Time Crimes
Attention, cette critique contient des spoilers.
Un couple vient d'emménager dans une grande demeure, quelque peu isolée. Réveillé dans sa sieste par un étrange appel téléphonique, Hector observe ensuite avec ses jumelles les bois environnants. Intrigué par la présence d'une jeune femme dénudée dans les bois, il décide de traverser la forêt. Commence alors pour lui un cauchemar inimaginable.
Le cinéma ibérique regorge de cinéastes talentueux depuis bon nombre d'années. Néanmoins, le cinéma de genre n'a été exploré par le cinéma espagnol que depuis le début des années 2000. Avant cela, seul Jesus Franco s'y était attelé dès les années 60, avec un succès plus ou moins chancelant, le cinéaste n'hésitant pas à donner dans le X, selon les propositions du moment.
Réalisé en 2007, Los Cronocrimenes est le premier long-métrage de Nacho Vigalondo. Egalement acteur (il campe le rôle du scientifique avec talent) et scénariste du film, Vigalondo a le courage d'aller à contre-courant des autres métrages européens actuels, puisqu'il évoque le thème du voyage dans le temps. Le voyage dans le temps, fantasme intemporel rendu célèbre par le roman d'H.G. Wells (The Time Machine), sert en effet d'écrin au cauchemar vécu par le héros, Hector. Contrairement à bon nombre de films parlant de ce sujet de science-fiction, Time Crimes se situe dans un contexte basique et journalier, qui a pour but de rendre le futur drame d'Hector davantage palpable pour tous, puisqu'il débute dans un environnement quotidien classique. Le public partagera plus aisément, ainsi, la journée terrifiante que va vivre le personnage central de ce puzzle étrange.
Le scénario est en effet l'un des points forts de ce film qui, à la manière d'une poupée gigogne, finira par s'emboîter avec une efficacité délectable, même si tous les ressorts ne se suivent pas sans une certain attention digne de tout bon suspense qui se respecte. L'originalité de Time Crimes se situe également dans le mélange des genres. En effet, outre la science-fiction, Vigalondo nous emmène aussi dans un thriller paranoïaque mené avec rythme, sans oublier la référence marquée au slasher, avec son charismatique tueur au visage bandé. Los Cronocrimenes intrigue au commencement, avec ce couple sans histoires en cours d'emménagement, bascule ensuite dans le sordide slasher, et signe une rupture totale dès que le héros pénètre dans la fameuse machine. La diversité des situations et des univers, bien distincts (la maison, le laboratoire et les bois), emmène le spectateur dans un trouble allant crescendo, à mesure que le héros sombre dans un drame qu'il n'arrive plus à gérer. Le casting, restreint à quatre personnages, apporte une tension supplémentaire à ce huis clos baignant dans un climat assez oppressant. Time Crimes, récompensé dans un certain nombre de festivals, riche en rebondissements et assez original, est donc une bonne surprise. Toutefois, quelques points faibles sont à mettre en lumière, assez logique pour un premier long-métrage.
Tout d'abord, le début du métrage tourne un peu au ralenti, le film est parfois un peu aussi un peu bavard, et le personnage d'Hector peine à trouver toute sa plénitude, devenant de plus en plus sympathique lorsqu'il perd de son assurance pour devenir la victime autant que le bourreau, dans un rôle finalement assez ambigu. Enfin, avouons que l'histoire, malgré des qualités évidentes citées auparavant, conserve des parts d'ombres difficiles à éclaircir, avec quelques théories pas forcément simples à saisir au premier abord. Certains trouveront cela remarquable, à l'image d'un film de David Lynch qu'on prend plaisir à décrypter, mais Nacho Vigalondo manque légèrement l'essentiel dans un final qu'il expédie trop rapidement, offrant une frustration qui n'était pas de mise. Malgré ce petit goût d'inachevé, Time Crimes prouve la bonne santé du cinéma de genre européen, qui n'hésite pas à renouveler de vieux thèmes (comme ici le voyage temporel), pour lui apporter un nouveau souffle fort intéressant. On suivra également de près la suite de la carrière de Vigalondo, cinéaste prometteur.
Un film de Nacho Vigalondo
Avec : Karra Elejalde, Candela Fernández, Bárbara Goenaga, Nacho Vigalondo