Continuum
Le voyage dans le temps est une thématique récurrente de la science-fiction. Développé à maintes reprises par les romanciers, repris par le cinéma et décliné fréquemment pour la télévision, ce sujet ne cesse d’alimenter nos écrans et la culture sous toutes ses formes (ou presque). Aussi, il est assez difficile d’offrir un concept novateur dans cette catégorie, à tout le moins le renouveler avec une certaine efficacité. Le créateur, Simon Barry, fait donc ses premières armes dans l’univers de la série. Responsable du scénario de L’art de la guerre et ayant officié principalement en tant que caméraman sur diverses productions, l’homme parviendra-t-il à imposer son projet parmi une concurrence acharnée ?
Une entrée en matière pour le moins… explosive.
On entame les hostilités avec la découverte du monde en 2076 (novembre, ce qui explique que la trame passe rapidement en 2077), sa technologie de pointe, ses gratte-ciel transformés en tour d’ivoire pour une classe sociale supérieure et son contexte politique. À savoir, les gouvernements se sont effondrés. Les multinationales ont pris le pouvoir (mais n’est-ce pas déjà le cas ?) et un groupe de terroristes, Liber8, s’incruste comme le grain de sable qui vient enrayer cette mécanique bien huilée. Si l’univers rappelle facilement des dystopies assez connues sous couvert d’un idéal, l’on remarquera que cette époque a fait l’objet d’un développement particulier dans ses moindres détails et, pour ne rien gâcher, le design est des plus flatteurs pour les rétines.
Le soin concernant les effets spéciaux s’avère des plus travaillés. L’apport des nouvelles technologies joue sur quasiment tous les aspects du quotidien : les vêtements intelligents, les armes, la science, la nanotechnologie, l’architecture, les transports… Bref, tout est agencé, structuré pour montrer l’évolution du monde de manière exhaustive. Cela confère à Continuum un point de départ des plus crédibles qui extrapole l’ensemble de notre vie afin d’y exposer leur finalité ou continuité, selon le domaine évoqué. Cette ambiance froide et désenchantée rappelle l’univers cyberpunk de Deus ex. Il est très surprenant de pouvoir contempler un tel potentiel étant donné que l’on y sera plongé que trop succinctement.
Quel est donc ce mystérieux objet obsolète qui requiert tant d’attention ?
En effet, l’importance de 2077 se révèle trop anecdotique au fil du récit. Là où l’on aurait pu espérer un développement parallèle à 2012 en poursuivant notre exploration, l’on se rend compte que les minuscules flash-back en début et fin d’épisodes n’apportent strictement rien à l’histoire. Après avoir aguiché son public de la sorte et, ignorant l’évolution de la série dans les prochaines saisons, le côté science-fiction cède la place à des intrigues principalement policières. Bien sûr, l’emploi de la combinaison de Kiera comme arme, gilet pare-balles ou connexion à un réseau d’informations offre une petite touche d’originalité ; tout comme la tentative de rejoindre son époque, mais cela n’amoindrit pas cette frustration de ne découvrir qu’une partie de la mythologie créée.
Malgré la multiplicité des enquêtes pour capturer les membres de Liber8, la trame principale nécessite une réelle assiduité de la part du spectateur. Il est fortement déconseillé de prendre Continuum en cours de route ou de rater un épisode sous peine de ne pas comprendre pleinement la progression. Celle-ci se fait sur un rythme assez dynamique et varié. De ce côté, la traque aux terroristes alterne entre phase énergique et investigations sans jamais se complaire dans des longueurs pénibles ou une débauche d’action sans queue ni tête. Ce juste équilibre permet de suivre l’histoire sans se lasser ou de créer une impression de déjà-vu avec un plan narratif identique (comme pour Primeval) durant la totalité de la série.
On peut toujours essayer de courir contre le temps...
