Temple
Le cinéma d’épouvante asiatique est réputé pour proposer des productions angoissantes et anxiogènes au possible. Le succès est tel que l’opportunisme hollywoodien a tôt fait de l’exploiter par le biais de remakes inégaux. On songe notamment à Dark Water, Pulse, The Ring ou encore Les Intrus. Certaines productions américaines prennent pour cadre l’archipel nippon, comme Spirits (remake du film thaïlandais Shutter) ou The Grudge. Le résultat n’est pas forcément exceptionnel, mais possède des qualités suffisantes pour s’éloigner des velléités mercantiles initiales. Avec Temple, on s’aventure dans une démarche similaire à ceci près qu’il s’agit d’une histoire originale. Enfin, presque...
Une représentation de kabuki grotesque ?
S’il n’est en rien un found-footage, le métrage de Michael Barrett lui emprunte de nombreux éléments pour agencer sa structure narrative. On songe à l’entame censée justifier le voyage au Japon, mais aussi au flashforward qui instaure d’emblée une confrontation glauque avec les faits. La mise en condition s’avère assez classique et néanmoins plaisante. De même, on peut évoquer l’usage sporadique des appareils photo et des caméras sous l’angle des protagonistes, rappelant un aspect voyeuriste hors contexte qui ne cadre pas avec le caractère du personnage principal. Est-ce un hasard si le scénariste, Simon Barrett, a officié sur Blair Witch d’Adam Wingard?
La référence est pourtant loin d’être flatteuse. On retrouve aussi une certaine propension à entretenir le côté énigmatique autour de la disparition de deux touristes et de l’identité du troisième larron qui semble ne faire aucun mystère. Mais nous y reviendrons plus tard. Bien qu’ils restent assez clairsemés et peu nombreux, on a droit à de fréquents intermèdes qui nous rappellent à l’affaire criminelle. Cet angle d’approche évente la progression et se révèle préjudiciable sur la nature des tenants et des aboutissants. De même, le travail réalisé sur l’atmosphère est atténué à cause de ces digressions au ton décalé, car tentant un traitement psychanalytique surfait et maladroit, au lieu de s’appuyer sur le folklore japonais.
Une gardienne anthropomorphique aux multiples talents cachés...
Un écueil d’autant plus dommageable que, de ce point de vue, Temple soigne son ambiance. On évoque certains Yōkai ou Yūrei à travers des figures emblématiques, comme le rôle de gardien de la femme-renarde ou Kitsune. La découverte du Japon se fait également par le contraste entre la grandiloquence de Tokyo et les superstitions encore ancrées dans les villages. À la fois craint et respecté, l’aspect surnaturel semble faire partie du quotidien. Une particularité récurrente de la culture nipponne que l’on retrouve ici. L’exploration d’une modeste échoppe ou l’écoute d’anecdotes macabres concourt à renforcer un climat malsain, jouant plus la carte du suggestif.
En cela, l’ambiance se rapproche quelque peu de Noroi ou de la saga vidéoludique Project Zero dans l’instauration du contexte et de l’environnement. Les croyances locales, principalement axées sur le shintoïsme, contribuent également à entretenir un certain malaise. Ajoutons à cela une sombre histoire de malédiction autour d’un moine ravisseur et tueur d’enfants et l’on obtient un potentiel qui aurait gagné à un meilleur traitement que le laisse augurer son dénouement. En l’espace de quinze minutes, l’intrigue part en roue libre. Entre un twist qui souhaite revenir à un ton plus rationnel, des incohérences qui découlent de l’identité même du survivant (une tromperie faite à dessein) ou de la manifestation réelle du Kitsune, on touche au grand-guignolesque avec, en point d’orgue, un épilogue abscons qui n’explique quasiment rien.
A louer, sympathique temple maudit dans un coin bucolique et isolé
Au final, Temple a tout de la production modeste qui pouvait se démarquer par son ambiance, parfaitement représentative de la place du folklore et du surnaturel au sein de la culture japonaise. Malheureusement, le film de Michael Barrett s’enlise dans une progression douteuse et chaotique qui altère considérablement ces qualités. Malgré un rythme posé et assez patient, le scénario est l’exemple typique d’un bâclage en règle en laissant une trop grande marge de manœuvre au niveau de l’interprétation. Choix qui suscite également de nombreuses contradictions dans le déroulement des événements. Ou comment saborder son propre projet par une maîtrise narrative bancale qui s’assimile très mal au contexte.
Un film de Michael Barrett
Avec : Logan Huffman, Natalia Warner, Brandon Sklenar, Naoto Takenaka