La Zone d'intérêt
Je craignais deux choses en regardant La Zone d’Intérêt : premièrement, que les termes "magistral, glaçant, choc", accolés par la plupart des critiques au film de Jonathan Glazer soient exagérés en raison du sujet du film (toujours difficile à aborder de façon cinématographiquement objective), et ensuite que l’œuvre en elle-même me laisse de marbre.
J’avais déjà été épouvanté par Shoah de Claude Lanzmann, par Nuit et Brouillard, et par le documentaire en plusieurs parties consacré au camp d’Auschwitz (Auschwitz, les nazis et la solution finale). L’approche de Glazer allait-elle m’emporter ou me laisser sur le côté ?
Nous allons voir ça ensemble.
Tout commence par trois minutes d’écran noir sur lesquelles se superposent les notes distordues de la compositrice Mica Levi. Puis, soudain, une clarté aveuglante et une famille qui pique-nique au bord d’une rivière. Simple et efficace.
Le dispositif mis en place par Glazer sera donc d’épouser le point de vue de cette famille allemande qui vit en bordure du camp, mais sans jamais s’y aventurer. Tout ce que le spectateur entendra, ce sont les bruits des installations et, de temps à autre, des cris et des détonations de fusil.
Pour le reste, nous serons plongés au cœur du quotidien « normal » de la famille Höss, dont le patriarche n’est autre que le responsable du camp d’Auschwitz. Et je dois avouer que cette approche m’a paru tout à fait pertinente, ainsi que thématiquement intéressante pour décrire l’horreur humaine et la façon dont on s’y habitue, même si elle continue à nous influencer (car c’est évidemment de cela qu’il est question ici, plus que de vouloir dénoncer une énième fois les atrocités de la seconde guerre mondiale).
Tous les membres de cette famille y font face à leur façon, que ce soit par le déni, l’admiration ou le rejet, et c’est ce qui rend le film aussi intéressant que glaçant. Voir le plus grand fils du couple jouer avec des soldats de plomb ou enfermer son petit frère dans une serre (symbole évident des chambres à gaz) se montre tout à fait marquant.
Bref, il s'agit d'un très bon film qui n’a pas volé son oscar du meilleur film international, et l’édition DVD/Blu-ray qui est sortie chez Blaq Out lui rend hommage avec un excellent contenu additionnel, dont des interviews du réalisateur, des techniciens et des acteurs qui éclairent encore davantage la vision du film. Si vous aimez en savoir plus sur les coulisses, ces bonus ajoutent une réelle valeur à l’ensemble.