En ce qui concerne les protagonistes, on oscille entre le bon et le moyen. Le casting est intéressant et compétent. Les acteurs disposent de physiques suffisamment dissemblables pour reconnaître chaque intervenant avec aisance. Toutefois, le problème se trouve dans le comportement des personnages. On ne peut s’empêcher de sourire face à certaines décisions peu crédibles des uns et des autres dans des situations nouvelles ou dangereuses. Par exemple, la trêve entre Liber8 et Kiera aurait été plus efficace si elle était étalée dans le temps et non pas pendant cinq petites minutes. Constat identique pour la confiance aveugle de Carlos dès la première rencontre avec sa future partenaire. Les relations semblent cousues de fils blancs, même s’il est aisé de passer outre.
En contrepartie, le fait de donner un objectif valable à Liber8 pour se révolter permet de brouiller les pistes et offre une approche non manichéenne (en dehors du choix de la violence) bienvenue. À ce titre, difficile d’avoir une idée arrêtée sur les motivations de chacun. L’ensemble reste crédible, mais manque de développement dans les magouilles des politiciens et des multinationales pour approuver à la cause de Liber8. En revanche, il est dommage et étonnant que Kiera ne fasse montre d’aucun doute, d’aucune remise en question sur sa mission principale, surtout en prenant en compte certains éléments de son passé. L’évolution des personnages se révèle donc assez statique sur la continuité.
...Ce n’est pas pour autant qu’on a droit à un bain de Jouvence.
Au final, Continuum est une série à 70 % policière et 30 % de science-fiction. Le voyage dans le temps ne sert que d’objectif et de prétexte au bon déroulement de l’intrigue. D’ailleurs, les implications et les conséquences demeureront au classique paradoxe de tuer un grand-parent pour expérimenter la mort d’une cible potentielle. On regrettera principalement le peu de place allouée à 2077 au profit d’une année 2012 bien fade en comparaison. Toujours est-il que le fil rouge reste visible tout au long des épisodes avec un certain dynamisme et une variété bienvenue. Il en ressort une série honnête et plaisante à suivre avec des effets spéciaux plus que convaincants. Sympathique, mais non exempt de reproches.
On reprend les mêmes et on recommence.
Saison 2 : Pour sa seconde année, Continuum privilégie l’évolution des personnages avec une nette progression dans leurs motivations. On apprend davantage sur leur passé (ou leur futur, c’est selon). Toutefois, Kiera est la seule qui semble faire du surplace : peu de remises en question, un objectif qui ne bouge pas d’un iota (traquer Liber8). Malheureusement, l’on retrouve l’année 2077 de manière toujours aussi sporadique (début et fin de chaque épisode) avec une histoire qui tient en haleine et a le mérite de multiplier diverses pistes d’exploration pour ne pas lasser. En somme, une deuxième saison qui reprend des ingrédients similaires à son aînée avec un certain savoir-faire. On constatera les mêmes bons points, comme les quelques errances susmentionnées.
On reste enfermer dans ses mauvaises habitudes ?
Saison 3 : Habile mélange de science-fiction et d’investigation policière, Continuum poursuit son périple à travers l’espace-temps pour cette troisième année consécutive. L’intrigue relègue le futur à un vaste horizon nébuleux pour se concentrer sur les méandres des changements dans le présent. A l’instar d’un effet papillon tentaculaire, on dédouble cette notion assez délicate à aborder dans un univers parallèle. Dès lors, les sous-couches de l’histoire sur telles ou telles modifications spatio-temporelles épaississent le fil rouge de telle manière à le complexifier au maximum. La traque de Liberate sent le réchauffé pour laisser un sentiment mitigé sur le dénouement. On tourne en rond sans vraiment apporter de réponses. Une saison en demi-teinte qui trahit un certain essoufflement. (6/10)
Saison 4 : 6/10
Un film de Pat Williams, Jon Cassar, Amanda Tapping, David Frazee
Avec : Rachel Nichols, Victor Webster, Erik Knudsen, Stephen Lobo