La Maison au Bout de la Rue
Le foyer révèle l’intimité de chacun. Il est à la fois un refuge et un exutoire. Une fois les portes fermées, les rideaux tirés, les barrières sociales s’effondrent pour laisser entrevoir une vérité que l’on préfère ignorer. La maison est le catalyseur parfait pour les films de genre : fantômes, psychopathes, maltraitances ou persécutions. D’ailleurs, les titres de certains métrages plus ou moins controversés soulignent cette fracture dans la sphère personnelle : La maison au fond du parc, La dernière maison sur la gauche ou Last house on dead end street pour n’en citer que quelques-uns. Donnant lieu à des huis clos oppressants ou de belles déconvenues, ce thème revient sur le devant des écrans avec La maison au bout de la rue.
Dans un premier temps, l’histoire véhiculera l’isolement de propriétés reculées en marge d’une petite ville afin d’accentuer le côté dérangeant d’un massacre familial. Les bases sont posées dans l’introduction avec une certaine vivacité, ce qui laisse augurer un thriller aux tendances horrifiques des plus délectables. En ce sens, on saluera le travail effectué sur la photographie qui exploite la lumière de chaque pièce de telle manière à matérialiser une atmosphère lourde et menaçante. Le grain de l’image paraît un peu trop surfait, mais est en adéquation avec le ton général. Le danger n’est pas qu’un mauvais souvenir, comme l’apprendront bien vite les protagonistes.
Malheureusement, un enrobage flatteur ne suffit pas pour capter l’attention du spectateur sur la longueur, encore moins donner un résultat global convaincant. Lesdits personnages possèdent une caractérisation digne d’un slasher lambda, enfin presque. Il est vrai que l’on notera un petit effort sur le duo de têtes. Le tempérament complexe de Ryan ou la volonté d’Elissa à franchir les apparences pour s’intéresser à l’homme derrière les drames qui le pourchassent. Mais les seconds rôles sont tous, sans exception, de vagues clichés destinés à des réparties qui manquent de répondant et occupent l’écran sans la moindre présence. Ce remplissage de façade ternit la prestation des acteurs qui s’avérait, jusqu’alors, correcte et impliquée.
Malgré cet aspect fondamental bâclé, l’on peut espérer que le scénario redressera la barre. Les bases posées avaient tout pour susciter frissons et retournements de situations opportuns. Là encore, le soufflé retombe trop rapidement avec une progression cousue de fils blancs. Ceux qui sont rompus à l’exercice devineront sans mal la conclusion. Cette pirouette ultra-prévisible ne tente même pas de se cacher derrière des fausses pistes ou des indices trompeurs. Non, l’on préfère se pencher sur la romance naissante entre les têtes d’affiche plutôt que d’entretenir l’ambiguïté. La majorité du métrage se concentre sur le quotidien banal d’une adolescente banale en mal de repères (déménagement oblige).
À vrai dire, la violence y est quasiment inexistante. Le massacre se dissimule sous un cadrage approximatif où une myriade de plumes d’oreillers tombe sur le plancher. Les morts (ou disparitions) s’avèrent trop éparses et irrégulières pour appuyer une tension qui ne décollera que dans le dernier quart d’heure dans une habile traque en vase clos. Pour un thriller aux tendances horrifiques (tant le ton, l’histoire ou l’image va vers ce sentiment), cette édulcoration volontaire en frustrera plus d’un. L’on voit que le film est calibré pour contenter un public assez large. En ce sens, la présence de Jennifer Lawrence n’y est pas étrangère pour rameuter ses hordes de fans.
L’ennui n’est pas forcément de rigueur, mais les séquences se suivent et se ressemblent avec une indifférence croissante. À aucun moment, l’on n’éprouvera de l’empathie pour les personnages ou l’on sentira une angoisse nous étreindre. À n’en pas douter, voilà son plus grand défaut : l’absence d’émotions. Malgré son ambiance, les subterfuges et autres maladresses qui parsèment l’intrigue empêchent de s’identifier aux événements. L’histoire n’appuie même pas sur sa banalité (dans le bon sens du terme) qui laisserait croire que « ça pourrait arriver à n’importe qui ». À défaut d’effrayer, cela aurait pu instaurer un malaise, même modeste.
La maison au bout de la rue montre que l’emploi anodin d’un simple mot (ou d’un titre) peut susciter des attentes et une idée du métrage à venir pour des cinéphiles avertis. Malgré des artifices de façade séduisants (la photographie en tête), les limites narratives peinent à faire avancer une intrigue prévisible. Long et frustrant de voir une entame prometteuse gâchée de la sorte, le film de Mark Tonderai contentera un public novice ou peu exigeant qui porte davantage son intérêt sur la forme que sur le fond. Il en découle un thriller horrifique (presque) pour toute la famille (à partir de 12 ans tout de même) qui n’évoque rien d’extraordinaire chez le spectateur.
Un film de Mark Tonderai
Avec : Jennifer Lawrence, Elisabeth Shue, Max Thieriot, Gil Bellows