Goal of the Dead - Entretien avec Benjamin Rocher

(suite de l'interview)

G.B : Justement, vu ce souci de rechercher la plus grande cohérence entre Thierry et toi, comment avez-vous pensé le scénario précisément tous les deux ?  

B.R : En fait, le travail scénaristique entre nous deux s'est déroulé en plusieurs étapes. A la base, Raphaël Rocher et Nicolas Peufaillit, qui ont monté le projet initial sous forme de série télé, ont travaillé avec un pool de scénaristes afin d'avoir différentes sensibilités dans l'élaboration des personnages et des arches scénaristiques nécessaires à la cohérence globale de l'histoire. Ils avaient une matière énorme qui, comme prévu à la base, correspondaient à une série télé. Avec Thierry, on s'est retrouvé avec tout ce matériau sur les bras, et on devait en quelque sorte couper 70% de toute cette masse. On a fait le tri, en traçant les arches nécessaires pour obtenir environ 2h20 d'histoire, puis on a coupé en deux. On s'est retrouvé avec une première partie orientée vers le film catastrophe, l'autre vers le survival. On s'est réparti les segments et on avait ensuite chacun nos scénaristes respectifs pour travailler les finesses du scénario. Pour ma part, j'avais Tristan Schulmann avec moi.

G.B : Votre idée, clairement, est de trouver dans le football les ingrédients nécessaires à l'articulation de votre histoire (le supporter, le monde du football etc.). J'ai particulièrement aimé le travail que tu proposes, dès la fin du premier segment, autour du fumigène, objet-culte de tous les ultras des stades, c'est-à-dire l'attaque des zombies dans la brume des fumigènes lancés par les supporters. Est-ce que l'avantage d'une telle scène n'est pas, à la fois, de proposer un ancrage dans le foot, tout en bénéficiant de la fumée des fumigènes pour éviter de payer des effets spéciaux astronomiquement chers ?

B.R : Tu insinues que les fumigènes sont là pour faire cache-misère, c'est ça (rires) ? En fait, c'est vraiment pas ça. On s'est surtout dit, dès le début, que toutes les apparitions, séquences-clés, devaient avoir un écho par rapport au football. C'est pour ça que les zombies sont des sortes de super supporters qui contaminent d'ailleurs les gens en propageant autour d'eux une sorte de liquide proche de la bière ! C'est la même chose pour toute l'imagerie que l'on souhaitait évoquer dans le film. Les fumigènes, par exemple, c'est un truc qui m'a toujours fasciné visuellement. Les images classiques, que l'on a tous vues, des tribunes rougies par les fumigènes, dans des stades gonflés à bloc, j'ai toujours eu l'impression d'y voir des images de guerre ! A partir du moment où tu vas sur un terrain comme celui-ci, il faut utiliser de telles images qui, à la base, sont déjà presque celles d'un film d'horreur, un film de guerre, voire même les peintures de Jérôme Bosch.  C'est bien pour cela que je voulais utiliser les fumigènes dès le début. Ensuite, c'est vrai que j'avais envie de raconter la contamination, comme dans tous les films de ce genre, par une montée en tension, jusqu'au climax, qui passe précisément par cette séquence avec les fumigènes. Il fallait un mystère, qui subsiste avec cette brume due aux fumigènes. C'est donc bien par envie de mise en scène que je les ai utilisés, non pas pour cacher la misère. Cette séquence fonctionne précisément dans l'intérêt du raccord entre les foots et les zombies.

G.B : Pour rester sur la relation que le film entretient avec tout un patrimoine de film de genre – on pense évidemment à Shaun of the Dead lorsque les personnages se réfugient dans le café local à la fin de ton segment – la musique du générique semble évoquer, directement, la fameuse musique de la séquence introductive de The Thing, de Carpenter, composée par Ennio Morricone. C'était une intention directe ?

B.R : En fait, dès les premières images, l'atmosphère gonzo, volontairement potache, je voulais faire ma déclaration d'amour au cinéma d'horreur des années 80, tel que je l'ai tant aimé, mais aussi à une certaine comédie française de cette même période, notamment les films de Patrick Schulmann, qui est d'ailleurs le père de Tristan, ou de George Lautner et Patrice Leconte, notamment. C'est d'ailleurs pour cette raison que j'ai filmé les séquences de cette manière au début du film, avec une série de zooms qui sont empreints du style de cette période-là. C'est aussi pour certaines de ces références que la contamination se passe de cette façon. Les accords musicaux évoquent d'ailleurs la musique de Creepshow durant les séquences de contamination. J'avais envie de montrer combien j'aimais ce type de cinéma en l'invoquant dans mon film. La musique fait incontestablement partie de tout cela.

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