Sharktopus
Entre deux épisodes de la saga Détour mortel, Declan O'Brien troque les régions boisées et reculées de la Virginie pour des eaux turquoise, des plages de sable fin, de jeunes donzelles en bikini et une bestiole comme vous n'en avez encore jamais vu. On le sait la sharksploitation est toujours une manne providentielle pour des producteurs peu scrupuleux. En tête de liste, les studios Asylum. Tout juste derrière, SyFy concurrence leurs confrères sur le terrain de la nullité abyssale. Force est de reconnaître qu'ils se surpassent dans la débilité et nous pondent un étron abominable digne de Mega Piranha.
Cool mec, la prise est bonne, on la refait pas.
Il ne faut pas plus de trois minutes pour amorcer la première tentative de gobage de blondes échevelées. Sauf que notre merveilleux squale se fait bouffer par... un requin-pieuvre ! Bravo. Il serait préférable de mettre fin à cette critique sur cette simple constatation. Bravo pour repousser les limites de l'absurde. Bravo pour oser l'impensable. Bravo pour donner naissance à l'innommable et lui donner un visage ; celui d'une immondice imbuvable, improbable et hallucinante. Comment peut-on trouver des financements avec un scénario aussi lamentable, aussi ringard ? Le mystère reste entier. Les relations, le baratin, quelle que soit la raison, l'arnaque est flagrante.
Passons outre l'inexistence d'une histoire anémique où un savant fou a créé un hybride de pieuvre et de requin. Bien sûr, le spécimen s'échappe et... à vrai dire on s'en fiche comme de l'an 40 (nettement plus intéressant cela dit). Que nous reste-t-il ? Une réalisation potable ? On aurait pu l'espérer, car, avec un Détour mortel 3 sympathique, Declan O'Brien nous avons montré un travail honnête à défaut d'être exceptionnel. Et pourtant, les premières images (et les suivantes) ballottent sans jamais parvenir à cadrer correctement la situation. Le mal de mer est permanent. On a l'impression de se trouver en présence d'un film amateur (ce qui n'est peut-être pas faux).
La vue est belle ?
À force de regarder ce genre de productions minables, on remarque que la qualité des effets spéciaux est de plus en plus pathétique. Les années avancent. Le talent ne stagne pas. Il ne régresse pas pour la simple et bonne raison qu'il n'est pas présent. Le métrage date de 2010. Vraiment ? Penchons-nous sur notre requin-pieuvre. Outre un design ébauché à la va-vite, sa réalisation en image de synthèse évoque les prémices des ordinateurs. Et encore, la démo de présentation de la première PlayStation où l'on voyait un T-Rex était nettement plus convaincante. On ne parlera même pas de purée de pixels, mais de pommes de terre non épluchées.
N'oublions pas non plus les incrustations absolument risibles. Les tentacules, la silhouette de la bestiole sous l'eau ou les moments où elle croque de la chair humaine avariée sont autant de points qui nous laissent à penser que la conscience professionnelle n'était pas de la partie. Les trucages sont comme superposés sur l'image filmée. Qui plus est, celles-ci s'accompagnent d'une bande-son quasi permanente où les morceaux héroïques sans intérêt se succèdent à un rythme on ne peut plus stressant. Là encore, un zéro pointé pour des musiques irritantes au possible.
Instant bronzette tordu.
Dans tout ce fatras de nullité, il n'y a plus beaucoup de place pour le divertissement. La trame se révèle linéaire et sans surprise et se ponctue d'interventions « tentaculaires ». Comprenez que les séquences où le requin-pieuvre (cordialement appelé spécimen-11 ou Sharktopus) casse la croûte se terminent par une petite giclée de sang, un magma de bulle ou un coup de gueule bien senti. La partie pieuvre crache de l'encre (pour encore cacher la laideur des trucages) et se meut sur la terre ferme. En somme, l'hybride ne sert absolument à rien si ce n'est conjuguer les inepties.
Un dernier mot sur les acteurs. On est surpris de voir Éric Roberts dans ce genre de films. Certes, son heure de gloire est passée depuis un certain temps, mais tomber en désuétude à ce point là et faire montre d'un cabotinage sans précédent (dans sa carrière), cela fait peine à contempler. Pour les "acteurs" secondaires, une grande poignée d'inconnus sans la moindre once de talent avec des traits d'expressions pathétiques et exagérés. Il faut dire que leurs personnages n'aident pas à se sortir de moments tous plus oubliables les uns que les autres.
Le pistolet à eau Vs une bestiole mal foutue.
Bref, Sharktopus est en passe de devenir une référence en matière d'inepties et de conneries. Un scénario absent, un requin-pieuvre abominable mis en abîme par des effets spéciaux d'un âge révolu (ou qui n'a sans doute jamais existé, allez savoir), des acteurs lamentables. Il était presque inévitable de voir autant de défauts dans ce type de produits opportunistes. Pourtant, le taux d'imbécillités qui passent à l'écran parvient à nous surprendre de la plus terrible des manières. Il ne s'agit pas d'une déception étant donné qu'on n'attendait rien de cette sombre plaisanterie qui ne fait même pas sourire. Affligeant de nullité.
Un film de Declan O'Brien
Avec : Eric Roberts, Sara Malakul Lane, Michael Gaglio, Kerem Bursin