Maggie
Il est rare pour une première réalisation de disposer d’un budget d’une dizaine de millions de dollars. Il est encore plus rare de s’offrir des têtes d’affiche renommées. Alors, quand ces éléments se réunissent autour d’un film de zombies, on est droit de s’interroger sur l’intérêt et la qualité d’une pareille production. Une de plus! me direz-vous et, en cela, vous n’avez sans doute pas tort. Le genre est tellement surexploité dans tous les sens que toute originalité (en dépit de l’efficacité) semble avoir déserté ces mornes contrées. Seulement, il persiste quelques bonnes idées ou pistes inexplorées qu’une minorité de cinéastes arpente, n’en déplaise à des exigences (commerciales et critiques) peu amènes, voire blasées.
Morne, Maggie l’est à n’en pas douter. Dès les premières images, le ton est donné. L’intrigue ne se penche pas sur la pandémie, mais sur les séquelles laissées dans son sillage. L’on devine tout de même des villes en ruines (décombres fumants à l’horizon), ainsi que des routes peu praticables. Couleur terne, ton grisâtre omniprésent, la photographie rend l’atmosphère délétère. Un peu comme si l’humanité vivotait entre deux mondes avant de périr. Toujours est-il que le quotidien reprend petit à petit en tentant d’accepter ou d’assimiler les pertes et de cohabiter avec les personnes contaminées.
En effet, celles-ci deviennent des morts-vivants par stades intermédiaires (on en compte trois principaux). La maladie progresse différemment selon les individus, mais avec des symptômes similaires. À savoir, la décomposition, l’absence d’appétit et l’odorat qui gagne en acuité, pour n’en citer que quelques-uns. Cela rappelle la série britannique In the flesh, à ceci près que l’on assiste à une dégénérescence et non une renaissance. L’humanisation des zombies dispose d’une part importante au sein de l’intrigue. Dès lors, l’aspect horrifique occupe une place secondaire pour privilégier les relations intrafamiliales (en particulier, les échanges père/fille) via un traitement de fond dramatique.
Nous ne sommes pas en présence d’un film d’auteur, mais le rythme lancinant, ainsi qu’un cadre unique (qui peut traduire des moyens limités), témoigne d’une approche intimiste et personnelle d’une contagion à échelle mondiale. C’est sur ce point que Maggie pourra déconcerter. On accroche ou pas à ce parti pris qui fait la part belle à l’émotion. Pas de fioriture, des maquillages discrets et néanmoins convaincants, une évolution mesurée de l’état de Maggie, le film ne se perd pas en atermoiements ou en promesses absurdes, mais il raconte son histoire avec sobriété et pudeur. Point assez rare pour le souligner.
Mais l’entreprise aurait été bien vaine avec un casting décevant. De prime abord, la présence d’Arnold Schwarzenegger paraît incongrue dans un tel projet. Habitué aux rôles musclés et parfois comiques, l’ex-gouverneur de Californie se prête à un exercice délicat et inédit dans sa carrière. D’aucuns pensent qu’il ne possède qu’une «présence» à l’écran sans le moindre talent. Force est de reconnaître que Maggie lui permet de prouver qu’il sait jouer autre chose qu’un gros dur ou un héros au cœur tendre. À l’instar de la performance des autres acteurs, sa prestation est pour le moins étonnante et inattendue. En d’autres termes, elle s’incorpore parfaitement à l’ambiance générale.
En dépit des nombreuses critiques négatives qu’il récolte çà et là, le premier film d’Henry Hobson est une surprise à plus d’un titre. Outre une approche singulière et foncièrement nihiliste sur le thème éculé des zombies, Maggie se révèle un drame horrifique nuancé où l’on préfère réduire la contamination mondiale à l’échelle familiale. Le parallèle avec une maladie incurable (cancer ou autre) apporte un élan affectif saisissant pour délaisser les habituelles traques à travers des villes dévastées ou un survivalisme de circonstance. Avec une interprétation sans faille et un développement latent prompt à l’isolement et à la tristesse, Maggie parvient à toucher le spectateur si tant est qu’il ne soit pas rebuté par une progression quasi statique.
Un film de Henry Hobson
Avec : Arnold Schwarzenegger, Abigail Breslin, Joely Richardson, Laura Cayouette