The Event
Les années 2000 auront marqué un changement notable dans l’approche des séries télévisées. Considéré à tort comme un média de seconde zone par l’industrie cinématographique, l’univers du petit écran a su évoluer pour tirer le meilleur parti de formats longs. S’il existe toujours des séries où les épisodes ne nécessitent pas une assiduité particulière, le schéma narratif d’une intrigue développée sur une dizaine ou une vingtaine d’épisodes s’est démocratisé. Lost: Les Disparus ou encore 24 heures chrono ont démontré tout l’intérêt d’un tel procédé. Par ailleurs, The Event s’avance comme l’héritier de ces productions. Ce mélange des influences débouche-t-il sur une histoire de qualité injustement avortée?
Il est vrai que les ambitions de The Event sont clairement affichées pour devenir le nouveau feuilleton où chaque conclusion d’épisode est synonyme d’un cliffhanger digne d’une fin de saison. De ce point de vue, on sent une nette inspiration sur le schéma narratif de Lost. Pour autant, il ne s’agit pas d’un simple calque. Preuve en est avec ces premiers épisodes qui multiplient les flashbacks dans tous les sens. Le fait de déconstruire l’intrigue pour exposer tous les intervenants démontre une certaine démesure dans l’échelle des événements. Cependant, les allers-retours en pagaille sur différentes trames temporelles perdent davantage le spectateur qu’ils ne présentent les tenants.
L’importance des protagonistes, leur rôle au sein du récit, la succession de faits qui s’enchaînent et les causes relationnelles qui surviennent en amont sont autant de points déconcertants. Il faut en effet assimiler de très nombreuses données avant de pouvoir aborder l’histoire dans de bonnes conditions. Fort heureusement, cet aspect suffisamment redondant pour casser le rythme s’estompe au fil des épisodes. Lorsque le background des personnages est exposé et que les pièces du puzzle ont posé le cadre, le scénario suit un cheminement plus intelligible et maîtrisé dans sa gestion du suspense. On apprécie donc plusieurs facettes du concept, tour à tour complot gouvernemental, invasion extraterrestre silencieuse et menace pandémique.
En cela, la variété des enjeux offre une évolution progressive et pertinente de la trame principale. À chaque fait ou phénomène, on découvre des motivations doubles, ainsi que des conséquences qui en amènent d’autres. Tout est savamment orchestré pour encourager le spectateur à distinguer davantage d’éléments qui régissent cette conspiration. Ce renouvellement permet d’explorer de nouvelles pistes narratives tout en maintenant l’attention du public par des révélations convaincantes, à défaut d’être pleinement originales. On notera néanmoins une certaine tendance à renverser les rôles d’antagonistes au fil des épisodes, jouant davantage sur les errances et les aspirations qu’à une profonde restructuration psychologique.
Étant donné le statut avorté de la série, on peut regretter l’absence d’une véritable conclusion. Plusieurs aspects de l’intrigue restent en suspens. De même, le final évoque de nouvelles interprétations quant aux motivations des «infiltrés» (les extraterrestres) et ce qui augure du pire pour l’avenir de l’humanité. Génocide, esclavagisme? Quid également des origines de l’humanité dont on ne peut que présager une vague ascendance avec des civilisations antédiluviennes, comme les Annunaki. Bref, si le ton complotiste est particulièrement bien entretenu, on peut regretter un tel bâclage et dédain des producteurs pour rendre l’issue inachevée et ô combien frustrante!
Au final, The Event est une série qui dispose de qualités évidentes, mais à laquelle on n’aura pas donné de seconde chance pour développer ses propos. Malgré une approche déconstruite pour le moins déstabilisante, la portée des événements et la présence d’extraterrestres au sein de la population mondiale ravivent quelque peu les velléités de complot gouvernemental pour étouffer l’affaire. On ne se trouve pas pour autant dans une atmosphère à la X-Files. Il faut plutôt lorgner du côté de 24 heures chrono avec un exposé assez encenseur des organismes à même de gérer ce type de crise. L’ensemble reste dynamique et bien amené. Il est d’autant préjudiciable de ne pas pouvoir en apprécier l’aboutissement, ne serait-ce que par un double épisode de conclusion ou un simple téléfilm.
Un film de Jeffrey Reiner, Norberto Barba, Milan Cheylov
Avec : Jason Ritter, Sarah Roemer, Ian Anthony Dale, Zeljko Ivanek