Le Sang des templiers
Les templiers ont marqué l’histoire d’une empreinte au fer rouge. De tout temps, l’aura qui entoure l’ordre aura inspiré et nourrit l’imaginaire à travers des mythes et des mystères non résolus à ce jour. Entre fantasmes et réalité, il est parfois difficile de faire la distinction. En témoigne la polémique sur leur fameux trésor, ainsi que le Graal. Pour le présent film, il n’est nulle question de s’attarder sur les énigmes ésotériques qu’on laissait les moines soldats dans leur sillage. L’on se penche plutôt sur un traitement sobre et sans fantaisie mal placée pour nous offrir une production historique dotée d’une base solide. Jonathan English parvient-il à exploiter correctement son sujet ?
Le sang des templiers ne développe pas vraiment un fait avéré, mais compose son scénario sur une poignée de personnages réels tout en brodant autour de pans oubliés de leur histoire. Il apparaît donc une certaine liberté, même si le siège du château de Rochester a bien eu lieu au XIIIe siècle dans des circonstances somme toute similaires. Force est de reconnaître que l’intrigue évoque de nombreuses productions issues des années 1960, tels que Les sept mercenaires ou Alamo pour ne citer que les plus flagrantes. Le mélange peut paraître original, mais la progression l’est beaucoup moins, notamment lors de l’arrivée des premières neiges où la trame tourne en rond.
De la réunion du groupe à la lutte au sein du château, l’exposition des protagonistes est au centre du récit. Nullement rébarbatif, le réalisateur s’emploie à instaurer une atmosphère sombre et dénuée de toute complaisance. Comprenez que l’on décrit la vie quotidienne de l’époque sans rien édulcorer. La dureté du monde paysan ou la cruauté de la « noblesse » sont au cœur du film. À ce titre, la brutalité des batailles et autres affrontements ne lésine pas sur les démembrements, l’hémoglobine, le tout saupoudré d’un zeste de torture et de violence gratuite. Le réalisme est de rigueur quand il faut tuer, blesser ou torturer.
Le soin apporté à la reconstitution laisse admiratif de ce qu’a effectué l’équipe de production pour ressusciter le XIIIe siècle. Qu’il s’agisse des accessoires, des décors (intérieurs et extérieurs) ou des costumes, l’ensemble contribue à créer l’illusion d’un véritable voyage à travers le temps. Construction d’une réplique du château de Rochester, élaboration des armes de l’époque (tour de siège, catapultes…), aucun détail n’est oublié. Un exploit d’autant plus étonnant que le budget a été réuni de manière indépendante. Néanmoins, l’on regrettera que le titre soit quelque peu usurpé. Hormis l’entame et le personnage central, l’histoire des templiers et l’ordre lui-même resteront au second plan, voire sans importance.
La première heure passée, il est vrai que l’ensemble peut paraître redondant : assaut, contre-attaque et ainsi de suite jusqu’à la percée pour provoquer un rebondissement dans l’intrigue. En cela, l’attention s’amoindrit sensiblement dans une baisse de rythme provisoire où la tension dramatique cède la place à un statu quo. L’aspect survie aurait gagné à être accentué afin d’offrir un second souffle à des batailles certes plaisantes et sans équivoque, mais peu évocateur des conditions de vie dans un château fort lors d’un siège d’une telle ampleur. Malgré cette errance, l’ennui n’est pas de rigueur, et ce, grâce à un panel d’interprètes charismatiques et compétents.
Exception faite de James Purefoy, le casting n’est pas forcément connu du grand public (si l’on se résume aux grosses sorties et autres blockbusters), mais se révèle plus que remarquable pour finaliser le contexte. Les personnages évoluent selon leurs possibilités en parallèles de leurs alliés et ennemis sans jamais se départir de leurs objectifs. En ce sens, davantage d’ambiguïtés auraient apporté une petite touche émotionnelle. L’on voit par la même l’aspect très secondaire, pour ne pas dire anecdotiques, des femmes. Clairement reléguées au rang d’esclaves ou de ménagères, elles n’ont qu’une place amoindrie au sein des événements.
Au final, Le sang des templiers est un film sombre et brutal. Grâce à un contexte travaillé et soigné, des interprètes dans le ton et une atmosphère marquante, Jonathan English parvient à faire oublier certaines maladresses au niveau de son scénario (temps mort à déplorer en milieu de parcours), ainsi qu’un traitement rigide quant aux rôles de chacun. Il en ressort une production qui ne faiblit pas devant l’effort et nous propose un moment âpre dénué d’héroïsme inopportun. On regrettera simplement que la page allouée aux templiers ne soit finalement qu’une vitrine plutôt que le véritable fond de l’histoire. Les amateurs du Moyen-Age l’apprécieront néanmoins pour son souci du réalisme.
Un film de Jonathan English
Avec : Kate Mara, Paul Giamatti, Brian Cox, Jason Flemyng