La Guerre des mondes (BBC)
On ne présente plus une histoire aussi emblématique que La Guerre des mondes. Avec d’autres chefs d’œuvre tels que La Machine à explorer le temps, L’Homme invisible et L’Île du docteur Moreau, il s’agit d’une des œuvres fondatrices de la science-fiction moderne. Portée à plusieurs reprises à l’écran, déclinée en bande dessinée, ainsi qu’en jeux de rôle... H.G. Wells signe un récit intemporel qui possède une formidable résonnance entre le passé et le futur. La version de Spielberg adaptait l’intrigue à un contexte contemporain et faisait la part belle à une débauche d’effets spéciaux. Il en ressortait une vision saisissante, même si elle se montrait éloignée de son modèle littéraire.
Entre temps, d’autres productions de seconde zone se sont accaparés l’histoire avec un constat moyen dans le meilleur des cas. Dès 2015, la BBC ambitionne de revisiter le roman originel. Eu égard à des problèmes de droit, la gestation se prolonge jusqu’à se concrétiser en 2018 avec le tournage de la présente mini-série. Celle-ci coïncide avec la sortie de la production éponyme de Canal+. À la différence de son homologue français, la BBC a souhaité respecter la trame et l’ambiance propre au livre de H.G. Wells. Et cela passe avant tout par une reconstitution historique somme toute bluffante du début du XXe siècle.
Londres est alors à la croisée des époques et des influences qui présagent déjà de la mondialisation. On songe à la fin de l’ère victorienne, au plein essor de la Seconde Révolution industrielle ou encore aux récents progrès scientifiques. Pour ce dernier point, l’une des protagonistes incarne cet état d’esprit. Tout d’abord en appartenant à la gent féminine, puis en traduisant une certaine indépendance et vivacité d’esprit. Cette atmosphère est soutenue par l’alternance du cadre; entre la campagne britannique, dont les conditions de vie spartiates renvoient au siècle précédent, et la capitale de l’Angleterre, résolument tournée vers l’avenir.
Au-delà d’un contexte particulièrement réussi, on retrouve cette rigueur dans la narration. Si l’ensemble paraît de prime abord linéaire, la trame se scinde en deux temporalités. La première s’attarde sur l’invasion en elle-même. Le rythme se veut étonnamment timoré, préférant susciter l’attente, la crainte et, dans une certaine mesure, le mystère qui fait office de prémices à l’éradication de l’espèce humaine. Il en ressort deux impressions notables. Le drame mondial se découvre à une échelle humaine, presque intimiste si l’on excepte l’attaque du village, la destruction de Londres ou l’assaut sur la plage. De ce choix découle une part importante allouée à une sorte de huis clos.
Il est vrai que l’ensemble n’est guère dynamique. En contrepartie, l’atmosphère évolue vers des considérations plus insidieuses. La tension tient alors à la promiscuité des lieux qui ne présentent aucune issue pour échapper à l’envahisseur. L’idée est intéressante même si certains aboutissants manquent de crédibilité due à une mauvaise exposition du cadre et des justifications trop évasives, à tout le moins très expéditives dans leur démonstration. À cela s’ajoutent des flashbacks dont la récurrence inverse le concept propre à un schéma temporel classique. Autrement dit, on se projette dans l’avenir au lieu de plonger dans les souvenirs.
Le présent devient ainsi le passé et le futur... un présent aussi incertain que désenchanté. La teneur post-apocalyptique ne fait guère l’ombre d’un doute. Il en émane une aura crépusculaire où la Terre se pare des atours de la planète rouge. La volonté de «terraformer» la Terre n’échappe donc à personne, même si c’est l’aspect rétrofuturiste qui prédomine. Celui-ci se manifeste entre un XXe siècle moribond, les vestiges des tripodes et les fameuses plantes rouges qui étouffent autant la végétation que l’espoir des survivants. Une approche relativement délétère, voire nihiliste, qui alourdit l’atmosphère déjà pesante de l’invasion.
Au final, cette version de La Guerre des mondes vue par la BBC se révèle aussi ambitieuse que convaincante. Si l’on peut regretter quelques tournures narratives maladroites ou un rythme en dents-de-scie, l’œuvre de H.G. Wells trouve ici une résonnance télévisuelle notable. Cela tient essentiellement au respect de la trame principale, même si quelques libertés ont été consenties çà et là. On apprécie aussi l’ambiance générale qui s’amuse entre espoir et accablement. Ce n’est pas tant l’invasion qui prévaut en ces circonstances, mais plutôt la manière dont les protagonistes réagissent face à ce cataclysme. Une vision beaucoup plus nuancée qu’escomptée.
Un film de Craig Viveiros
Avec : Eleanor Tomlinson, Rafe Spall, Jonathan Aris, Robert Carlyle