The Mother
**Attention, cette chronique contient quelques spoilers.**
Une mère de famille, qui vient d'accoucher de son quatrième enfant, se retrouve régulièrement seule avec ses petits lorsque son mari, routier, part travailler. Un soir, elle apparaît très fatiguée et en proie à une violente crise de nerfs.
S'inspirant vaguement d'un fait divers survenu au Texas, The Mother évoque un trouble propre à quelques femmes ayant récemment accouché : le baby blues (titre original du film, une fois de plus modifié lors de sa distribution en France pour d'obscures raisons). Ce syndrome provoque chez sa patiente une forme de légère dépression post-natale, pouvant donc parfois mal tourner.
Ce film débute comme un drame psychologique. On y découvre les premiers égarements visuels de la mère de famille, qui croit voir les blessures originelles du Christ à travers des taches de confiture sur un tee-shirt.
Thème porteur dans le cinéma indépendant américain ces dernières années (Inside, Fragments), la foi religieuse est une nouvelle fois prise à partie.
Ici, c'est encore la foi qui poussera petit à petit la mère dans une spirale la menant d'une dévotion désuete (son obsession pour un baptême rapide de son dernier enfant) vers une implacable folier meurtrière (dont le but initial semble être juste de punir les bêtises de ses petits, souvent sales).
Alors que l'on pensait assister à une montée en douceur de la tension, les deux cinéastes de The Mother nous surprennent en plongeant sans prévenir dans un gouffre sans fond. D'une assiette brisée à un bébé étranglé, il n'y a en effet qu'un pas que l'héroïne de ce métrage franchit allégrement, en l'espace d'un instant.
La faible durée du film (75 minutes) est en effet propice à ce genre d'accélération narrative.
Délaissant l'analyse psychologique détaillée, le tandem préfère nous immerger dans un huis clos punitif dénué de temps mort, dans lequel la demeure familiale, en principe lieu de réconfort et de sérénité, se transforme en théâtre d'une tuerie aussi sanglante qu'expéditive.
Le film se résumera rapidement à un duel entre le fils aîné, Jimmy (Ridge Canipe), et sa mère. Cette dernière, interprétée par Colleen Porch, est tout fait convaincante dans un rôle aussi tortueux qu'ambigu. L'étrange partie de cache-cache final mêlera avec justesse terreur pure, haine, tristesse et incompréhension, dans une atmosphère qui évoque quelque peu l'épilogue de Shining.
A un degré moindre que ses illustres consoeurs : Bette Davis (très inquiétante dans The Nanny) et Kathy Bates (phénoménale dans Misery), Colleen Porch réussit toutefois une composition haletante. Son personnage, qui conserve une part d'humanité, impressionne par son ambivalence. Ainsi, son fils hésitera longuement entre la défense et l'attaque, comme par exemple dans la scène du poulailler.
Le jeune comédien Ridge Canipe offre une jolie réplique à celle qui veut lui reprendre la vie qu'elle lui a donné. Il est touchant par son courage, son abnégation et son ingéniosité, finissant par rendre coup pour coup dans un quart d'heure final rondement mené.
Dès lors, il aurait été jubilatoire de pousser un peu plus loin l'examen du comportement de ces deux êtres liés par un sentiment malsain, entre amour maternel et haine féroce, plutôt que de privilégier sans demi-mesure une succession de meurtres sordides, certes spectaculaires et malsains, mais démontrant aussi la difficulté de ce métrage à sortir du cadre de la série B d'épouvante, la faute probablement à un manque d'expérience de la part des deux cinéastes.
L'épilogue réservera encore un surprenant retournement de situation, finalement logique au regard de l'identité du bourreau, et propice à une possible suite en cas de succès.
Série B bien rythmée et inventive, The Mother peut se targuer de ne pas laisser indifférent, à condition de ne pas trop en attendre de la part d'un scénario assez mince.
Un film de Lars Jacobson, Amardeep Kaleka
Avec : Colleen Porch, Ridge Canipe, Joel Bryant, Kali Majors