La Nuit du Loup-Garou
**Attention, cette critique contient des spoilers.**
Né du viol d'une servante par un prisonnier dément, un orphelin est condamné par une terrible malédiction.
Après s'être attaquée avec succès aux relectures de Dracula et Frankenstein, la Hammer se lance, au début des années 60, dans de nouveaux projets. Après les mythes de La Momie (1959) et de Jekyll et Hyde (1959), le célèbre studio s'attachait donc ici à redonner ses lettres de noblesse à un monstre oublié quelque peu depuis les années 40 : le loup-garou.
Le long prologue, d'une vingtaine de minutes, délocalise la créature en Espagne. Ce lieu apporte un dépaysement supplémentaire et rompt avec le cadre glauque et pluvieux du brouillard anglais pourtant cher à la firme. Le soin apporté aux décors et aux costumes est le premier point marquant du film. On y sent d'emblée la patte du réalisateur Terence Fisher, qui dirige avec beaucoup de classe et de talent cette scène importante, expliquant la naissance du Mal, au cours du mariage du bien nommé Marquis Sinistro.
Anthony Dawson, abonné aux rôles de méchant (il est le célèbre tueur du Crime était Presque Parfait d'Hitchcock), est le tyran qui donnera naissance à la malédiction. La perfidie et le sadisme du noble explique la cruauté de ceux qui l'entourent, tantôt victimes, tantôt bourreaux. Yvonne Romain campe la mère du monstre, une servante sourde-muette. Elle illustre à merveille cette ambivalence de l'être humain, déjà illustrée dans les Deux Visages du Dr Jekyll. A sa mort, elle donnera naissance à un fils, Leon.
Recueilli par un homme et sa dévouée servante qui lui donneront toute l'affection nécessaire, l'enfant est toutefois en proie, les nuits de pleine lune, à des instincts qui le forcent à tuer des animaux. Ces pulsions grandiront lorsque, à l'âge adulte, il découvrira l'amour, mais aussi d'autres envies charnelles, qui réveillent définitivement son double animal.
Le scénariste et producteur Anthony Hinds explore davantage la psyché du personnage, en tentant d'apporter une explication religieuse à cette malédiction. L'amour et la bonté permettraient d'éradiquer ces transformations. Cette ambiguïté est parfaitement illustrée par Oliver Reed, qui s'offre son premier rôle important.
Tour à tour terrorisé, enclin à la peine et à la terreur, Reed restera sans aucun doute l'acteur le plus charismatique à avoir enfilé le costume du lycanthrope, et représente l'atout majeur du casting, même s'il n'apparait qu'à la moitié du métrage. La séquence de la virée nocturne de Leon et de son ami permet d'assister à une prestation scénique brillante du comédien, qui restitue avec brio le combat titanesque qu'il se livre intérieurement. On regrette toutefois que Reed n'ait pas eu le temps de livrer toute l'étendue de son talent, le temps laissé à l'enfance de Leon étant sans doute un peu longue.
Du côté des effets spéciaux et des maquillages, la tâche des techniciens s'avérait plus relevée que pour les précédents métrages de la Hammer, qui nécessitaient moins d'ouvrage.
La transformation du héros dans la prison s'avère plutôt réussie, et préfigure la scène mythique du Loup-Garou de Londres, vingt ans plus tard. Avant cette séquence, les attaques du monstre ne laissent rien entrevoir, hormis quelques gros plans sanglants, aujourd'hui fort désuets.
L'épilogue, assez long lui aussi, déçoit par son manque d'audace et d'action. On ne peut s'empêcher de penser à la fuite ascensionnelle de King Kong, qui finalement se rapproche énormément de ce loup-garou sauvage et incontrôlable, qu'une balle en argent achèvera dans un final quelque peu expédié par Fisher.
Chaînon manquant entre les premiers essais lycanthropiques de Universal et les films des années 80, la Nuit du Loup-Garou est une incontestable réussite. Néanmoins, ce métrage n'égale pas vraiment les classiques de la Hammer, et le lycan n'aura d'ailleurs droit à aucune autre apparition au sein des studios britanniques.
Toutefois, l'air de l'Espagne lui réussira bien, puisque l'ancien catcheur Paul Naschy fera de cette bête le héros de bon nombre de séries B ibériques, dès 1968.
Un film de Terence Fisher
Avec : Clifford Evans, Oliver Reed, Catherine Feller, Hira Talfrey