Evil Dead
Le film d'horreur a beau être un genre ultra-référencé, l’annonce d’un nouveau remake, d’un reboot ou d’une préquelle d'un de nos précieux classique fait à chaque fois frémir. Si l’on a bien trop tôt fait de crier à l’hérésie ou au manque cruel d’imagination des scénaristes et producteurs actuels, l’histoire nous a pourtant appris qu’il ne faut pas pour autant ranger ces films dans la catégorie des nanars inutiles. Au rayon des relectures réussies, on pourra retenir notamment celles de Massacre à la Tronçonneuse de Marcus Nispel (et produit par Michael Bay !), d’Halloween de Rob Zombie ou encore de La colline a des yeux du frenchy Alexandre Aja. Trois remakes qui prouvent qu’avec un vrai réalisateur à la barre, l’½uvre originale peut s’en retrouver brillamment revisitée.
Ce n’était donc qu’une question de temps avant que Evil Dead n’ait droit à son remake et capitaliser sur la notoriété de la saga de Sam Raimi qui dispose d’une base de fans impressionnante qu’il s’agit de nourrir régulièrement en comics, jeux-vidéo et livres... L’idée de lancer une relecture -et non une suite directe à L’armée des ténèbres - remonte déjà à plusieurs années et si les fans ont eu raison de paniquer, la présence du trio initial à la production (Sami Raimi, Robert Tapert, Bruce Campbell) avait de quoi rassurer. Et à l’instar de Peter Jackson allant dénicher Neill Blomkamp pour réaliser District 9, c’est sur Youtube que Sam Raimi a découvert le jeune réalisateur Fede Alvarez et son court-métrage Panic Attack ! et ses robots venus de l’espace pour attaquer Montevideo. Rythme effréné, effets spéciaux bricolés au mieux... Il suffit de le voir pour comprendre ce qui a plu à Raimi et ce qui a lui a décidé à lui confier la réalisation du remake.
Le casting prend la pose.
Plus qu’un simple film, Evil Dead, c’est évidemment une trilogie indissociable qui représente la palette la plus large que peut proposer le genre : le film d’horreur, la comédie horrifique et le film d’aventure fantastique. Le premier opus - tourné sur 4 ans avec moins de 350 000 dollars de budget -, continue encore aujourd’hui, malgré un jeu d’acteurs incertain et des effets spéciaux très artisanaux, à dégager un enthousiasme visible. Le résultat au box-office a eu vite fait de convaincre les producteurs de se lancer dans une suite davantage portée vers le second degré et la performance clownesque de son comédien principal, Bruce Campbell. Considéré par beaucoup comme un remake du premier, Evil Dead 2 réexploite avec merveille les trouvailles du premier opus : angles et cadrages inédits (le point de vue du démon), ambiance burlesque, litres de sang...
Evil Dead a su donc faire date et poser les principes d’un nouveau type de film d’horreur : gore et décomplexé. Avant d’assister à la projection de ce remake, la question principale restait donc : allions-nous retrouver l’ambiance de l’original ?
La forêt est décidément bien vicieuse... Après Elen Sendweiss c'est au tour de la malheureuse Mia de passer sur le grill...
Et il faut avouer que le début n’est pas très rassurant avec une scène d’introduction très médiocre aussi bien sur la forme (on a connu bien plus incisif comme mise en bouche) que sur le fond (les éléments narratifs seront repris par la suite). Nous faisons ensuite la connaissance d’un groupe d’amis venus passer quelques jours dans une cabane isolée dans les bois. David et sa copine Natalie et leurs amis d’enfance Olivia et Eric sont venus soutenir Mia, la soeur de David, dans son sevrage contre la drogue. Ils font alors la découverte au sous-sol de la cabane d’un étrange livre de sorcellerie. Eric décide d’en déchiffrer quelques passages et de le lire à haute voix. Monumentale erreur...
