Antarctic Journal
Le cinéma asiatique des années 2000 s’est particulièrement distingué en occident par ses récits d’épouvante et autres histoires horrifiques. S’il est inutile de citer les références inhérentes à ce courant, on peut toutefois évoquer la qualité des atmosphères dépeintes; tour à tour glauques, malsaines et oppressantes. En règle générale, ce type de productions s’appuie sur le folklore local, conférant une touche d’originalité, voire d’exotisme selon le point de vue abordé, aux métrages. Aussi, il paraît presque improbable, pour ne pas dire antinomique, de concilier un récit d’aventures en Antarctique sous le prisme d’un scénario à la lisière du fantastique.
Un regard pour le moins glacial...
Car Antarctic Journal s’éloigne de l’Asie pour explorer le désert du Continent blanc. En l’occurrence, le pitch initial propose de suivre les membres d’une expédition coréenne qui souhaite atteindre le pôle d’inaccessibilité. Une appellation prédéterminée qui présage déjà des obstacles et des péripéties à venir... Toujours est-il qu’on devine d’emblée un rythme volontairement lent, voire contemplatif à certains égards. À l’instar de la progression laborieuse des protagonistes, la trame évolue patiemment, quitte parfois à jouer de staticité dans sa présentation des faits. Là où certains y verraient une approche méticuleuse, il en résulte toutefois un traitement assez exigeant.
Cette dernière considération vaut autant pour la narration que pour le spectateur, dont la manière d’aborder le métrage définira son impression. Le film de Pil-Sung Yim peut paraître d’ailleurs assez inaccessible, voire élitiste dans ses propos. Si l’ensemble demeure intelligible, les intentions et les éléments sous-jacents le sont nettement moins. De même, l’aspect fantastique n’est que suggéré, rarement explicite. Cela reste frustrant, surtout lorsqu’on évoque quelques hallucinations assez inattendues ou encore la présence du fameux journal d’une précédente expédition. Son importance n’est que de façade. Aussi, l’on aurait aimé une interaction plus poussée de ce côté.
Un duel au sommet !
Quant aux hallucinations, elles peuvent aisément trouver une explication rationnelle, ne serait-ce qu’à travers cette tournure désespérée qu’emprunte cette expédition. On songe à la sous-alimentation, l’isolement ou la promiscuité. Un constat très paradoxal face à l’infinité des espaces blancs qui se déploient de toute part. Par ailleurs, ces étendues désertiques peuvent aussi être propices à des «mirages». Mais c’est surtout cette perte de repères soutenue par l’absence de contrastes qui prévaut. On distingue à peine des variables entre teintes blanches et grises. Dans ces conditions, l’horizon demeure invisible et dénote un manque total de perspectives, même minimes pour les protagonistes.
En revanche, ces derniers constituent nettement le point faible du métrage. On passera outre sur leur accoutrement qui floue sciemment leur identité pour déplorer des considérations somme toute basiques. Entre résilience, aveuglement et fatigue, les personnalités se heurtent par le biais de dialogues interchangeables où chacun donne de ses réflexions philosophiques et introspectives sur leur participation à l’expédition. Il s’agit d’un réel handicap puisque l’un des principaux intérêts du film est d’effectuer une déconstruction psychologique censée les pousser dans leurs retranchements, eux-mêmes étant le catalyseur de leur propre folie.
Une porte de sortie pour les membres de l'expédition ?
Au final, Antarctic Journal est une production qui interpelle par son ambiance sibylline. La tonalité fantastique demeure une conséquence plus ou moins latente de l’isolement au cœur d’un espace à la fois vaste et insondable. Tout comme la mise en scène, cet aspect constitue un élément notable à la manière dont on aborde le film de Pil-Sung Yim. On apprécie cette façon de dépeindre l’environnement pour mieux souligner ce sentiment de perdition à travers le parcours des personnages, mais aussi leur cheminement psychologique. Il est donc regrettable que la caractérisation ne suive pas les choix artistiques du cinéaste. Les échanges sont dispensables, tandis que les situations peinent parfois à trouver un nouvel élan. Une œuvre singulière, mais non dénuée de maladresses.
Un film de Pil-Sung Yim
Avec : Kang-Ho Song, Ji-Tae Yu, Hee-Soon Park, Yoon Jae-Moon