Jurassic shark
Quand on touche aux films de requins, particulièrement ceux des années 2010, l’on se dit que le genre nous inflige ce qu’il y a de pire dans le septième art. Certaines productions étant tellement mauvaises qu’elles parviennent à nous laisser croire qu’on ne peut pas faire pire. Sharktopus, Sharknado et autres Sharkenstein en pagailles... Tous ont leurs tares et leur réputation de bêtises sur nageoires à entretenir. Alors oui, cela peut contenter l’amateur de nanars, amuser le temps d’une soirée devant des frasques aussi ridicules qu’improbables. Mais il faut bien reconnaître qu’il s’agit d’étrons du septième art guère conseillables.
Du fait quoi aujourd'hui ? Instant bronzette dans un film de m...
Et pourtant... Après avoir vu Jurassic Shark, on serait presque enclin à se montrer indulgent envers ces films. S’il s’en dégage une approche opportuniste évidente, l’aspect délirant plus ou moins assumé à divers degrés satisfait au moins un public. Or le présent métrage est un véritable cas d’école qui fait s’interroger sur les notions de marketing et de vente dans l’industrie du cinéma. Les intentions mercantiles, on les devine. Le manque de talents, indubitable. Mais le résultat à l’écran... Là, on touche clairement à un domaine intraterrestre où même la fosse des Mariannes ne suffirait pas à combler le gouffre d’immondices dans lequel on se noie à la simple évocation de Jurassic Shark.
En fait, tout se passe bien jusqu’à ce que le texte d’introduction disparaisse. On ne peut guère s’attarder sur une histoire quand l’ensemble semble être une laborieuse et improbable improvisation. Un magma informe d’expériences scientifiques, d’écologisme à deux balles... Sans oublier un braquage qui se termine sur une île et pléthore de bras amputés (les bras cassés sont occupés chez SyFy et Asylum) pour se charger de boucler la chose en cinq minuscules jours de tournage, top chrono. Et les absurdités s’enchaînent avec une cadence telle que le moindre passage, le moindre dialogue, contredit ce qui a pu être dit ou fait quelques secondes auparavant.
Attention, une horreur en approche !
Si l’on se fiche bien de leurs frasques pathétiques, les échanges entre les acteurs parviennent à un stade de pénibilité si avancé qu’il faudrait interdire le film aux personnes dépressives et suicidaires;tant on éprouve le besoin de mourir ou de tuer quelqu’un. Les amateurs qui ont osé apparaître dans cette chose possèdent le charisme d’un excrément de squale mal digéré. Ils ne communiquent rien, ne jouent jamais comme il le devrait (ne serait-ce qu’à minima) et sont plus agaçants qu’hilarants. On ne comprend pas leur degré de débilités pour faire face au requin. Restons à proximité de l’eau, c’est plus sûr pour que le requin nous picore!
Niveau réalisation, on touche les tréfonds du Z avec une absence totale de cadrage, des ralentis foireux et une photographie qui ferait passer le making of de Skarknado pour un petit chef-d’œuvre en la matière! Le montage coupe et découpe les séquences comme ce n’est pas permis. La direction artistique est aux orties (ou plutôt aux algues). Les faux raccords sont légion, l’exposition de l’environnement inexistante, les enchaînements de scènes illogiques et les plans fixes sur des éléments inutiles simplement destinés à dissimuler ce que l’on devrait voir à l’écran. Ici, ce ne sont pas les images par secondes qu’il faut considérer, mais le nombre de tares! On pourrait presque remplir un livre à leur seule évocation.
Air Shark, bonsoir !
Et le requin? Il s’agit d’un mégalodon très timide. On passe outre sur l’aberration de trouver une bestiole préhistorique en eau douce. Dans un premier temps, ça crie et ça fait plouf sans qu’on aperçoive l’ombre d’un aileron. On croirait presque que l’on regarde le premier film de requin sans requin! Et il aurait peut-être mieux valu quand on voit cet amas de pixels qui ferait honte à une PlayStation de première génération. Les images ne sont même pas incrustées et, comble de l’absurdité, employées à plusieurs reprises. Pour le reste, le squale n’est nullement représentatif du gigantisme de son espèce. Il rugit sous l’eau, vole dans les airs tels un poisson-volant et glisse sur les rochers comme une orquesur une plage!
Au final, Jurassic Shark ne peut même prétendre au statut de navet indigeste. Le côté sérieux associé à un budget fauché offre la pire des choses imaginables. Absolument rien n’est à sauver, tant le réalisateur, le casting et la production ont tout fait pour saboter leur projet avant même qu’il ne commence. Ici, ce n’est pas l’absence de qualités ou d’éléments intéressants qui brillent. C’est le constat déplorable que la bêtise humaine peut toujours creuser pour faire pire, pour donner au public une infâme et opportuniste perte de temps. On relativise après une telle vision d’effroi! En plus de le prendre pour un débile fini (le mot «Fin» est très important pour comprendre que le calvaire se termine), le générique est encore plus long que celui d’Avengers! Ultime affront de ce qui est sans doute le pire film de requins jamais produits avec Cruel Jaws.
Un film de Brett Kelly
Avec : Emanuelle Carriere, Celine Filion, Christine Emes, Angela Parent