Avec
Alice au pays des merveilles, Tim Burton avait refroidi bon nombre de ses fans et des amateurs de l'histoire originale. Le film n'était pas forcément mauvais, mais l'association de l'illustre cinéaste à celui de Lewis Carroll avait de quoi faire rêver. Mais les plus grandes attentes sont parfois synonymes de déconvenues magistrales. La déception était au rendez-vous devant un produit léché, mais aseptisé et surtout en deçà de nos espérances. Après un
Dark shadows tout aussi inconstant (comprenez grand public et moins axé sur la poésie macabre), Tim Burton semblait sur la pente descendante.
Wouf !
À l'instar de l'année 2005 où il sortit consécutivement
Charlie & la chocolaterie et
Les noces funèbres, l'année 2012 voit donc se profiler deux métrages du type responsable de certains des plus beaux chefs d'½uvre du septième art. Personne ne l'ignore,
Frankenweenie est à la base un court-métrage qui a lancé la carrière de Tim Burton avec
Vincent. Déjà, l'on contemplait le potentiel de son univers macabre et son talent pour narrer les plus sombres poésies. On pourrait croire que cette transposition en film d'animation trahit clairement un manque d'inspiration de son géniteur. Toutefois se serait un préjugé malvenu, surtout avant d'avoir vu
Frankenweenie.
La qualité des films d'animation de Tim Burton n'a jamais faibli. Pourvu d'un cachet singulier et unique, tant dans la technique que l'histoire ou l'atmosphère, on a toujours eu droit à des oeuvres de haute volée. Les premières minutes posent les bases d'un travail exemplaire. La technique du stop motion ne vieillit absolument pas et dispose d'un charme tout particulier. Il ne s'agit peut-être que d'un détail, mais ce choix permet un rendu moins froid et austère que les images de synthèse. Le côté artisanal s'en retrouve grandement valorisé et communique avec une fluidité accrue les émotions présentes.
Je vois l'avenir dans les crottes de mon chat.
Le scénario est similaire à celui de 1984 en y ajoutant moult péripéties en sus. En cela, la trame se veut assez convenue (surtout si l'on est familier du court-métrage), mais recèle quelques brillants hommages aux références cinématographiques et littéraires qui ont inspiré Tim Burton tout au long de sa carrière. On retiendra principalement les films de Vincent Price,
Dracula ou, bien entendu,
Frankenstein. Une palette de clin d'½il toujours bien intégrée et jamais opportuniste. Mais
Frankenweenie est pour son metteur en scène, l'occasion d'une petite rétrospective sur l'ensemble de sa filmographie.
L'on retrouve les thèmes chers à son auteur tels que la différence, la mort ou le rejet. De fait, on y décèle un peu d'Edward aux mains d'argent (autre chef d'½uvre qui évoque le roman de Mary Shelley) dans ce Frankenweenie. Son héros, les mœurs du quartier enclavées dans un carcan de bienséance. Qui plus est, l'aspect gothique renforcé par le noir et blanc est, à mon sens, un choix des plus judicieux pour servir les propos avancés et conférer au film une identité marquée. L'atmosphère sépulcrale est donc au rendez-vous avec son lot de facéties macabres (le poisson invisible, monsieur Moustache...).
Une fiancée qui a du chien.
À cela, on ne peut que s'extasier face aux protagonistes. Pour une fois se sont les seconds rôles qui ont la part belle avec des physiques, certes disgracieux, mais qui accentue le côté bizarroïde et inquiétant de l'½uvre. Entre le petit obèse, le bossu, la jeune fille au chat avec ses yeux en boule de billard ou le costaud aux faux airs du monstre de
Frankenstein, on les retient aisément. Les protagonistes sont, quant à eux, un peu plus « banals ». Victor et Elsa restent intéressants dans leur caractère, mais ils sont moins marqués (et marquants) de par leur place de héros au sens propre du terme.
Au final, Frankenweenie est un retour aux sources salvateur pour son créateur. Nanti d'une ambiance gothique sombre à souhait, d'une animation appuyée par un contraste de noir et blanc soigné, la version 2012 du célèbre court-métrage montre que Tim Burton n'a rien perdu de son talent. Même si on est loin d'un incontournable, on ne comprend pas le flop du film au niveau commercial. Certes, production Disney oblige, le Happy-end est de circonstance (ce que l'on regrettera), le scénario aurait peut-être pu s'affranchir d'une certaine prévisibilité, mais le résultat général est plus que satisfaisant. Il en ressort un moment poético-macabre délectable.