L'enfer des zombies
À plus d’un égard, L’enfer des zombies occupe une importance particulière dans le genre horrifique et le cinéma transalpin. Surfant sur la vague initiée par les films de Romero, le présent métrage est également considéré comme le premier film d’horreur de Lucio Fulci. Déjà versé dans le giallo et le thriller sulfureux, comme l’attestent Le venin de la peur et L’emmurée vivante, le réalisateur se voit confier les rênes d’une commande opportuniste et, de prime abord, sans grande originalité. Le titre fallacieux de Zombi 2 ou encore les scènes d’ouverture et de conclusion à New York en sont les exemples les plus flagrants. Pourtant, la surprise est de rigueur sur bien des aspects.
La rencontre sous-marine de deux monstres du cinéma horrifique
Si la comparaison avec Zombie est aisée, elle n’en est pas forcément pertinente, n’en déplaise à la présence d’une autre figure incontournable transalpine, Dario Argento. Il est vrai que certaines occurrences tendent à jouer la carte de l’opportunisme. L’aspect bis de la bobine ne s’affranchit guère de quelques plans dénudés sans autre prétexte que la mise en valeur des silhouettes féminines. La progression tient également à quelques conventionalités relatives aux comportements des protagonistes pour justifier l’évolution de l’intrigue, notamment quand il est nécessaire d’explorer les lieux, puis de se séparer. Ces écueils sont assez grossiers, mais il n’altère en rien l’approche singulière du réalisateur.
Bien que les zombies au cinéma se soient démocratisés au cours des années1960 avec La nuit des morts-vivants, ils étaient déjà l’égérie d’une frange du cinéma bis. On songe à White Zombie ou Vaudou. En l’occurrence, Lucio Fulci reprend la figure traditionnelle du zombie et du folklore caribéen, particulièrement ce qui a trait aux rites vaudou. Certes, on ne sera pas dans une exploration poussée du sujet comme le fera une dizaine d’années plus tard L’emprise des ténèbres. Cependant, l’on retrouve d’ores et déjà une créature déshumanisée qui est plus proche du golem (la dimension religieuse tient surtout aux superstitions locales) que de l’homme.
Après le verre dans le nez au réveil, les vers dans les orbites !
En ce sens, on écarte d’emblée d’éventuelles justifications quant à la prolifération des zombies. Bien que la contamination progressive se fasse sous l’œil impavide d’un médecin, on occulte également toute considération scientifique. On s’éloigne aussi d’un traitement nihiliste prompt à effectuer une critique sociale acerbe propre au modèle Romero. Lucio Fulci se concentre sur l’horreur brute du fléau et non sur ses conséquences apocalyptiques avec, en filigrane, la dénonciation du consumérisme et de la culture de masse. Le sujet a beau être commun, les visions dissemblables des deux metteurs en scène apportent une complémentarité bienvenue au genre. D’où le fait que le parallèle entre les deux œuvres n’est pas forcément approprié.
Il est vrai que Lucio Fulci s’est arrogé quelques idées de son prédécesseur. Le zombie mangeur de chair humaine ou la nécessité de l’envoyer ad patres avec une balle dans la tête en témoignent. Pour autant, le simple aspect des morts-vivants suffit à éloigner les deux métrages. Ici, on assiste à une déferlante plus viscérale. Les orbites vides, la peau terreuse en décomposition et une chair en lambeaux maculés de sang plus ou moins frais contribuent à susciter plus de dégoût que d’effroi. Malgré quelques idées saugrenues (le combat du requin et du zombie sous-marin), les séquences de confrontation sont assez généreuses en hémoglobine, en arrachage de chairs et en démembrement pour appuyer le côté gore.
Une démarche qui rappelle quelque chose ?
Au final, L’enfer des zombies s’avance de prime abord comme une production opportuniste, mais trouve rapidement ses marques pour se forger sa propre identité. Trop souvent (et injustement) comparé à l’œuvre de Romero en raison de sa thématique et de son aspect «fausse suite», le film de Lucio Fulci demeure une initiative notable dans le domaine. L’amalgame entre le mythe vaudou et quelques libertés empruntées outre-Atlantique permet de concilier tradition et modernité sans que l’une ou l’autre s’impose ou se contredise. On occultera quelques ficelles faciles et une interprétation en dent-de-scie pour se concentrer sur une ambiance et une bande-son envoûtante, voire anxiogène dans son développement.
Un film de Lucio Fulci
Avec : Tisa Farrow, Ian McCulloch, Richard Johnson, Al Cliver