Les dents du bayou
Moins présents que leur homologue aquatique, le «terrifiant» requin, le crocodile et l’alligator ont également eu droit à nombre de survival animalier. Des productions italiennes aux dernières idées saugrenues issues du bis, le reptile n’a guère brillé sur le grand ou le petit écran. Il faut se tourner vers Primeval, Eaux troubles ou le premier Lake Placid pour regarder des métrages potables et relativement bien fichus. Entre temps, même la saga initiée par Steve Miner s’est fourvoyée dans les affres des DTV fauchés et opportunistes. D’ailleurs, Griff Furst, le présent réalisateur, s’est chargé d’un troisième volet nauséabond.
Bienvenue chez toi, ma fille !
Sous l’innombrable pléthore de noms, sous-titres et autres patronymes à l’emporte-pièce, Les dents du bayou a tout de la production bâclée propre à l’esprit SyFy. Pourtant, l’on pourrait saluer le fait que l’histoire tente d’offrir un cadre vraisemblablement crédible avec un animal de la faune alentour. Cela nous change des aberrations qu’on nous inflige de manière plus ou moins volontaire. Pourtant, l’on sombre rapidement dans la caricature grossière en dépeignant l’environnement et surtout la population locale, un rien niaise et pas très finaude dans leurs mœurs. Tics de langage, banjos en bandoulière, salopettes crasseuses, bières à la main et autres parures du parfait petit cajun décérébré répondent à l’appel!
En soit, ce n’est pas vraiment une surprise et l’arrivée de la fille du pays apporte un contraste au regard de son ascendance. Ce ne serait même pas gênant s’il n’y avait pas cette constante à faire passer les habitants pour une bande d’arriérés mentaux et consanguins. Bref, le contexte bas du front étant ce qu’il est, sans doute aurons-nous droit à une pâle resucé des Dents de la mer version bayou. Les premières séquences d’un schéma narratif somme toute simpliste peuvent l’évoquer. Néanmoins, on reste avec des passages décousus dont on devine la teneur dès la scène d’ouverture. Le prétexte écologique fleure bon avec les considérations archaïques d’intervenants portés sur l’alcool local et la chasse aux crocos (ou aux alligators).
Croco coquet
Au regard de sa prévisibilité, on serait donc enclin à ranger le présent métrage dans les séries B médiocres, mais pas indigestes pour autant. La traque et le ton employé étant suffisamment fun pour offrir un moment de distraction somme toute sympathique en dépit de carences budgétaires et d’un manque flagrant d’inspiration. Sauf qu’à l’absence de finesse évidente et à la platitude d’une telle bobine s’ajoute une pirouette scénaristique proprement hallucinante qui fait chavirer le peu d’éléments notables qu’on veut bien lui octroyer. Dès lors, le grand n’importe quoi cohabite avec les pires incohérences (et incompétences) qu’on puisse envisager.
Ici, il n’est pas question de bestiole hybride, mais d’une transformation façon «croco-garou» définitive qui mine la population locale! Cette approche WTF ridiculise au possible le métrage et un casting définitivement discrédité aux yeux du spectateur et, si besoin était, de la profession. Les dents du bayou brille également par un montage abominable où les coupes ne se destinent pas uniquement à occulter les moyens faméliques, mais à casser le peu de rythme du film. Sans trop savoir pourquoi, une séquence peut être amputée sans autre forme d’explications qu’un point de vue différent et hautement inutile se déroule à l’autre bout du village. Un choix absurde et pénible qui fait montre de l’amateurisme de l’équipe.
Garçon, un double whisky sec !
En ce qui concerne les alligators, on patauge en terrains connus. Ils semblent tout droit repomper des dernières exactions de Lake Placid. À ceci près que les animations sont encore plus raides, les combats plus improbables et mal chorégraphiés. Un détail anodin, la rougeur de leur cou qui nous laisse à penser à un croisement avec une frégate du Pacifique! Plus sérieusement, les incrustations sont calamiteuses, les facéties des acteurs pathétiques et le résultat proprement ignoble à contempler. Inutile de mentionner les métamorphoses en fin de parcours ou la manière dont ils se meuvent dans l’eau. On dirait des planches de bois humide en perdition.
Au final, Les dents du bayou est un survival animalier qui commence moyennement et se termine très mal. Malgré des écueils inhérents au genre et à des productions trop modestes, il aurait pu néanmoins en découler une approche amusante. C’était sans compter les délires scénaristiques d’écrivaillons ratés qui minent le peu d’intérêt du métrage par le fond. Invraisemblable, inepte et complètement grotesque, l’histoire évoquée sombre dans la crétinerie involontaire. Affublé de trucages catastrophiques et d’une légion de clichés propres à la culture cajun, l’on obtient un film qui essaye maladroitement de surenchérir dans la stupidité de ses propos, ses acteurs et son récit.
Un film de Griff Furst
Avec : Jordan Hinson, Victor Webster, Christopher Berry, Ritchie Montgomery