Le Territoire des Ombres : Le Monde Interdit
Alors que Luisa réussit à s'échapper, ses collègues et un détective sont bien décidés à retrouver sa trace quitte à se confronter à une mystérieuse secte aux motivations tout aussi nébuleuses. Se pourrait-il que la clef de l'énigme repose au sein du passé de la famille Valdemar ?
Le premier volet de ce diptyque lovecraftien fut une incroyable surprise tant sur le fond que sur la forme. Outre son esthétique léchée où il suintait une véritable présence sur chaque image, le récit nous emportait avec passion et sérieux dans l'imagination torturée d'un des plus grands auteurs de la littérature américaine, rien que ça. Au vu de son dénouement, on ne pouvait que s'impatienter sur la continuation et les conséquences des événements.
Un invité de marque.
Fort heureusement, les deux films ayant été tournés successivement (les Espagnols auront dû attendre une année), cette suite nous emmène quatre jours après la capture de Luisa. De fait, il est important de garder ce détail à l'esprit. Faute de quoi (et quand bien même vous regardez les deux volets consécutivement), certains passages pourraient s'avérer pour le moins obscur, voire incohérent, avec ce qui a été amorcé précédemment. Inutile de préciser que les personnes n'ayant pas vu le premier opus n'entendront strictement rien à la présente histoire. Les deux récits sont tellement complémentaires qu'il est impossible de les dissocier.
L'entretien du suspense est le principal intérêt de ce procédé, on peut comprendre qu'un film de trois heures peine à retenir l'attention du spectateur. Aussi, c'est autant pour des raisons narrative que pratique que le réalisateur divise sa vision lovecraftienne en deux parties. Ceci étant dit, on pourrait penser que cette suite sera d'une qualité similaire à son prédécesseur. La même équipe, les mêmes talents et surtout le même cadre. Pourquoi s'inquiéter ? Il n'y a aucune explication apparente et pourtant, le constat est un peu moins éloquent. Ne nous y trompons pas, La sombra prohibida demeure un très bon film, mais certains choix (scénaristiques ou autres) peinent à trouver un véritable intérêt.
Des amis pour le moins singuliers.
Après un résumé du premier opus en guise de générique (toujours aussi soigné et prenant), on s'immerge assez facilement dans les mésaventures de Luisa et ses collègues, mais surtout la famille Valdemar. Pour rappel, La herencia Valdemar s'attachait à montrer la disparition de l'experte en immobilier, mais surtout le passé maudit des Valdemar. On se doute que La sombra prohibida sera ancré dans le présent et la finalité des événements amorcés au XIXe siècle. Pourtant, la première partie distille pour notre plus grande joie deux petites incursions à cette époque avec un invité de marque qui mériterait à lui seul un biopic de trois heures (ou plus).
Toutefois, cette entame est également l'occasion de contempler d'autres flashbacks (dans le présent cette fois-ci) qui sont davantage un frein au bon déroulement du récit au lieu d'apporter un intérêt notable. Certes, il aurait été difficile d'augmenter la tension culminée précédemment et de poursuivre sur un rythme aussi haletant au niveau des révélations, mais l'on a l'impression d'assister à une nouvelle exposition des faits plutôt que d'être dans l'enchaînement logique de l'histoire. Ce n'est pas forcément gênant, mais on aurait aimé davantage de rigueur sur cet aspect. Il en découle un récit assez discontinu dans sa première demi-heure. Encore une fois, certaines scènes pourraient relever de l'imprécision si vous n'avez pas en tête tous les tenants amorcés plus en amont.
Au coeur des ténèbres.
Il s'agit là de son principal défaut avec quelques retournements de situations plutôt facile et prévisible par la suite. En dehors de cela, on retrouve une photographie similaire au premier volet, c'est-à-dire somptueuse avec cette fois-ci une prédominance des teintes froides (nous sommes revenus dans le présent). Le cadre est toujours plaisant à suivre, même si l'on ne pourra contempler que trop rarement le manoir des Valdemar. Quelques intérieurs qui font penser à un donjon ou à des geôles, mais la maison en elle-même se fait plutôt discrète. En contrepartie, on nous offre une vue d’'ensemble sur le domaine (forêt et alentours) et une petite escapade dans des grottes souterraines où se terre l'abomination, l'innommable.
En ce qui concerne les protagonistes, les acteurs sont toujours aussi bons et leurs personnages évoluent subtilement sans léser leurs relations. C'est crédible et surtout cela leur donne l'opportunité de passer du statut contemplatif à l'actif, beaucoup plus immersif. En effet, leur implication directe les entraîne au coeur du problème. À noter que certains sont relégué en rôle secondaire ou disparaissent et d'autres prennent le dessus. Compréhensible au vu de la trame, mais l'on aurait aimé qu'ils accompagnent davantage l'intrigue jusqu'à son dénouement. On en apprend plus sur Damaso, Santiago et Maximilien par exemple, mais Nicolas, Leonor ou Lazaro sont peu présents.
Une vieille connaissance.
En dépit de ses défauts qui surgissent d'on ne sait où, La sombra prohibida conclut ce diptyque lovecraftien de fort belle manière. On nous offre un final digne du maître de l'épouvante en mêlant à la dramaturgie, une horreur sans nom qui fait une entrée fracassante. Les effets spéciaux sont réussit, la créature saisissante tout en conservant une certaine retenue dans son utilisation. Certes, le récit de cette deuxième partie a la fâcheuse tendance à s'éparpiller, mais l'on ressort de cette production ambitieuse ravit et surtout impatient de connaître les futurs projets du cinéaste qui, à mon humble avis, est parvenu à retranscrire l'univers de Lovecraft avec justesse et talent. Un exploit à réitérer au plus vite...