Don't Breathe - La maison des ténèbres
En 2013, Fede Alvarez crée la surprise avec un remake réussi du film culte Evil Dead. Le cinéaste imposait une habile relecture de l’œuvre de Sam Raimi. Son nouveau projet était donc attendu au tournant pour confirmer l’essai. Contrairement au titre racoleur français à la banalité affligeante, Don't Breathe révèle une approche étonnante du huis clos horrifique tel qu’on le conçoit. Pourtant, l’intrigue en elle-même ne comporte rien d’extraordinaire. Les tenants restent aussi basiques que les motivations. Mais le présent métrage tire le meilleur parti de chacun de ses éléments en les transcendant par une mise en scène exceptionnelle.
Vaut mieux longer les murs...
Tout comme les films de maisons hantées, Don’t Breathe s’attaque à l’intégrité du foyer, mais pas dans le sens où on l’entend. Au lieu de se placer sous l’angle de l’occupant des lieux pour accroître l’empathie et l’angoisse, l’intrigue suit les intrus, à savoir les cambrioleurs. Il ne s’agit donc pas d’intégrer des phénomènes paranormaux, mais de s’appuyer sur un contexte des plus réaliste afin de surprendre le spectateur d’une manière inattendue. Certes, le procédé a déjà été utilisé pour des films comme Effraction ou Funny Games. Néanmoins, l’évolution de la situation se révèle beaucoup moins tranchée.
Ici, on ne se contente pas de confronter deux camps en opposition tout en suggérant de prendre le parti de l’un ou de l’autre. La brève exposition des personnages et ce que l’on peut en découvrir par la suite crédibilise leurs actes sans pour autant les justifier. Problèmes familiaux, chômage, solitude, crise économique, expropriation... Avant de s’inviter inopportunément dans la fameuse maison des ténèbres, le cinéaste détaille avec force et convictions le contexte qui plombe l’ambiance par une vision froide et désenchantée d’une société à la dérive. L’absence de repères et de valeur ne fait qu’accentuer désespoir et prise de risque inconsidérée.
Ça s'annonce serré !
La critique sociale s’attaque même aux fondamentaux de l’armée et le sort réservé aux vétérans lorsqu’il retourne à la vie civile. Ajoutons à cela une perte tragique et l’on obtient un terreau propice à exacerber les pires instincts. Car très vite, le rapport de force s’inverse. La plupart des productions cinématographiques s’attachent à dépeindre le handicap comme une richesse, à tout le moins une différence à accepter pour casser les carcans de la normalité. Ici, il s’agit d’un véritable atout. La perte de la vue permet de travailler sur les autres sens, comme l’ouïe, afin de compenser la cécité.
Outre le climat oppressant qui se dégage de la demeure, la grande force du film est de l’exacerber par le ménagement des silences qui va de pair avec des dialogues minimalistes. Pour mieux retranscrire la perception de l’homme aveugle, le moindre son, le moindre craquement est amplifié. Même constat pour la gestion de l’espace qui tire avantage du plus petit centimètre carré pour trouver une échappatoire. De par la parfaite connaissance des lieux du propriétaire et d’un agencement cohérent, la maison se referme sur les intrus, semblable à un piège où l’élément le plus anodin est susceptible de les trahir. L’approche est similaire à The Collector où un endroit familier devient hostile.
On fait la lumière sur la situation
Mais tout cela ne serait rien sans une réalisation truffée d’idées. Caméra subjective, confrontations récurrentes, présences secondaires (comme le rottweiler), plongées dans le noir total... La qualité graphique est simplement splendide et offre une multitude de contrastes et de séquences symboliques. À titre d’exemple, l’homme aveugle noyé dans un halo de lumière bleuâtre avant qu’il ne sombre dans l’obscurité. Malgré le cadre restreint, la progression fluide joue sur la variété et la continuité au regard de ce qui a pu être amorcé précédemment. En somme, on a droit à un long-métrage qui fait preuve d’ingéniosité et d’inventivité tant dans ses propos que dans son rendu visuel.
Au final, Don’t Breathe consacre son géniteur comme une nouvelle figure du cinéma horrifique. Malgré un scénario d’apparence simpliste, le film de Fede Alvarez s’appuie sur l’excellence de sa mise en scène pour mieux développer une atmosphère oppressante. Toujours au plus haut, la tension ne cesse de multiplier les fulgurances tout au long du métrage. L’originalité réside dans la manière d’appréhender l’intrusion au sein du foyer et de triturer les repères afin de surprendre. Si ce n’est la séquence d’introduction trop évocatrice, il aurait été bien difficile d’en deviner le dénouement. Une incursion éprouvante où la force des images suffit à suggérer l’angoisse chez le spectateur.
Un film de Fede Alvarez
Avec : Stephen Lang, Jane Levy, Dylan Minnette, Daniel Zovatto