Dream Home
Li Sheung (Josie Ho) occupe deux emplois serviles afin de pouvoir économiser dans le but d'acheter l'appartement de ses rêves, avec vue sur la baie de Hong Kong. Malheureusement pour elle, l'immobilier est hors de prix en ville, sans compter les soins coûteux pour son père, gravement malade.
Mais la jeune femme est prête à tout pour atteindre son but, quoi qu'il lui en coûte !
Dream Home est d'emblée un métrage difficile à cerner, à l'instar de sa scène d'ouverture, excellente.
Un gardien d'immeuble se fait étrangler par une inconnue et finira par s'auto-mutiler dans une forme de sauvetage désespéré, se noyant dans un marasme sanglant aussi sombre qu'ironique. Muette, filmée avec un travelling haut donnant un vertige allant de paire avec la hauteur de l'immeuble, d'une clarté en total décalage avec l'atmosphère glauque, cette ouverture annonce la couleur !
Puis le cinéaste Pang Ho-Cheung s'oriente vers le drame social sans nous prévenir, nous surprenant en offrant une humanité à sa tueuse, s'éloignant brusquement, de manière salutaire, des slashers manichéens américains.
Car Dream Home est présenté par beaucoup comme un slasher, ce qui serait simpliste.
Par la personnalité et le mode opératoire de l'héroïne (le couteau reste par exemple son arme de prédilection), Dream Home se rapproche davantage du giallo. D'un point de vue narratif et esthétique aussi d'ailleurs, même si la parenté s'arrête ici, Pang Ho-Cheung ayant ici l'audace de donner le "beau" rôle à une criminelle, en nous invitant à réfléchir sur la différence entre celui qui donne le coup de couteau, et celui qui le reçoit.
En effet, critique acerbe d'une société de consommation en pleine inflation (le matériel prend une part prépondérante dans la vie de Li Sheung), Dream Home dépeint cette violence psychologique constante et chaotique pour l'ensemble des personnages du film (le quotidien difficile des employés, la relation tumultueuse et sans lendemain entre l'héroïne et son amant, un salaryman déjà marié, la retraite maladive du père veuf de Li Sheung), en l'associant à une violence visuelle aussi ponctuelle que rude.
Séparée en trois actes, cette violence peut être considérée comme l'apothéose du métrage. Primitive, voire gratuite pour certains, mais terriblement jubilatoire et inventive, agissant comme un défouloir salvateur en réponse à la bêtise humaine, celle-ci abonde, durant la deuxième scène, vers un hommage au fétichisme asiatique dans toute sa splendeur !
En effet, entre deux vomissements, la scène de la femme enceinte ligotée et asphyxiée évoque nettement le bondage et autres jeux sado-masochistes.
Cet érotisme trouble s'amplifiera encore dans l'ultime scène, avec le jeune couple d'amants. Li Sheung, déjà adepte d'une éviscération spectaculaire, sera en effet l'auteur d'une émasculation jouissive durant le coït. L'humour est également au rendez-vous dans cette scène, entre le junkie finissant son joint en observant ses propres tripes quitter son corps et la fille pensant recevoir sur son dos la semence de son amant, alors qu'il s'agit en fait d'hémoglobine.
La futilité du motif de cette tuerie est d'autant plus sarcastique que le scénario semble s'être basé sur des faits réels.
L'actrice Josie Ho reste la révélation du film. Elle apporte un dosage surprenant de candeur et de dureté à son personnage, littéralement enfermé dans un engrenage dont l'apogée sera la mise à mort de son père, dénouement d'une relation paradoxale.
Dream Home réussit donc aisément à sortir du lot par l'âpreté parfois délirante de ses moments gore.
Malgré des retours en arrière à la longue agaçants et quelques dialogues maussades (un peu trop de pathos durant les séquences avec Li Sheung enfant), Dream Home est un film qui marque les esprits, à l'image de l'Audition de Takashi Miike, en évitant à chaque instant les écueils par une ironie de bon ton (cf l'épilogue du film), démontrant une fois de plus l'originalité de l'Asie en matière de cinéma de genre.
Un film de Ho-Cheung Pang
Avec : Josie Ho, Anthony Wong Chau-Sang, Eason Chan, Hee Ching Paw