité de Jack l’Éventreur). Il demeure un thriller honnête, qui vaut surtout le coup d’œil pour le crossover qu’il propose.
Un film de James Hill
Avec : John Neville, Donald Houston, John Fraser, Barbara Windsor