The Vigil
Avec une idée de base originale à exploiter, The Vigil s’avance comme un huis clos qui profite d’une ambiance soignée. Privilégiant l’immersion au sensationnalisme, le film de Keith Thomas se distingue par sa mise en condition et la qualité de sa réalisation pour explorer un espace restreint avec des moyens modestes. Bien que l’ensemble ne soit pas dénué de maladresses, l’initiative demeure louable et globalement convaincante si tant est que l’on ne soit pas rebuté par un rythme lent et des lignes de dialogue circonspectes.
Auréolé du succès de Paranormal Activity à la fin des années 2000, Blumhouse Productions est devenu l’une des figures incontournables de la scène horrifique hollywoodienne. Responsable, entre autres, de Sinister et Insidious, la société de production s’est également perdue dans des ratages complets, comme l’atteste Area 51 ou Projet 666. La découverte de ces métrages est donc à double tranchant. En fonction des cinéastes sollicités, on peut profiter d’une atmosphère glauque et délétère, comme se vautrer dans l’ennui et la complaisance. Première réalisation de Keith Thomas, The Vigil s’insinue dans une thématique peu usitée en matière de hantise : la religion juive.
Ces dernières années, l’une des rares incursions en la matière est survenue avec Possédée d’Ole Bornedal. En règle générale, ce type de phénomènes est souvent l’apanage du christianisme où la confrontation du bien et du mal révèle des velléités manichéennes de circonstances. Avec The Vigil, le postulat de départ fait preuve d’originalité. À savoir, les traditions judaïques imposent de veiller le corps d’un défunt pour l’accompagner et le protéger contre certaines « menaces » provenant de l’au-delà. À défaut d’un membre de la famille, le shomer peut être un étranger, rémunéré en contrepartie de sa présence. Le concept permet donc d’explorer la tonalité paranormale (et non spirituelle) que suggère cette pratique.
Le traitement du film s’inscrit dans une tendance mesurée où la mise en condition et l’ambiance prévalent sur le rythme. Le métrage a beau ne pas dépasser les 90 minutes, l’entame pose les jalons de son intrigue avec circonspection. Ce n’est pas tant la présentation des personnages qui s’impose, mais cette découverte progressive de cette maison où chaque pièce dégage un parfum malsain. On a donc droit à des silences pesants qui tiennent autant au mutisme du protagoniste qu’à l’absence de son au sein de la demeure. De fait, le moindre craquement ou bruit quelconque devient suspect. Cela vaut aussi pour le cadrage avec des angles excentrés où des zones nimbées de ténèbres.
À ce titre, la photographie joue sur plusieurs tableaux. Outre la pénombre omniprésente qui renvoie au travail de deuil, on apprécie l’alternance des teintes verdâtres et écarlates. Ces dernières confèrent une véritable singularité au film. Certes, l’idée n’est pas nouvelle, mais elle est bien amenée et correctement exploitée. Sans pour autant en atteindre le degré d’excellence, le procédé est similaire à ce qu’a effectué Dario Argento pour certains de ses projets, comme Suspiria ou Inferno. Le tout s’agrémente d’influences assez évidentes en matière d’histoires de fantômes et de malédiction, notamment ce qui a trait au courant de la J-Horror.
Il s’agit là de références faciles à identifier, mais celles-ci ne supplantent guère un traitement contemporain qui, en contrepartie, pèche par une approche conventionnelle. On songe à ces furtives apparitions qui s’évaporent à l’angle d’un couloir ou ces ombres qui surviennent à des moments inopportuns. Il aurait été plus judicieux de jouer sur la folie latente qui guette le protagoniste afin d’instiller le doute chez le spectateur ; a fortiori lorsqu’on considère les fréquences discordantes de la bande-son et le background de l’intéressé. Bien que soigné et assez méticuleux dans son évolution, l’ensemble n’est guère effrayant pour peu que l’on soit versé dans ce style d’exercices.
Au final, The Vigil constitue une incursion appréciable dans le registre horrifique de la hantise. On ne parle pas à proprement parler de fantômes ou de possessions, mais d’une entité démoniaque qui s’attache à une personne et non un lieu. Sous couvert de traditions judaïques, le film de Keith Thomas joue surtout sur son atmosphère et l’empathie que le public est susceptible d’éprouver. On regrette néanmoins certains phénomènes, somme toute convenus, qui atténuent sensiblement l’aspect psychologique qui en découle. Il en ressort une production réussie qui n’échappe pas à quelques scories du genre, sans doute la résultante d’un manque d’expérience. Cependant, un bel effort pour une première incursion dans le domaine.
Un film de Keith Thomas
Avec : Dave Davis, Menashe Lustig, Malky Goldman, Lynn Cohen