Douce nuit - sanglante nuit
Considéré comme l'un des slashers les plus controversés de l'histoire du cinéma en raison de sa violence explicite et de son détournement du symbole de Noël, cette Douce Nuit, Sanglante Nuit réalisée par Charles E. Sellier Jr. en 1984 a été interdite ou censurée dans de nombreux pays, et a même provoqué la colère de groupes religieux et d’associations de parents aux États-Unis.
Puisque les éditions Rimini nous font le plaisir de ressortir ce petit classique dans un très joli coffret comprenant, entre autres choses, un livret concocté par Marc Toullec (ainsi que la version non censurée, plus sanglante !), l'occasion est trop belle de redécouvrir ce film qui mérite le visionnage.
À Noël, les allées des jardineries fleurent bon les sapins et les supermarchés vomissent des rayons de jouets par milliers. C'est donc l'occasion pour les disctributeurs de sortir une tripotée de films familiaux à la morale plus ou moins discutable et quelques mini-séries aux qualités variables. Dans cette opulence de sentiments mièvres, les fêtes de fin d'année ne sont pourtant pas de tout repos pour les serial-killers de tout poil et autres psychopathes dérangés du bulbe. Le slasher avait déjà joué la carte de Noël avec Black Christmas en 1974.
Entre temps, les grands noms naissent (ou renaissent si l'on parle des suites) dans ce genre qui dispose d'un solide public amateur de massacres en tous genres.
Si c'est la pancarte qui le dit, alors...
Si le Black Christmas de Bob Clark avait déjà perverti cette joyeuse saison, Douce nuit sanglante nuit va un cran plus loin en s'attanchant à ternir la bonne réputation du Père Noël et l'oeuvre de Charles E. Sellier Jr. a d'ailleurs été critiquée par la presse spécialisée, qui lui a reproché son scénario simpliste, ses dialogues médiocres, ses acteurs peu convaincants et, surtout, sa désacralisation du gros monsieur en rouge. Les amoureux de la fête et les jeunes enfants seront toutefois déçus d'apprendre qu'il s'agit en réalité d'un psychopathe dérangé qui s'amuse à crier à tout-va « Châtiment ! » ou « Méchant ! Méchante ! » selon le sexe de la victime et non pas le véritable Père Noël qui aurait pété une ampoule de guirlande. La démarche sera reprise beaucoup plus récemment avec le déjanté Very bad santa, mais vous l'aurez compris, on ne trouvera pas dans l'assassin de service ici présent un équivalent à Michael Myers ou Jason Vorhees, malgré quatre suites à l'intérêt en chute libre.
Il est vrai que Billy manque cruellement de charisme avec son costume trop grand pour lui et sa barbe pendante. Toutefois, le film déroge à une règle du slasher dont peu osent se départir : conserver pour son tueur le statut de victime. Car là où l'on aurait pu s'attendre à une résurgence du psychopathe responsable de son malheur, l'histoire décrit progressivement le basculement et la névrose latente de son personnage principal qui l'humanise un peu plus que la plus plupart de ses concurrents dérangés. Revers de la médaille, ce choix entraîne une mise en place un poil laborieuse avant d'entrer dans le vif du sujet. Il faudra en effet patienter plus de 40 minutes pour assister aux festivités, mais cela ne veut pas dire que cette première partie est inintéressante, au contraire, puisqu'elle s'attache à nous décrire en détails la descente aux enfers du pauvre Billy à travers trois périodes distinctes : 1971, 1974 et 1984.
Un coup de marteau bien placé !
Le film étant d'une durée assez restreinte avec ses 80 minutes au compteur, il ne reste plus beaucoup de temps pour le massacre une fois la mise en place terminée, mais quel massacre ! La seconde partie du métrage présente ainsi une certaine générosité dans la succession des meurtres. En moins de 20 minutes, l'on compte pas moins de 9 assassinats, et ce, de manière assez différente. Pendaison avec une guirlande électrique, hache, arc, coup de marteau bien placé, défenestration, empalement, décapitation... De ce côté, l'effort est réel pour nous offrir un spectacle varié et sans longueur.
Côté violence, on sera plus mitigé en ce qui concerne la version censurée. Point d'hémoglobines à l'horizon pour contenter les mordus du gore, exception faite de quelques gerbes de sang trop furtives. Les hors-champ sont nombreux et surgissent toujours au plus mauvais moment. On ne peut donc pas apprécier pleinement le travail de ce Père Noël bien décidé à punir les méchants enfants (surtout grands, on laisse malgré tout la morale sauve en épargnant les petits).
On notera tout de même que les trucages s'avèrent corrects pour les années 1980 et vieillissent assez bien compte tenu d'un budget modeste, ce qui se remarque très bien sur le remaster HD proposé par Rimini.
Coucou, chérie !
Niveau casting, l'on a droit à une poignée d'inconnus qui ne perceront pas dans le milieu du cinéma. Si Billy a fait l'objet d'un soin tout particulier dans sa personnalisation, il en va tout autrement concernant la brochette de seconds couteaux peu loquaces. L'interprétation demeure au minimum syndical avec des expressions exagérées ou figées, des postures grotesques (surtout les flics) ainsi que des dialogues sommaires et des doublages français foireux. Les victimes ne laissent, quant à elles, pas un souvenir impérissable. Vites tuées, vites oubliées, elles font office de remplissage et rien d'autre.
En ce qui concerne l'ambiance de Noël, on a droit à un cadre de circonstance avec tous les artifices qui l'exigent. Décorations clinquantes, neige, façade garnie et intérieur propice à la chaleur, la convivialité et à la consommation. On véhicule les habituels messages inhérents à la fête sans jamais y déroger. La mise en scène se montre correcte malgré certaines ellipses au montage et les hors-champ cités précédemment. En somme, Charles Sellier ne fait pas d'étincelles avec sa caméra, mais propose un spectacle loin d'être dégueulasse comme certaines productions beaucoup plus récentes.
Tu as été une petite fille sage ?
Au final, Douce nuit sanglante nuit constitue un slasher de Noël plus que correct, doublé de l'un des tueurs les plus attachants qu'il m'ait été donné de voir (car oui, on s'attache à ce pauvre Billy en raison de son terrible parcours de vie). S'il n'a pas laissé une empreinte indélébile dans l'histoire du cinéma comme d'autres ténors du slasher, le film de Charles E. Sellier Jr. mérite d'être redécouvert, et si possible dans la version non censurée disponible dans le coffret édité par Rimini Editions (même si les séquences rajoutées ne présentent malheureusement pas la même qualité d'image que le reste du film, car ne provenant pas du même master).
Un film de Charles E. Sellier Jr.
Avec : Lilyan Chauvin, Gilmer McCormick, Toni Nero, Robert Brian Wilson