Goal of the Dead - Entretien avec Benjamin Rocher

On vous avait déjà proposé la critique du film, voici l'entretien avec l'un de ses réalisateurs ! De passage à Strasbourg pour présenter son dernier film, Goal of the Dead, en compagnie des actrices Charlie Bruneau et Tiphaine Daviot, Benjamin Rocher a accepté de répondre à nos questions avec sa gentillesse et son enthousiasme habituels.

Ghislain Benhessa : Benjamin, ton projet, avec Thierry Poiraud, ne ressemble à aucun autre. J'aimerais d'abord revenir un peu sur sa genèse. C'est bien ton frère, Raphaël, qui en est l'instigateur ?

Benjamin Rocher : A la base, c'est effectivement une idée de mon frère, Raphaël Rocher, avec lequel j'étais déjà associé sur La Horde, et avec lequel je travaille via Capture The Flag et Empreinte Digitale, et Nicolas Peufaillit, scénariste de Un Prophète de Jacques Audiard, qui nous avait déjà filé un coup de main sur La Horde à un moment donné. Raphaël et Nicolas ont développé un concept de série télé, déjà intitulé Goal of the Dead, de 6 X 20 minutes, un truc très rigolo avec du foot et des zombies. Au final, on n'a pas réussi à trouver de formule satisfaisante pour les diffuseurs. On se retrouvait avec une matière conséquente sur les bras, dont on ne pouvait malheureusement rien faire. Donc on s'est dit qu'on allait basculer vers des films de cinéma, d'autant plus que l'équipe de Canal+ s'est montrée vraiment bienveillante – ils trouvaient le projet super intéressant depuis le début et pensaient que ce serait dommage que ça ne se fasse pas. Et nous aussi bien sûr. Du coup, on a transformé ça en projet de cinéma. Moi, à l'origine, mon rôle était simplement de lire le projet, de donner mon avis, de partager les idées en tant qu'associé de la société de production. Et plus le projet se précisait, plus j'ai trouvé ça hyper intéressant, marrant et prometteur, alors que je ne voulais pas forcément, à l'origine, faire un film de zombies après La Horde. Donc plus le projet prenait de l'ampleur, plus j'étais tenté, et plus j'avais envie de m'impliquer à la réalisation directement. Et ça me permettait de changer de registre par rapport à La Horde, puisque c'est une comédie. J'avais envie de travailler avec les comédiens dans ce nouveau registre.

G.B : Si la matière était si importante, du fait que la série n'a pas pu se faire, comment est précisément venue l'idée de faire deux films ? On peut dire que c'est une sorte d'heureux hasard ?

B.R : C'est pas vraiment un hasard. On avait cette énorme matière sur les bras, et on s'est très vite dit qu'on allait faire deux films avec deux réalisateurs différents. On partait d'emblée sur un projet fun, façon grindhouse, exploité de manière festive et évènementielle et pas dans le circuit classique. On s'est dit qu'on allait concevoir un double programme sympa, en pensant en premier lieu au plaisir que pourraient avoir les spectateurs. Mais cela répondait également à des questions de financement : on pouvait plus facilement obtenir un financement pour deux films, et du coup le projet pouvait être monté. Sinon on n'aurait jamais eu les moyens suffisants pour monter un tel projet. Ce qui était une contrainte initiale nous a permis d'envisager un projet différent, que l'on a voulu comme tel.

G.B : Partir sur un projet de type Grindhouse, ça répond donc aussi à une logique économique. Tu aurais eu du mal à faire un seul long-métrage de cinéma de grande ampleur avec un tel sujet, c'est bien cela ?

B.R : Oui, c'est sûr, mais à la base on avait surtout une masse trois fois plus importante que dans un long-métrage. Après, on s'est aussi dit qu'un tel projet pouvait difficilement être financé sous la forme d'un seul film. Finalement, l'idée du double programme en tant que telle et les questions financières sont venues en même temps, de façon conjointe. Ce n'est pas une contrainte de production simplement habillée, ou déguisée par le recours au style du Grindhouse. C'est vraiment à partir de l'entremêlement de toutes ces questions qu'on s'est dit que les spectateurs pourraient adorer voir un tel double programme, avec deux réalisateurs différents. C'est vraiment une envie de spectateur avant tout. J'avais déjà une admiration pour le travail de Thierry Poiraud, d'autant plus qu'il venait d'un univers un peu différent du mien. On s'est dit que ce serait vraiment bien pour les spectateurs d'avoir un tel programme avec deux sensibilités différentes à la barre.

G.B : Justement deux sensibilités différentes, ça me fait penser au fait que tu as travaillé, sur ton premier film, avec Yannick Dahan, dont l'activité de critique a façonné son approche du cinéma. Bosser avec Thierry Poiraud, est-ce que c'était complètement différent pour toi, dans ta manière d'envisager un projet à deux ?

B.R : Déjà, petite précision, la version que tu as vu, pour la presse, est légèrement différente de la version « soirée », qui sortira en DVD/Blu-ray. Cette version pour le public propose véritablement deux films séparés, avec une réelle fin à la conclusion du premier segment, avec un générique à la fin de la première partie, puis un résumé du premier au début du second. Avec Thierry, on a travaillé conjointement pour dessiner les grandes lignes, choisir ce qu'on voulait raconter dans les deux films, faire le casting, travailler avec les acteurs lors des répétitions, mettre en place la même direction artistique, la même équipe technique et artistique, à part au montage. Thierry et moi, on s'est mis d'accord sur tous ces aspects, en amont, pour obtenir un résultat harmonieux. Mais, après, on a fait chacun notre film. C'était donc très différent, dans la pratique, d'un film comme La Horde, parce que j'étais cette fois-ci le seul capitaine du bateau pour ce qui est de mon segment, c'est-à-dire le premier film, comme lui l'était sur le sien. On avait d'ailleurs fait tous les deux une première expérience de coréalisation, puisque lui avait fait Atomik Circus avec son frère, et moi j'avais fait La Horde avec Yannick. On était donc habitué à travailler en binôme chacun de notre côté, même si Thierry était évidemment là pour me soutenir en cas de besoin.

G.B : Justement, j'ai lu que vous aviez chacun tourné quelques scènes dans le film de l'autre, comme une sorte d'échange temporaire. C'était intentionnel, ou le fruit de la nécessité lors du tournage ?

B.R : En fait, c'est le hasard complet. C'est de façon purement pragmatique qu'on a fait cela. Avec les intempéries de l'année dernière, de mars 2013 pour être précis, il y a eu une tempête de neige, ce qui fait qu'on a perdu une journée et demi, sur un tournage de huit semaines au total, pour les deux films. La perte était énorme sur le coup. Le retard pris a bouleversé notre plan de travail, on n'a pas exactement pu faire comme on voulait, certains décors ont changé au moment où l'on tournait tous les deux chacun notre épisode.

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