Abominable
Qu’on le nomme sasquatch ou bigfoot, le mythe de ce primate géant au cœur des forêts de l’Amérique du Nord s’est démocratisé au XXe siècle, notamment avec l’émergence de la cryptozoologie. De canulars en témoignages troublants, la légende possède des variantes sur la plupart des continents. Ancrée dans la culture populaire, l’histoire est une manne providentielle pour le cinéma de genre, en particulier le survival animalier. Les années 1970 ont été particulièrement prolifiques dans le domaine, notamment avec The Legend of Boggy Creek, Creature From Black Lake ou encore The Legend of Bigfoot. Les années2000 ne sont pas en reste. Avant le présent métrage, on a eu droit à Sasquatch Mountain et Traque sauvage.
Un film qui ne marquera pas de son empreinte le survival animalier !
De qualités variables et bien souvent moyennes, pour ne pas dire médiocres, ces films ont exploité le sujet sous de nombreux angles. Aussi, on voit mal comment Abominable serait capable de se distinguer. Il existe néanmoins quelques tentatives qui semblent aller en ce sens. À commencer par un schéma narratif qui préfère s’éloigner des sentiers balisés du genre pour se concentrer sur son panel de personnages. Dans un tel contexte, l’approche est risquée et ce constat relève de l’euphémisme. Pour que cela fonctionne, il convient de fournir un background solide. Élément qui pointe aux abonnés absents, du moins en partie.
On reste beaucoup trop évasif sur le passif du protagoniste. Certes, on apprend son accident d’alpinisme, mais la présence d’un aide-soignant pour traitement psychiatrique ne colle pas avec son caractère. À force de trop jouer sur un mystère passablement inutile, on en vient à se perdre dans des invraisemblances. De même, le lot de jeunes donzelles qui arrive sur le tard tient clairement à rameuter le chaland sans se départir des clichés de circonstance. Entre les rivalités féminines, les moments de complicité et les comportements improbables, on découvre une brochette de victimes en devenir qui n’interpelle guère.Ces dernières ne sont pas suffisamment agaçantes pour se réjouir de leur trépas ni marquantes pour créer un minimum d’empathie.
On ne fait de vieux os avec l'abominable homme des bois...
Quant au rythme du film, on reste dans un cadre restreint, n’en déplaise à l’immensité de la forêt environnante et l’hostilité latente qu’elle suggère. L’approche est très étrange, car elle emprunte les atours d’un huis clos par la limitation des lieux pour des causes budgétaires évidentes et non pour susciter un quelconque sentiment d’oppression. Celui-ci découlant généralement d’une sensation de prise au piège qu’on peine encore à trouver. La trame préfère se cantonner à un curieux jeu de voyeurisme (sans vraiment l’être) qui évoque Fenêtre sur cour, du moins dans une version chalet fauchée. En l’occurrence, un choix assez déconcertant et hors contexte qui ne sert strictement à rien.
Quant au bigfoot, on revoit son gabarit nettement à la hausse, même pour lui. Dans son environnement naturel, il côtoie la cime des arbres et paraît avoisiner les trois ou quatre mètres de haut. À l’approche des chalets, cette démesure est retranscrite de manière correcte. Preuve en est avec une «défenestration» inattendue en milieu de parcours. Toutefois, quand ces attaques l’obligent à investir les lieux, sa taille rapetisse inexplicablement pour rentrer dans le cadre des pièces intérieures. Le procédé est aussi flagrant que grossier et ne rattrape en rien quelques assauts à l’hémoglobine timorée. Pour le reste, la bestiole porte bien son nom. Elle a néanmoins le mérite de nous épargner des images de synthèse immondes, le tout étant réalisé à partir d’animatroniques.
Un chalet à la montagne : rien de tel pour des retrouvailles romantiques !
Il serait facile de conclure par un jeu de mots pour définir Abominable par son propre titre. Malgré de trop modestes idées et initiatives à son actif, le film de Ryan Schifrin demeure un survival animalier globalement médiocre. La faute à une évolution stagnante, des protagonistes sans âme et un traitement des plus aléatoire pour tenter de développer le propos initial. Toutefois, on peut saluer cette prise de risques. Si minime soit-elle, elle est assez rare pour ce type de productions. Malheureusement, on en reste au stade des intentions, bonnes ou mauvaises, pour fournir un métrage basique, voire anodin, dans ce qu’il avance. Il ne s’agit pas d’une catastrophe innommable, mais d’un film loin de présenter un intérêt notable pour les amateurs.
Un film de Ryan Schifrin
Avec : Matt McCoy, Haley Joel, Natalie Compagno, Chad Smith