A l'occasion des 20 ans du studio Production I.G. est naît la volonté de conjuguer des talents à la renommée internationale pour donner vie à Ghost hound. Imaginez le créateur de Ghost in the shell qui rencontre le réalisateur de Lain. L'affiche a de quoi faire saliver. Aussi, cet anime est attendu au tournant sur quasiment tous les fronts. L'on espère un récit prenant et original, une animation somptueuse, des personnages attachants. Bref, un excellent moment en perspective. Alors, les promesses évoquées sont-elles trop exigeantes ou Ghost hound les remplit-il sans sourciller ?

Pourquoi cette grise mine ?
Il est bon de savoir que Ghost hound n'est pas vraiment une histoire de fantômes comme les autres. On se retrouve dans un village répondant au nom de Suiten où trois jeunes garçons sont décidés à faire la lumière sur une partie de leur passé. L'un tente d'exorciser l'enlèvement et la mort de sa soeur, un autre le suicide énigmatique de son père et enfin le dernier, responsable de la disparition d'un camarade dans son ancienne école. Ensemble, l'exploration des secrets enfouis les emmène dans une quête inattendue : la découverte d'un monde sous-jacent. On l'aura compris, cet anime joue la carte du thriller surnaturel, et ce, de fort belle manière.
Tout d'abord, l'ambiance s'appuie grandement sur la psychologie, les détails que l'on suggère ou ne voit pas. Le procédé n'est pas sans rappeler Lain. Les ficelles pour tisser le scénario sont similaires et parviennent sans la moindre difficulté à immerger le spectateur dès les premiers épisodes. Entre thriller et fantastique, l'histoire n'hésite pas à jongler entre les deux genres (tout reste très fluide et naturel) afin de conférer une atmosphère empreinte d'angoisse, de mystères et de suspense. Certes, nous ne sommes pas en présence d'une ambiance à la Silent hill, mais la singularité de son aura laisse planer une certaine appréhension au fil de l'anime.

Voyage aux confins des synapses.
Il est vrai que l'on dénote de fréquentes baisses de rythme, voire certains épisodes anecdotiques. Par exemple, les séances avec le psychiatre de l'école ont parfois tendance à s'éterniser, même si la plupart permettent un niveau de compréhension différent et/ou supérieur. Certains passages (comme la brasserie et la confection du saké) sont appréciables pour montrer le quotidien du village et épaissir les traits de certains personnages, mais nullement nécessaires au bon déroulement de l'intrigue. Toutefois et malgré ces quelques errances, l'on retiendra que le traitement posé se veut en parfaite adéquation avec les intentions des scénaristes et le récit.
Au-delà de l'histoire, on sent un parti pris pour des questions existentielles sur le sens de la vie, plus particulièrement ce qui se trouve après la mort. Qu'il s'agisse de l'au-delà, du monde abstrait ou de l'autre monde (autant de noms pour un même lieu), le constat dépeint met en avant les différentes religions. Quelques rites marginaux empreints de mysticisme (le clan Ogami), le shintoïsme, le chamanisme, le bouddhisme en abordant l'éventualité de la réincarnation, Ghost hound fait preuve d'un syncrétisme rare. Exploit d'autant plus remarquable que chaque croyance est en fait la facette unique d'un tout et n'entre pas en contradiction avec les autres. En somme, les pièces d'un même puzzle.

Cet effet de flou n'est pas dû à l'abus d'alcool.
À cela, il faut compter aussi sur un descriptif exhaustif sur le fonctionnement du cerveau (stockage de la mémoire à court et long terme), les peurs enfouies, les traitements et théories sur les traumatismes peu connues du grand public concernant les maladies psychologiques et d'un discours sur la parapsychologie. Les fantômes, la projection astrale, l'au-delà (vu à certains endroits sous un angle plus ésotérique que spirituels), les malédictions, les thèmes abordés au sein de Ghost hound sont nombreux et desservis par une réalisation de premier ordre.
Au niveau de l'animation, il n'y a quasiment aucun reproche à l'horizon. Si l'on veut pinailler, certains plans disposent d'esquisses un peu simplistes. En dehors de cela, les panoramas aquarelle illustrant le cadre du village, de son barrage, de l'hôpital abandonné, sont autant d'éléments qui flattent la rétine. Pour les personnages, les physiques sont dissemblables les uns des autres et l'on remarquera un travail sur les expressions faciales et surtout sur les regards assez bluffants. Le style kawai contraste avec des choix parfois plus « réalistes » avec notamment une prédominance de teintes sépia et de ton assez ternes. Mention spéciale pour Miyako, une fille aux multiples visages et au charme indéniable.

Un hôpital peu avenant.
Pour ce qui est des protagonistes, le constat est en demi-teinte. On l'a vu un peu plus haut, la jeune Miyako est certainement le personnage le plus intéressant et développé. En revanche, Tarô (le point central de l'histoire) est assez niais. Outre des réactions pas toujours adaptées, on pestera devant son inertie. Makoto est un peu plus convaincant (dans le sens où il possède plus de contradictions), mais le rôle du gars silencieux et sombre a déjà été aperçu dans d'autres productions et rendu avec plus de panache. Il reste le petit dernier : Masayuki, un rien énervant avec son sourire en coin et ses manières arrogantes, mais une tête à claques qui cache un bien lourd secret.
Il demeure un point à aborder et non des moindres : la bande-son. Ghost hound est avant tout une expérience auditive hors du commun. Vissez le casque sur vos oreilles et profitez du spectacle. Les grésillements, les voix sourdes ou inintelligibles, les respirations rauques, les battements du coeur... Autant de détails qui, mis bout à bout, ajoute à l'atmosphère de l'anime. Le résultat est tout simplement exceptionnel, même si les morceaux choisis pour accompagner le climat sonore sont trop discrets (quelques pistes de jazz sympathique et décomplexé).

Après le Torii, un autre monde...
Bref, Ghost hound n'est pas le chef d'oeuvre que l'on attendait. Il demeure néanmoins un thriller surnaturel prenant grâce à un visuel accrocheur et une histoire parfaitement maîtrisée. En dépit de quelques écueils au niveau du rythme et certains protagonistes peu attachants, Ghost hound se veut un titre à l'atmosphère travaillée qui tente, à sa manière, d'apporter des réponses aux questions existentielles qui forge le ferment de chaque religion (Y a-t-il une vie après la mort ? Quid, de l'âme humaine : réincarnation, errance ?). Entre suspense et surnaturel, un anime immersif.