Black Christmas
À quelques exceptions prêtes, le slasher s’est étiolé au fil du temps dans les affres du bis et du Z pour ne fournir que des productions à l’emporte-pièce. Pourtant, les années1970 et 1980 ont posé les bases d’un sous-genre horrifique avec quelques références indétrônables en la matière. Le Black Christmas de Bob Clark fait partie de ces films ayant contribué à définir les codes du slasher, tant dans la caractérisation que dans la progression de l’histoire. Il est d’autant plus surprenant qu’il provient d’un cinéaste à la carrière hétéroclite. Toujours est-il que le présent métrage demeure un classique dans le domaine, et ce, pour bien des raisons.
Pour une fois que ce n'est pas lui le coupable...
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’intrigue n’est pas remisée aux vagues considérations auxquelles le genre nous a habituées. Il soigne même son entrée en matière par le biais d’une présentation d’une confrérie universitaire. L’ensemble ne paye pas de mine de prime abord et pourtant, il instille déjà quelques éléments prompts à susciter l’angoisse. Cela passe notamment par une photographie sombre, presque désenchantée. Un contraste flagrant avec l’ambiance de Noël. On songe aussi à ses appels téléphoniques. Point fondamental de l’intrigue qui instaure le harcèlement; lui-même permet de susciter la paranoïa chez les protagonistes et, par extension, chez le spectateur.
De fait, l’aspect explicite auquel on est trop souvent habitué dans de tels métrages s’efface au profit d’un traitement beaucoup plus pragmatique et subtil. La présence du psychopathe reste avant tout insidieuse et permanente, en dépit de ses rares apparitions à l’écran. Apparition qui s’affiche la plupart du temps par une caméra subjective où l’on aborde le film sous le point de vue du tueur lui-même. Rien d’exceptionnel, mais assez avant-gardiste pour l’époque et parfaitement dans le ton. De plus, on ne verra jamais vraiment les traits de son visage. Un autre aspect pour que l’angoisse demeure indéfinissable et tapie dans l’ombre.
Le concept de bien emballer ses cadeaux lui a vraisemblablement échappé
Le simple fait de focaliser le nœud de l’intrigue sur une disparition et non sur une mort (dans l’esprit des intervenants) permet une certaine relativisation, voire un détachement, pour mieux endormir leur vigilance. À la manière d’une enquête policière classique, les investigations crédibilisent l’ensemble pour confronter avec plus de sensibilité l’approche réaliste et horrifique de l’histoire. D’ailleurs, le côté intrusif est parfaitement maîtrisé puisqu’il exploite la faiblesse des personnages dans leur propre demeure. La volonté de transformer un lieu sécurisant en terrain de jeu d’un malade mental accentue le sentiment de vulnérabilité qui émane du cadre.
Quant aux assassinats en eux-mêmes, ils ne sont pas forcément nombreux, mais placés à intervalles réguliers pour présenter une tension constante. Asphyxie, empalement par la gorge, coups de couteau... Même sur ce point, l’effort de varier les séquences de meurtres offre un rendu très graphique, bien que dépourvu d’effets gores notables. Si l’on peut trouver certains crimes rapidement expédiés ou trop furtifs, le matériau d’origine vieillit très bien en équilibrant ce qui est visible à l’écran et ce qui ne l’est pas.
Un petit casting sauvage pour le rôle de Jason ?
Après plus de quarante ans, Black Christmas demeure bel et bien un classique du slasher. Précurseur du genre sans s’y perdre corps et âme, le film de Bob Clark privilégie une approche plus timorée et moins expansive que ses futurs homologues. Avec le recul, il met en exergue ce qui leur fait cruellement défaut. À savoir, une histoire honnête qu’on prend plaisir à suivre, un panel de portraits soignés, sans oublier une atmosphère oppressante servit par la fluidité de la progression. Il en ressort un très bon moment horrifique où l’aspect voyeuriste (avec le harcèlement téléphonique) parvient à offrir un prétexte cohérent à l’ensemble.
Un film de Bob Clark
Avec : Olivia Hussey, Keir Dullea, Margot Kidder, John Saxon