R.I.P.D. : Brigade Fantôme
Lorsque l'on parle Comics, on songe automatiquement aux super-héros, Marvel, DC & consorts. Pourtant, ce terme ne désigne qu'outre-Atlantique la bande-dessinée. Aussi, il existe tout un pan de ce média qui demeure dans l'ombre, à tout le moins lu par quelques érudits en la matière. Parfois, l'on se rend compte de leur existence via une adaptation télévisée ou cinématographique. Ce fut le cas pour Red (paru néanmoins chez DC) et ses joyeux espions retraités déjantés. Trois ans après son succès, Robert Schwentke ne signe pas pour sa suite, mais pour R.I.P.D., nouvelle adaptation de comics qui, on l'espère, se révélera bien plus fameuse que sa piètre réputation ne la laisse entendre.
T'es mort ? Bah, c'est pas de pot, parce qu'elle est pas de tout repos !
Le moins que l'on puisse dire, c'est que cette comédie fantastique a pâti d'un bouche-à-oreille assassin (difficile de le définir par un autre adjectif). 130 millions de dollars de budget et à peine la barre des 30 millions atteint aux États-Unis. R.I.P.D. n'a même pas été rentabilisé au box-office mondial (il n'est pas parvenu à se hisser aux 100 millions). Ces chiffres montrent clairement que le film a été boudé par le public et la critique n'est pas tendre avec lui. Mais pourquoi tant de haine ? Qui a-t-il de si lamentable dans le présent métrage pour subir une campagne de dénigrement qui, dans une moindre mesure, rappelle celle de Speed racer ou du flop de John Carter ?
Tout d'abord, le scénario ne se révèle pas des plus fracassants. On découvre Nick, un flic ripou fraîchement décédé, qui, pour se racheter une conduite, se retrouve enrôlé dans la brigade fantôme. Son objectif ? Capturer les esprits récalcitrants au jugement suprême. En soi, le sujet est intéressant et dispose d'un potentiel certain pour en faire un divertissement de premier ordre. Seulement, l'histoire se montre beaucoup trop prévisible. Bien que tendue du début à la fin, la progression use et abuse des ficelles de la comédie policière de bas étage en y incorporant des éléments fantastiques.
Le duo de choc et de charme.
Trahisons, découvertes, investigations sur une enquête bien plus importante qu'elle n'y paraît, sans oublier le noeud principal (à savoir, en quoi consiste le métier de policier de l'au-delà) sont autant d'ingrédients qui forment un amalgame peut-être efficace, mais déjà vu ailleurs. C'est sur ce point que R.I.P.D. peine à convaincre : à trop vouloir multiplier les références et autres clins d'oeil de circonstances, on a davantage l'impression de regarder un film-hommage (particulièrement aux 90's) plutôt qu'une oeuvre originale. Imaginez un croisement entre Men in black et L'arme fatale saupoudrée d'une touche d'ectoplasmes mal embouchés dignes de S.O.S. Fantômes et vous aurez une idée précise de ce que recèle R.I.P.D.
Si l'aspect décontracté et bon enfant est parfaitement assumé, l'humour parvient avec difficulté à sortir son épingle du jeu. On sourit, on s'amuse, mais à aucun moment l'on ne sera la victime d'un fou rire ou d'une scène clairement marquante. Les répliques restent fluides, bien amenées, mais attendues. Même à ce stade, les dialogues laissent la fâcheuse impression d'être régurgité d'un autre métrage (heureusement qu'ils sont morts pour le « Trop vieux pour ces conneries ! »). Tout est agencé, planifié pour contenter le spectateur sans prendre le moindre risque. Et pourtant, le récit recèle quelques bonnes trouvailles qui ne seront jamais pleinement exploitées.
Plus un geste ou vous êtes morts ! Euh, en fait, c'est déjà le cas.
L'une d'entre elles aurait clairement pu changer la donne : la nouvelle identité des policiers de l'au-delà. Simple, amusant et déconcertant, on ne verra qu'à intervalles irréguliers la jolie blonde plantureuse et le petit vieux chinois baladant sa banane à la main (véridique !). L'interaction entre les protagonistes et les personnages secondaires auraient gagné (du moins sur ce point) à multiplier les confrontations entre les différents points de vue (comme à la gare, par exemple). À cela, s'ajoute également l'absence de « collègues » du R.I.P.D., un manque d'explications sur l'organisation de la brigade ou comment elle découvre les crevures (hormis la cuisine indienne). Bref, tout est présent au sein du film, mais les éléments se succèdent sans trouver leur place, plus grave sans une réelle cohérence.
Pour autant, le casting s'avère des plus plaisants. Le duo de tête Jeff Bridges et Ryan Reynolds fonctionne comme il se doit. Ils remplissent leur office en occupant le devant de la scène avec application. Malgré des échanges pas toujours subtils ou des situations faciles, l'on suit leur péripétie non sans déplaisir. Toutefois, le fait qu'ils ne puissent mourir aurait gagné à être développé (le saut de l'immeuble, la tête fracassée par un morceau de béton...). Les seconds rôles ne sont pas laissés de côté avec un Kevin Bacon en bad-guy détestable ou un Robert Knepper qui offre une brève incursion plaisante, mais trop furtive.
Faudrait pas louper la chute de l'histoire.
Il reste un point sur lequel il faut se pencher : la réalisation. Robert Schwentke donne dans le grandiloquent le plus décontracté possible. Floutage, ralenti, séquences de vols planés sur des gratte-ciel, le cahier des charges du parfait petit blockbuster est rempli via une succession de scènes dynamiques et bien cadrées. On sera plus mitigé sur les effets spéciaux. Le physique des fantômes est varié et leur transformation répugnante plutôt bien fichue. Toutefois, l'animation est d'une qualité médiocre pour le moins surprenante. Qu'il s'agisse des crevures ou des chutes (voire celle de Nick au début de l'histoire) laissent perplexe. Les gestes sont, au choix, trop rapides, trop mous et font songer à de la guimauve fondante qui se tortille en tous sens. Très particulier.
Si R.I.P.D. ne mérite pas qu'on lui crache en pleine figure, il faut reconnaître que le métrage possède pas mal d'errances et peu de nouveautés pour susciter l'indulgence des spectateurs. Entre un scénario hybride à la croisée des genres, un humour qui ne prend pas toujours ou des images de synthèse au rendu discutable (exception des destructions, des métamorphoses et des tourbillons de l'au-delà), il est difficile de s'attarder sur les bonnes idées qui resteront au stade de l'anecdotique. Un blockbuster simpliste et prévisible dans son ensemble qui parie trop sur les références en dépit de sa propre histoire. Il en ressort un divertissement basique aux ficelles éculées. À voir sans grandes attentes ni exigences.
Un film de Robert Schwentke
Avec : Ryan Reynolds, Jeff Bridges, Kevin Bacon, Robert Knepper