World War Z
Devant le succès de l'excellent best-seller de Max Brooks et la fièvre des morts-vivants qui se propagent à toute la culture populaire, il semblait inévitable de voir débarquer World war Z sur nos écrans. En général, ce genre d'adaptation se concrétise sous forme de productions modestes aux moyens limités. Dans le cas présent, ce n'est autre que Brad Pitt et sa société Plan B qui s'occupe du bébé. Nanti d'un budget pharaonique, ce blockbuster estival a fait montre d'une campagne publicitaire comme aucun film de zombies n'a pu bénéficier. Inutile de préciser que les attentes et les exigences sont nombreuses. Alors, sombre fumisterie qui joue l'esbroufe ou incontournable pour tout amateur de viande avariée ?
La situation est grave et désespérée.
En premier lieu, cette adaptation s'écarte grandement de son modèle littéraire. Dans ce dernier, l'on suivait l'auteur (employé par l'ONU) pour récolter les déclarations de survivants de la guerre contre les morts-vivants. La propagation est donc terminée, à tout le moins contenue, et l'on a droit à un compte-rendu sur l'état des lieux via la situation géopolitique de la planète et les témoignages qui en découlent. Or, le film se focalise sur l'invasion à proprement parler. Il est vrai que la structure du livre ne se prêtait guère à une adaptation. De fait, les libertés prises avec le matériau de base sont assez grandes et peuvent déconcerter pour ceux qui se sont penchés sur l'½uvre de Max Brooks.
L'on conserve alors un point de vue principal (celui de Gerry Lane) pour entrer dans le vif du sujet. Pour cela, l'on ne se fait pas prier. Il suffira d'à peine cinq minutes pour voir débouler les contaminés et provoquer une apocalypse Z. À ce titre, la séquence dans les rues de New York est saisissante (on comprend mieux pourquoi elle figure en tête des trailers). C'est rapide, brutal, grandiloquent de par son échelle. Les plans larges et aériens sont également présents pour exposer l'ampleur du désastre. Au lieu de contempler la désolation après le passage des zombies (si coutumière dans ce genre de productions), on s'émerveille devant cette fulgurante dévastation qui se propage avec une facilité déconcertante.
Prêt pour la descente aux enfers ?
Le très éclectique Marc Forster (Neverland, Harold Crick, Quantum of solace ou Machine gun preacher) derrière la caméra, on pouvait s'attendre à une réalisation sans fioriture et dynamique. Force est de constater qu'il ne nous fait pas mentir. Chaque séquence est l'occasion de nous en mettre plein la vue. En disposant de larges moyens, le cinéaste tend vers des assauts impressionnants qui confèrent à l'intrigue un rythme soutenu du début à la fin. Outre le changement de cadre quasi permanent (les États-Unis, la Corée ou Israël...), l'environnement est exploité de telle manière à ce que la horde déferle dans les rues comme un raz-de-marée.
Le simple fait de donner une masse aux zombies (perçu comme un organisme global et non individuel) accentue la menace. Certes, l'idée que les morts-vivants piquent des sprints n'est pas nouvelle, mais à ce point, on a du mal à comprendre comment les survivants peuvent leur échapper. Ça saute, ça rugit, ça se décompose et surtout, ça dévore tout sur son passage. Entre les yeux vitreux, le teint blafard, les dents noirâtres et suintantes de baves, les maquillages se montrent clairement convaincants. L'illusion des images de synthèse conjuguée au travail des figurants confère à World war Z des plans saisissants, absolument de toute beauté.
C'est pourtant pas le Black Friday !
Malgré le sujet abordé, le film s'axe principalement pour un large public. Outre les courses éperdues des cadavres sur pattes qui rebuteront les puristes, la violence est très édulcorée. Explosions, morts, fusillades et émeutes sont de la partie, mais on reste très frileux quant à une exposition plus détaillée de l'apocalypse. Exception faite d'une amputation, on ne verra pas des litres d'hémoglobine couler ou des pauvres quidams se faire dévorer. Les hors-champ sont nombreux, flagrants et pas forcément cohérents avec l'ampleur du désastre. À n'en pas douter, le principal reproche que l'on puisse émettre.
Pour ce qui est des protagonistes. On demeure dans une caractérisation assez classique et inhérente aux films catastrophes. À savoir, le héros qui fait fi de sa personne et laisse sa famille pour affronter courageusement les zombies et, éventuellement, d'éviter la fin du monde. Pourtant, Brad Pitt campe son personnage comme il se doit avec une interprétation nuancée et réactive. Il reste que les rôles secondaires sont effacés face à sa présence, mis à part le trop furtif et dérangé David Morse. Sur ce plan-là, le travail est effectué avec application, mais ne surprend guère, un peu comme la morale sous-jacente aux vagues relents patriotiques (ce n'est pas votre pays qui a besoin de vous, mais la planète !) et aux bonnes m½urs familiales à préserver.
Le mur des lamentations n'a jamais aussi bien porté son nom.
Au final, World war Z n'est ni une déception, ni un chef d'½uvre. En terme d'images, il nous offre l'apocalypse zombie ultime avec ses assauts à l'échelle démesurée ou l'exploration plus intimiste d'un espace confiné (la deuxième partie du film). Tout comme le voyage à travers les continents, la variété est le maître mot. Toutefois, l'on pestera contre une volonté évidente de toucher un maximum de spectateurs en édulcorant la violence. Peu de sang, d'exécutions sommaires (même l'abattage de quelques morts-vivants subit la malédiction des hors-champ) et de passages incisifs à se mettre sous la dent. Bien que le scénario soit prenant, on regrettera un manque de surprises et une fâcheuse tendance à dissimuler des messages à la morale douteuse. Il demeure tout de même un très bon divertissement.
Un film de Marc Forster
Avec : Brad Pitt, Ed Harris, Matthew Fox, James Badge Dale