Le vol noir
Hormis le chef d’œuvre d’Hitchcock et précurseur dans son domaine, peu de productions animalières ont choisi les oiseaux dans leur bestiaire. Moins impressionnant qu’un squale, moins vorace qu’un crocodile ou moins féroce qu’un fauve... Il est difficile de dénicher des films dans cette thématique, a fortiori de qualité. Après L’écorché, film d’horreur intéressant, mais non dénué de maladresses, Sheldon Wilson s’attelle à Kaw. S’il paraît évident d’évoquer Les oiseaux, le cinéaste n’a pas pour ambition de rivaliser avec cette référence indétrônable. Le présent métrage va préférer jouer la carte de la sobriété et de l’inventivité pour pallier à un budget ridiculement bas.
De mauvais augures...
On limite le cadre à un environnement rural avec la petite ville de Middletown. Le paysage ne paie pas de mine et pourtant, le faible nombre de décors qui défilent à l’écran bénéficient d’une exposition soignée pour tirer le meilleur parti de l’espace. Le café, la ferme des mennonites ou même les routes reviennent régulièrement, mais le cadrage et la réalisation s’adaptent aux changements climatiques et à la période de la journée visée. Cela peut paraître anodin, mais, quand on possède peu de moyens, cette approche permet d’exploiter davantage d’idées de mise en scène avec peu. De plus, le montage accentue l’illusion de la variété tout en entretenant une certaine dynamique dans la trame.
Pourtant, la base de l’histoire se révélait peu originale et engageante tant on sentait poindre la série B sans envergure. Après une entame qui ressasse quelques poncifs, on fait se succéder les différents points de vue sans se fourvoyer dans les temps morts ou les longueurs inhérentes à un remplissage de circonstances. Or, l’intrigue va prendre des risques en essayant de trouver une explication rationnelle aux comportements des corbeaux. Cette même justification n’arrive pas comme un cheveu sur la soupe et s’avère pertinente puisqu’elle offre une nouvelle perspective à l’histoire, bien éloignée des misérables prétextes qu’on nous inflige habituellement dans le survival animalier.
Le plein, je vous prie
En ce sens, on écarte aussi une caractérisation brinquebalante qui véhicule caricatures et autres têtes à claques irritantes au possible. De par des personnalités disparates, parfois aux antipodes, les différents intervenants parviennent à se démarquer par une interprétation sobre et sans fioritures. Des figures connues telles que Stephen McHattie ou Sean Patrick Flanery aident à porter le film en préservant le cachet soigné de la mise en scène. Ici, on a droit à une communauté restreinte et néanmoins soudée dont les divergences et les affrontements se révèlent minimalistes pour se consacrer à l’essentiel. À savoir, les corbeaux.
Pour les plans rapprochés, une partie des oiseaux sont réels. Malgré la difficulté de tourner avec des animaux, ce choix améliore le rendu final en accentuant sa crédibilité. Toutefois, on distingue facilement les images de synthèse employées pour des séquences à l’échelle plus grande. Hormis un effet de masse évident, ce type de trucages vieillit assez mal. La faute à des animations sommaires et des vols groupés à la fois anarchiques et épars, ce qui amoindrit la sensation de menace imminente. Pour autant, les attaques demeurent coordonnées et violentes avec des transitions opportunes afin d’éviter de trop montrer l’aspect fauché de la production. Dénué d’une grandiloquence déplacée, l’ensemble joue sur le réalisme plutôt que sur une exposition grotesque.
Non, le tir aux pigeons n'est pas autorisé en ville
Au final, Kaw est un DTV qui crée la surprise par la manière dont Sheldon Wilson parvient à créer un divertissement recommandable à partir de (presque) rien. Sans être référentielle à outrance, l’intrigue suscite l’intérêt tant dans l’évolution des événements que dans la justification principale. La qualité de la mise en scène associée à d’excellentes idées pour s’affranchir des contraintes budgétaires se solde par un survival animalier attrayant à plus d’un titre. L’utilisation d’un bestiaire aviaire est ici loin d’être ridicule et parvient à retranscrire à minima le sentiment d’infériorité face au nombre des volatiles. À défaut de se montrer pleinement original, un film modeste qui ne faiblit pas devant l’effort pour fournir un résultat étonnamment bon.
Un film de Sheldon Wilson
Avec : Sean Patrick Flanery, Rod Taylor, Stephen McHattie, Kristin Booth