Voir la fiche complète du film : Audrey Rose (Robert Wise - 1977)

Audrey Rose

Audrey Rose est un film en dents de scie qui mérite le coup d’œil pour sa proposition originale et pour ses scènes de tension réussies, mais qui risquera de laisser certains spectateurs sur le carreau en raison de sa seconde partie qui a tendance à piétiner.
Publié le 4 Décembre 2023 par GeoffreyVoir la fiche de Audrey Rose
7

On a tendance à l’oublier, mais Anthony Hopkins a eu une carrière avant le Silence des Agneaux, et pas des moindres puisqu’il a tout de même tourné avec des pointures comme David Lynch (Elephant Man), Richard Attenborough (Magic) ou encore l’homme derrière le film qui nous occupe aujourd’hui, le grand Robert Wise.

Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, Robert Wise c’est le réalisateur à la manœuvre sur des films comme West Side Story, Star Trek, La Maison du Diable, Le Jour où la Terre s'arrêtaLe Mystère Andromède et La Mélodie du Bonheur. Bref, que des œuvres mineures dont vous n’avez jamais entendu parler.

En 1977, il nous revient avec cette Audrey Rose tout à fait intrigante, basée sur un script de Frank De Felitta adapté de son propre roman, et que l’auteur dit inspiré de faits réels.

Janice et Bill Templeton forment avec leur fille Ivy une famille heureuse et sans histoire... jusqu’au jour où un mystérieux étranger se met à les suivre partout où ils vont.

L’inconnu finit par leur proposer un rendez-vous et par leur révéler qu’Ivy serait la réincarnation de sa propre fille, morte onze ans plus tôt...

Mal aimé au sein de la riche filmographie de son réalisateur, Audrey Rose ne l’est pas sans raison. En effet, l’effort de Wise, et c’est bien dommage au vu de son sujet peu exploité par le 7ème art, n’est pas ce que l’on pourrait appeler une réussite totale, malgré d’indéniables sur lesquelles nous reviendront. Et si le film loupe le coche, c'est principalement en raison de sa structure narrative qui se divise en deux parties distinctes, de qualité inégale.

Son travail parle pour lui : Wise est un touche-à-tout de génie puisqu’il passe aussi bien de la science-fiction à l’épouvante qu’à la comédie musicale. La solidité de sa mise en scène est indéniable et cela se vérifie encore une fois puisque Audrey Rose peut compter sur plusieurs séquences bien troussées qui n’ont pas manqué de me mettre mal à l’aise, alors que l’on ne remarque aucun effet outrancier et que nous ne sommes pas dans un film de possession démoniaque comme on pourrait le croire.

Déplorons néanmoins une caméra un peu trop rigide et « plan-plan » par moments, surtout lors des séquences de dialogues, ce qui peut nuire à un rythme général plutôt lent.

Heureusement, le réalisateur peut compter sur un casting de choix avec un Anthony Hopkins parfait dans le rôle du père éprouvé par le deuil de son enfant, mais ce serait oublier les partitions impeccables de Marsha Mason qui incarne la mère de la jeune Ivy Templeton, et de Susan Swift qui  donne vie à cette dernière, incarnant avec aisance la double de personnalité d’Ivy Templeton/Audrey Rose. L’actrice qui n’avait que 13 ans au moment du tournage se montre impressionnante de justesse et demeure crédible tout du long, dans un rôle pourtant ardu.

On regrettera que le rôle de John Beck (vu dans Rollerball, une pelletée de séries et… Timecop 2) soit quelque peu en retrait dans la première partie, car sa partition d'un père à qui l’on conteste sa propre paternité méritait une meilleure exposition. Il aura un peu plus l’occasion de se mettre en valeur dans le tiers du film, malheureusement son retour à l’avant-plan coïncide avec le moment où le film se prend les pieds dans le tapis.

