The Last Son : La Malédiction
Chez les Furlong, les hommes sont sujets à un étrange héritage qui change de génération en génération. Le grand-père devient aveugle pendant 37 minutes lorsqu'il songe au sexe. Le père dérègle les appareils mécaniques et électroniques quand le stress monte. Mais pour James, le dernier de la lignée, cette curiosité est une véritable malédiction. À chaque fois qu'il subit une violence quelconque (physique ou psychologique), son environnement et les individus à sa portée périssent inexplicablement. C'est pourquoi il s'isole dans la forêt jusqu'à ce qu'il rencontre Mae, une jeune fille atteinte d’un cancer…
La vache folle fait encore des siennes.
Après le très décrié Dorothy (que j'ai néanmoins apprécié), Agnès Merlet nous propose une histoire non dénuée d'originalité qui entreprend d'explorer la thématique de la mort par le biais d'adolescents face à l'inéluctable, et ce, d'une manière tout à fait dissemblable. En soi, l'idée n'est forcément pas novatrice, mais le concept de la lignée maudite, ainsi que l'approche fantaisiste apporte un regain d'intérêt pour le film. Agnès Merlet retourne en Irlande pour donner vie à un conte moderne où la force de l'imaginaire côtoie une réalité âpre. On alterne entre l'hôpital, un bâtiment froid et austère où la maladie plane dans chaque chambre, chaque couloir, avec la forêt. Un endroit empreint d'une certaine féérie tant par son aspect sauvage que par un éclairage savamment étudié pour accentuer l'environnement et l'atmosphère qui en découle.
Il en ressort une ambiance presque féérique aux influences évidentes. Car avant tout, Hideaways est un conte moderne. On le ressent tant dans la narration que dans sa mise en scène. Si ce choix est louable et intéressant, il demeure néanmoins quelques poncifs dont il aurait mieux valu se départir. Principalement, un traitement mielleux qui s'accentuera au fil du récit. En effet, après un début étonnamment immersif où l'on suit le jeune James à travers son enfance et son exil au sein de la forêt, la rencontre avec Mae marque un tournant dans l'intrigue. Non pas que l'histoire plonge irrémédiablement dans la romance de bas étage (encore que...), mais la succession de scènes peinent à saisir notre attention.
Encore un peu de ragoût de chouettes, avec de l'écureuil peut-être ?
En cause, une pudeur handicapante où James et Mae se cherchent du regard, partage un repas, une promenade champêtre ou un moment de détente au bord de l'eau. L'intérêt ? Tisser une relation amoureuse entre les deux protagonistes basée sur les différences qui les séparent de la réalité (d'où le traitement sous forme de conte moderne). Dès lors, les longueurs tiraillent un potentiel de départ intrigant. La malédiction et l'héritage des Furlong sont relégués au second plan. On pourrait se contenter du combat de Mae contre le cancer avec une approche assez inattendue : la fuite du réel et l'oubli de la maladie pour tenter de l'endiguer (ou de profiter des derniers moments de sa vie ?), mais c'est loin d'être suffisant.
Là encore, le récit peine à convaincre de par sa prévisibilité. Les personnages ne sont pas les seuls responsables et, pour tout dire, les premiers instants du film laissent augurer un traitement similaire à un certain conte moderne où deux êtres que rien ne semblait réunir vont s'aimer d'un amour impossible (je vous laisse deviner le titre de ce chef d'oeuvre). D'ailleurs, l'un des aspects les plus prometteurs est l'annihilation d'un mal face à un autre mal (dans le cas présent la malédiction et le cancer). On sent une véritable alchimie opérer. Il en dégage une symbolique assez forte dans la finalité de cette rencontre fortuite, sur le sens de la vie et de la destinée. Peut-être que tout n'est pas vain en ce bas monde.
Rien de tel qu'une petite sieste sous un lit de feuilles mortes.
Malheureusement, et c'est là que le bas blesse, les bonnes intentions ne suffisent pas à combler une volonté de nous infliger dans la dernière moitié du film, un mélodrame lénifiant aux relents de Twilight. Adolescents. Fantastique. Romance. Les ingrédients sont bel et bien présents et l'on aurait espéré voir la réalisatrice tracer son propre chemin plutôt que d'emprunter les raccourcis tellement faciles (et pénible) des succès commerciaux. Dès lors, il faut reconnaître que les personnages se parent de clichés pour le moins éprouvant. James demeure le beau gosse ténébreux et mystérieux. Mae, elle, la jeune fille désabusée et affublée d'un terrible fardeau. On notera une petite et néanmoins curieuse ressemblance entre Rachel Hurd-Wood et Kristen Stewart. À moins qu'il ne s'agisse d'une défaillance de mon esprit. Hypothèse on ne peut plus probable.
Toujours est-il que les acteurs campent leur rôle avec application, mais les personnages secondaires sont lésés, pour ne pas dire reléguer aux oubliettes. Le médecin-chef, le flic et même la mère de Mae se révèlent des faire-valoir qui occupent l'écran pour combler les vides. Il paraissait malheureusement inévitable de voir surgir un rival à James en la personne de Liam, également amoureux de Mae. Tout comme la famille de James dont on ne connaîtra presque rien hormis ce troublant héritage ou les patients de l'hôpital, aucun n'apporte une consistance ou un intérêt notable au bon déroulement du récit. Encore une fois, c'est le duo des deux tourtereaux qui monopolisent et l'écran, et l'attention de la cinéaste.
La malédiction s'étend tout en finesse.
En dépit de sa prévisibilité, Hideaways demeure une histoire sympathique à suivre si les romances post-Twilight ne vous rebutent pas. Inutile de dire que ce choix risque d'en énerver plus d'un. D'autant plus que la réalisation se veut soignée, propre et alterne les séquences extérieures (qui ont trait à l'imaginaire, à l'insouciance de l'instant) avec des scènes en intérieurs (la réalité, la maladie et la fin de vie) avec une fluidité étonnante. Les changements de ton contrastent tout en subtilité des ambiances aux antipodes. Un peu comme James et Mae me direz-vous. On regrette également que les passages où la malédiction se manifeste ne soient pas plus présents à l’'écran. La végétation qui se mortifie, l'environnement qui prend des teintes mordorées du plus bel effet ou le malaise que l'on ressent à ce moment sont autant d'atouts qu'on aurait aimé voir développer plus en amont.
Sur le plan visuel Hideaways est une réussite indéniable. Les effets spéciaux sont timorés, mais clairement convaincants. La réalisatrice s'applique également à dépeindre cet univers avec sobriété et retenue. Pourtant, les clichés véhiculés par l'histoire ou les protagonistes enlisent le film dans un ersatz pseudo-romanesque digne de la bit-lit. Certains (ou certaines) y trouveront leur compte, mais nul doute qu'au vu de l'introduction et du ton donné, on était en droit d'attendre un récit qui se démarque de la masse. Les idées ne manquent pas, le talent non plus, la symbolique sur les implications de la différence et l'approche pudique de la mort (James qui la cause involontairement et Mae qui la subit) sont autant de points intéressants qu'il aurait mieux valu mettre en avant. Au lieu de cela, on assiste à une romance lénifiante où les bons sentiments coulent sur le film avec la consistance du sirop d’érable.
Un film de Agnès Merlet
Avec : Harry Treadaway, Thomas Brodie-Sangster, Susan Lynch, Diarmuid O'Dwyer