Dark tales of Japan
Le folklore japonais recèle bon nombre de légendes urbaines qui n’ont rien à envier à leurs consœurs américaines. Elles ont donné lieu à des perles d’épouvante qui ont fait les lettres de noblesse du genre en Asie et à travers le monde. Il n’est donc guère surprenant qu’elles soient déclinées n’importe comment quitte parfois à perdre de vue la volonté d’effrayer pour sombrer dans le ridicule. On pourrait incriminer la vague pseudo-horrifique qui a succédé à Ring, The grudge et autre Dark water ou les remakes américains de ses références, mais il y a aussi des tentatives originales qui entrent dans cette catégorie.
Dark tales of Japan peut être considéré comme une mini-série (le chapitrage en épisode va en ce sens) ou une compilation de courts-métrages au vu de la durée inégale des histoires (entre 8 et 25 minutes). On en dénombre cinq réalisés par des cinéastes à la renommée flatteuse, entre autres : Takashi Shimizu ou Norio Tsuruta. Dès lors, ce projet développé pour la télévision nipponne est entre de bonnes mains. Le pitch de départ, ainsi que le concept des légendes urbaines, permet une assise confortable aux metteurs en scène. Seulement, les premières images trahiront le peu de moyens alloué à cette production fauchée. Et le mot est faible…
Si les histoires se révèlent disparates dans leurs domaines et leurs thèmes (créature monstrueuse, malédiction, fantômes…), elles se rejoignent toutes sur un cahier des charges minimaliste et des défauts aussi grossiers qu’inadmissibles. C’est bien simple, on a l’impression d’assister à une sitcom bas de gamme ou, au mieux, à une série Z opportuniste. Outre un grain d’images abominables, la mise en scène ne montre aucune inventivité pour véhiculer la moindre émotion. Il ne faut donc pas espérer éprouver un semblant de frisson ou d’atmosphère glauque pour coller à des intrigues rudimentaires et néanmoins plaisantes à suivre.
Là encore, la progression se révèle très inconstante. Malgré un format qui impose une certaine dynamique dans le rythme, l’ennui survient trop souvent tandis que l’on tente de justifier l’intérêt de tel ou tel segment, en particulier des plus courts et des plus bâclés (Les interstices, La blonde Kwaidan). Pire, l’on peut remarquer des incohérences ou un manque flagrant d’explications dans les aboutissants. Certes, l’on se détache rapidement des événements de ce pot-pourri (au sens littéral), il n’en demeure pas moins une frustration quasi permanente devant pareille confusion. À aucun moment, on ne flirte avec les frontières de la réalité, ne serait-ce qu’évoquer un minimum de doute.
Non, on préfère mettre en avant des effets spéciaux aussi lamentables que grotesques. Des images de synthèse obsolètes (même pour 2004), une incrustation hasardeuse sur la pellicule, des maquillages grossiers ou des maquettes à la fois énormes et ridicules (la tête géante dans La malédiction)… Bref, les exemples ne manquent pas et tendent à confirmer le caractère opportuniste de cette compilation au rabais. N’oublions pas également les subterfuges de circonstances (rires inquiétants, portes qui claquent, baisse de la luminosité…) pour tenter (et seulement tenter) d’effrayer le spectateur.
Pour enfoncer le clou, les acteurs sont d’une rare bêtise. Laissons de compter un charisme de poisson rouge, pour dénoncer une interprétation en total décalage avec les situations. Doté d’un jeu restreint (écarquillement des yeux et de la bouche), ce casting de troisième zone se compose d’amateurs piochés au hasard, ainsi que des « stars » de la J-pop, bien décidés à capitaliser sur leurs fans pour acclamer une telle débauche d’idioties, de non-sens et de cabotinage. Cette médiocrité fait montre d’une constance assez étonnante. À croire que l’ensemble de l’équipe de tournage s’est appliqué à donner le pire d’eux-mêmes…
Au final, Dark tales of Japan ne possède qu’une affiche correcte et un titre aguicheur. Malgré la présence de réalisateurs habitués au genre, aucune des cinq histoires ne se démarque par une quelconque qualité dans le fond ou dans la forme. Budget famélique, mise en scène bâclée, scénario ennuyeux et mal maîtrisé, les tares n’en finissent plus de se multiplier au fil de ces courts récits. Mais cela n’est rien face à un casting de têtes à claques plus imbéciles les unes que les autres. Il en ressort une compilation sans le moindre atout qui privilégie le grand-guignolesque à une peur plus psychologique. À éviter.
Un film de Yoshihiro Nakamura, Masayuki Ochiai, Takashi Shimizu
Avec : Kayoko Shiraishi, Shozo Endo, Yoshinori Okada, Kanako Fukaura