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Triangle - Critique

Un film d’horreur original, mais complètement raté. Le réalisateur de Creep se prend pour un « auteur ». Résultat : un ennui mortel pendant les deux tiers du film.
Publié le 1 Octobre 2009 par Ghislain Benhessa
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Bateau Voyage dans le Temps

Il y a quelques années, Christopher Smith, jeune réalisateur anglais, créait la surprise lors de la sortie de son premier film, Creep, dont l’actrice principale était la belle Franka Potente, découverte dans Lola rennt. Creep, bien qu'imparfait, dégageait une ambiance particulière et faisait montre d’une belle efficacité et d’une certaine maîtrise. Se déroulant exclusivement dans une station de métro de Londres, le succès de ce petit film d’horreur anglais s'expliquait par l’aspect immersif que le récit avait su créer. L’horreur du film était également doublée d’une (brève) réflexion sociale sur le sort que nos sociétés libérales modernes réservent aux anormaux, sur le traitement que les Etats occidentaux réservent à ceux qui se retrouvent en marge du système.

Cependant, Christopher Smith ne transforme pas l’essai. Si Creep, film sans prétention, pouvait tout à fait satisfaire les aficionados du cinéma d’horreur, Triangle échoue lamentablement. S’éloignant de son style premier, sec et frontal, Christopher Smith use et abuse de procédés redondants, terriblement didactiques, qui rendent son film lourd, pesant, et surtout inintéressant.

Le scénario de départ est le suivant. Alors que le temps est au beau fixe, six jeunes gens décident de partir en mer, à bord du bateau de l’un d’entre eux, Victor. L’une des jeunes femmes présentes, Jess, est mère d’un enfant autiste. Contre toute attente, une sorte de « tempête électrique » survient, d’une intensité dévastatrice, qui provoque le chavirement du navire ; tout le monde se retrouve à l’eau. Nos jeunes gens, angoissés, aperçoivent au loin un chalutier et parviennent à monter à bord. Ils se mettent à visiter l’appareil, afin de trouver l’équipage, mais n’aperçoivent personne… Parallèlement, Jess se rend rapidement compte qu’elle connaît cet endroit. Quelque chose ne tourne pas rond sur ce bateau désert…

L’exposition du film – les trente premières minutes environ – est plutôt correcte. Le scénario paraît à première vue intéressant et original. De plus, il est rare d’aller voir un film d’angoisse se déroulant en pleine mer. Cependant, et c'est précisément en cela que le film pose problème, l’idée originale du film, une fois présentée, ne connaît plus aucun développement. En effet, Christopher Smith, qui avoue lui-même avoir réalisé la totalité de son film autour d’une seule idée – un twist qui survient au bout d’une demi-heure du film et qui désamorce toute possibilité de surprise par la suite – s’égare très rapidement. Le twist central rend prévisible la totalité du récit ; à partir de cet événement, l'intégralité de la construction proposée par Smith se transforme en système labyrinthique prévisible, auteuriste et prétentieux. Là où Stanley Kubrick utilisait l’espace clos de l’hôtel Overlook dans Shining d’une façon brillamment anxiogène et terrifiante, et parvenait ainsi à quadriller l’espace tout en dynamitant le champ des possibles, Christopher Smith – qui n’arrive même pas à plagier correctement son modèle, malgré des empreints beaucoup très (trop ?) visibles – se contente de filmer des couloirs vides d’une manière plate et mortellement prévisible. Rien ne vient perturber le cours des évènements ; la mise en scène ne permet jamais de transcender le scénario et de produire un véritable suspense.

Le twist principal – qui ne peut être développé ici sous peine de démolir la seule (fausse) bonne idée que l’on peut relever dans le scénario – ne suffit pas à rendre intéressant le récit mis en image par le réalisateur anglais durant l'intégralité de son oeuvre, bien au contraire. Survenant beaucoup trop vite, très mal utilisée par le cinéaste, la césure provoquée par le rebondissement principal ne fait que mettre en lumière la médiocrité du récit. S’ensuit une deuxième partie mortelle, d’un ennui dépassant l’entendement, dont la conclusion est connue dès l’entame. Si quelques cadres sont jolis et bien exécutés (merci au directeur de la photographie !), rien ne permet de s’extirper de l’effet de léthargie que le film provoque immanquablement. Tout se déroule d’une façon convenue et totalement prévisible ; l’atmosphère irréelle qui se dégageait s’estompe aussi vite qu’elle était venue.

En réalité, Christopher Smith aurait dû comprendre qu’une œuvre ne doit jamais être structurée autour d’un seul élément, sauf si celui-ci est développé, ramifié, constamment enrichi. Pour que son film puisse être digne d’intérêt, il aurait fallu approfondir, justifier, donner du corps à l’idée première. C’est le propre des véritables cinéastes de savoir, à partir d’une thématique simple, transgresser les règles scénaristiques et formelles pour nous embarquer dans un véritable labyrinthe, dense et inquiétant. Ce que Triangle démontre malgré lui, c’est que n’est pas Alfred Hitchcock qui veut : savoir s’en tenir à une seule idée, simple et évidente, tout en développant brillamment toute une série de variations à partir de celle-ci, voici précisément ce qui fait la richesse du cinéma hitchcockien et ce qui manque à Smith sur Triangle. Le scénario, qui ne présente qu’un seul élément fondamental, se trouve dénué de tout intérêt dès que l’effet de surprise engendré par le rebondissement principal disparaît. Il ne reste plus qu’à attendre la fin du film, ou, plus simplement, à sortir de la salle. C’est probablement la meilleure des solutions.

Portrait de Ghislain Benhessa

A propos de l'auteur : Ghislain Benhessa

J'adore le cinéma depuis très longtemps. Ma motivation a toujours été de voir quelles sont les questions que les films me posent, en quoi toute image, de par son utilisation, peut se révéler source d'évocations à destination du spectateur. Le cinéma d'horreur parvient précisément à utiliser ses codes pour suggérer des émotions et des idées.

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