Wise agence son intrigue de façon à en faire un tout homogène et limpide, et à ce niveau, il n’y a rien à reprocher au film tant sa première moitié s’avère prenante et riche en tension. Hélas, à mi-chemin, le scénario prend un virage à 90° et s’éloigne de son argument de départ (la « possession » d’une fillette par une autre âme, je le rappelle) afin de proposer une rationalisation des faits à travers un genre cinématographique dont le public américain est très friand, à savoir le film de procès. Et quand je parlais tout à l’heure de caméra « plan-plan », c’est à cette partie spécifique que je faisais référence car Wise (et c’est tout à son honneur) délaisse de côte la moindre esbrouffe visuelle pour se concentrer sur les enjeux en cours. Des enjeux qui s’éloignent de son cœur de cible, ce qui fait que durant plus d'une demi-heure, le spectacle se fait plus languissant et surtout moins percutant. Car non content de mettre de côté l’aspect fantastique de la réincarnation d’Audrey Rose, le scénario De Felitta s’oriente vers une confrontation entre « pères » afin de déterminer qui est de en droit de revendiquer la véritable paternité d'Ivy/Audrey.

Je n’irai pas jusqu’à dire que c’est hors-sujet, mais cette question de paternité n’était clairement pas la préoccupation du spectateur jusque-là.

Néanmoins, le final rehaussera le niveau grâce à une scène remarquable que je ne vous dévoilerai pas ici, mais qui vous laissera sans voix.

Bref, pour résumer, Audrey Rose est un film en dents de scie qui mérite le coup d’œil pour sa proposition originale et pour ses scènes de tension réussies, mais qui risquera de laisser certains spectateurs sur le carreau en raison de sa seconde partie qui a tendance à piétiner.

Le film est sorti en novembre 2023 en DVD/Blu-Ray dans la collection angoisse de l'éditeur Rimini, accompagné d'un livret de 24 pages signé Marc Toullec qui revient sur la genèse du film, ainsi que d'un documentaire intitulé Robert Wise et le cinéma d’horreur (17′). Bref, du tout bon.

A propos de l'auteur : Geoffrey
Portrait de Geoffrey

Comme d'autres (notamment Max et Dante_1984), je venais régulièrement sur Horreur.net en tant que lecteur, et après avoir envoyé quelques critiques à Laurent, le webmaster, j'ai pu intégrer le staff début 2006. Depuis, mes fonctions ont peu à peu pris de l'ampleur.

Autres critiques

Bait 3D
Il est difficile de se renouveler quand on parle de requins au cinéma sans en faire un film d'horreur moisi. Les productions Asylum sont là pour en attester avec leurs pléthores de films aux squales pixélisés ou ayant subi des mutations dégueulasses. Néanmoins, tous ces films de requins que l'on trouve médiocres ne le seraient peut-être pas si Les Dents de la Mer n'avait pas existé...
Frayeurs
Réalisateur majeur du cinéma transalpin, Lucio Fulci a fourni certains des efforts les plus remarquables (et parfois méconnus) dans le domaine horrifique des années 1970 et 1980. Avec L’Enfer des zombies , il offrait la réponse européenne au Zombie de Romero. À bien des égards, Frayeurs s’avance comme un tournant dans sa carrière. Film charnière à la croisée des cultures et second...
Death valley
Si l’on excepte l’incontournable Walking dead et les animes japonais, le zombie et la série TV sont un mélange plutôt rare. Cette créature en décomposition est davantage à l’aise sur grand écran. Pourtant, l’on a eu droit à Dead set , mini-série savoureuse tournant en dérision la télé-réalité de fort belle manière. Plus récemment, le projet avorté de Zombieland et son...
The River
À nouveau associé à une série télévisée, le nom de Steven Spielberg en tant que producteur a du mal à faire rêver. En 2011, la déconvenue de Terra Nova aurait pu refroidir ses ardeurs sur le petit écran. Mais l'illustre cinéaste ne se démonte pas face à l'échec. C'est ainsi qu'il récidive avec The river . Un projet ambitieux qui mêle aventures et horreur. À la base du concept ?...
Krampus Unleashed
Dans la catégorie des films d’horreur de Noël, on distingue plusieurs types de productions. Celles qui démystifient l’image symbolique du père Noël. Les métrages qui usent du contexte de manière plus ou moins abusive. Et enfin ceux qui explorent la face cachée de cette fête, en mettant souvent sur le devant de la scène des antithèses du père Noël, comme le Grinch, Saint-Nicolas ou...
Audrey Rose
Réalisateur:
Durée:
113 min
8.25
Moyenne : 8.3 (4 votes)

Thématiques