Là où Sam Raimi allait droit à l’essentiel, Fede Alvarez et son scénariste Rodo Sayagues ont pris le parti d’étoffer la psychologie des personnages, en particulier sur le passé de David et Mia. Encore marqués par la mort de leur mère dans un asile psychiatrique, ils doivent maintenant faire face à l’addiction de Mia. Deux éléments qui seront loin d’être anecdotiques dans la suite des événements. On en serait en effet presqu’à faire par moment le rapprochement avec L’exorciste lorsque les protagonistes voient les effets d’un sevrage difficile au lieu d’une possession démoniaque.
Le choix également d’éviter de reprendre les mêmes personnages que l’original permet au réalisateur de s’éviter les foudres des fans de Bruce Campbell, alias Ash dans la série. Pierre angulaire de la saga, il aurait été absurde de vouloir récréer la folie du personnage de Ash (qui prend toute son ampleur dans les deux volets suivants) et risquer au film de ne devenir qu’une vulgaire parodie. On ne tente donc jamais la comparaison et si le reste du casting fait davantage figure de souffre-douleur, il faut avouer que le couple frangin/frangine fonctionne très bien et gagne en profondeur au fur et à mesure du film.
Vaut mieux l'avoir dans sa cave qu'en pension...
Le but de ce remake est finalement moins de capitaliser sur la notoriété du titre original (et/ou de la carrière hollywoodienne de Sam Raimi) que de revenir aux fondamentaux de la saga et des codes qu’elle a mise en place : la cabane isolée, le gore outrancier, autant d’éléments qui ont fait le succès d’autres longs-métrages depuis : Cabin Fever, La cabane dans les bois... mais avec le sens de la dérision en plus. Or, on assiste ici à un film très violent, absolument dépourvu de tout second degré inutile (pas de "punchlines" douteuses, pas de “jump-scares” superflus). Un retour aux sources providentiel : Evil Dead version 2013, fait honneur à son illustre aîné et ne lésine pas sur le gore. Rien n’est épargné au spectateur, d’autant que tous les effets sont montrés à l'écran. Ici, rien n’est suggéré, tout est visible et de la façon la plus sanguinolente qu’il soit : démembrements, déluges de vomi, automutilations... A ce titre, on notera que les effets spéciaux sont en grande parti réels, évitant le piège du numérique facile (et pas cher), comme c’est trop souvent le cas ces derniers temps. Si l’on est loin de l’artisanat de 1980, cette authenticité rend d’autant plus intenses les séquences horrifiques. Il y avait bien longtemps que l’on n’avait assisté à un tel déluge de sang (qui atteint un paroxysme dans une dernière séquence proprement HAL-LU-CI-NANTE). Et l’on vous met au défi de ne pas détourner les yeux durant certaines scènes !
Non content d’être un vrai grand-huit horrifique, Evil Dead est un film qui saura bien vieillir, aidé il faut dire par une absence totale de références contemporaines (pas de portable, de micro-ondes ou de facebook...). La photographie léchée sert les intentions artistiques que ce soit dans certaines scènes diurnes magnifiques (le pont effondré, la scène dans les arbres, le clin d’½il à la Oldsmobile 88 : toute la mythologie de l’original !) que dans les purs moments "graphiques" (rassurez-vous, la tronçonneuse est bien là). Il faudrait donc être sacrément rabat-joie pour ne pas apprécier ce que l’on voit à l’écran. Au vu des critiques dithyrambiques et du succès majeur au box-office américain, fort est à parier qu’une suite verra prochainement le jour. Alors qu’au même moment, Sam Raimi annonce une suite à L’Armée des morts (Evil Dead 3 donc), Fede Alvares envisage d’ores et déjà un cross-over des deux franchises avec Evil Dead 7 ! Groovy !
Pour moi ce sera une petite part, merci !
N.B : Un clin d’oeil vous attend à la fin du générique !
Un film de Fede Alvarez
Avec : Jane Levy, Shiloh Fernandez, Jessica Lucas, Lou Taylor Pucci