Exorcisme et Messes Noires
A Paris, un curé défroqué se fait passer pour un écrivain afin de se rapprocher d'un groupe très fermé, s'adonnant régulièrement à des messes noires.
Cinq ans après L'Exorciste, le cinéaste espagnol Jesus Franco nous offre sa vision de l'acte d'exorcisme dans une production Eurociné associant souvent érotisme et horreur.
Attachée à une croix de Saint-André, une jeune femme est soumise aux tortures de son bourreau, devant l'oeil émoustillé d'un public composé principalement de riches couples. Cet acte n'est finalement qu'un prétexte à divers jeux échangistes.
D'entrée de jeu, Jesus Franco nous dévoile avec précision le contexte de ce long-métrage. Les messes noires sont avant tout un prélude à des jeux sexuels déviants et son héros, un ancien curé fanatique, va tout mettre en oeuvre pour cesser ces activités dépravées.
Né en 1930, grandissant dans un climat religieux austère puis dans l'Espagne franquiste, Jesus Franco se lança dès 1962 dans une carrière de réalisateur anticonformiste.
Sa répulsion pour une religion trop omnipotente et sa passion pour certaines pratiques sexuelles particulières représentent l'axe central de sa carrière et du film qui nous intéresse ici. N'étant guère en odeur de sainteté dans son propre pays, Franco tourna souvent en Europe. Pour Exorcisme et Messes Noires, il travaille avec Eurociné, qui produisit moults métrages à consonance érotico-fantastique dès les années 60.
Filmé à Paris, ce métrage, interdit aux moins de 18 ans lors de sa sortie en salles, permet aussi de découvrir les talents d'acteur de Franco, qui campe le rôle principal, celui d'un curé extrémiste.
Sans être brillant, le Franco comédien parvient à retranscrire un certain malaise, propre à un personnage visiblement confiné dans des dogmes dépassés par la libération des moeurs. Tel un Polanski dans Le Locataire, son personnage est aussi un voyeur tombant amoureux de l'une des participantes de ces cérémonies lubriques, offrant ainsi un visage plus humain à cet être stigmatisé par sa propre foi.
Face à lui, on retrouve avec plaisir Lina Romay, l'une des deux muses du cinéma de Franco (après Soledad Miranda). Celle-ci campe à merveille une créature sensuelle, voire animale, multipliant les partenaires érotiques. Aussi provocante que dans La Comtesse Noire, Romay offre le visage idéal à l'héroïne, objet de fantasme ultime derrière une apparente sagesse.
Le scénario, assez minimaliste, nous propose de suivre le parcours meurtrier du curé. Afin de sauver les âmes perdues des participantes, il décide de les exorciser à sa manière, privilégiant le couteau à la bonne parole, après quelques caresses fort peu louables selon la Bible.
Niveau horreur, il ne faudra pas vous attendre à des déluges d'hémoglobine, même si Franco nous proposera toutefois un peu de tripaille lors de la scène de meurtre du couple dans l'hôtel. Les coups de couteau engendreront le flot de sang nécessaire à ce genre de programme.
Les scènes érotiques sont du même acabit que celles vues dans les films de la fin des années 70. Avec Franco, les poitrines sont souvent belles et l'entrecuisse foisonnante, afin de pointer du doigt la perversité masquée d'une certaine classe sociale se délectant ici de pratiques sadomasochistes et libertines.
Ces moeurs de la petite bourgeoisie seront d'ailleurs régulièrement dénoncées par certains cinéastes du X, à l'image de l'italien Mario Salieri. Sur ce point, il est certain que Franco frappe juste en soulignant avec ironie la démarche de ces participants, les messes noires n'étant qu'une manière de théâtraliser des actes sexuels déviants, donnant une nouvelle dimension au Grand-Guignol.
Malgré quelques lenteurs, Exorcisme et Messes Noires est l'une des meilleures illustrations du cinéma de Franco, et une réplique acerbe à cette religion avilissante dans laquelle il grandit.
Un film de Jesús Franco
Avec : Jesús Franco, Lina Romay, Catherine Lafferière, Nadine Pascal