Penny Dreadful
S’il faut citer des mythes littéraires, alors l’Angleterre victorienne est l’un des viviers les plus prolifiques en la matière. Ses histoires et ses personnages marquent les générations au fer rouge avec leur lot d’adaptation au fil des décennies. Cinéma, romans inédits, séries ou bande dessinée, l’influence de cette époque ne cesse d’inspirer les auteurs et artistes à travers des fresques souvent dépeintes avec talent (quand on ne sombre pas dans le pastiche). Aussi, il n’est guère surprenant de voir une nouvelle série débarquer avec le Londres de 1891 comme toile de fond. Néanmoins, lorsque les plus grandes figures du fantastique se rencontrent sur la même pellicule, les a priori se transforment en promesses…
Le système n’a rien de novateur et a pu être observé sur des longs-métrages tels que Van Helsing. Seulement, le traitement est ici beaucoup plus sombre et homogène, à tel point que la complémentarité entre les différents univers s’effectue sans heurt. Le contexte et le cadre aidant, on s’éloigne sensiblement des histoires originales sans pour autant les dénaturer. Il ne faut donc pas espérer une adaptation fidèle et engoncée dans une trame rigide. Au lieu de cela, on découvre une intrigue aux ramifications multiples qui feront se croiser le docteur Frankenstein, Dorian Gray, le professeur Van Helsing ou des vampires que l’on devine proches d’un certain Dracula ; sans doute la présence de Mina Harker n’y est pas étrangère.
Le titre s’appuie sur une anecdote intéressante et évocatrice de cette pluralité. Le Penny dreadful proposait des histoires à tendance horrifiques décomposées sous forme de feuilletons qu’il fallait suivre à chaque parution. Une sorte des Contes de la crypte avant-gardiste peu connue du grand public. Bien que la ligne directrice soit assez nette (retrouver Mina Harker), les épisodes peuvent être abordés indépendamment sans nuire à la compréhension générale, même si certains détails, ainsi que l’évolution des protagonistes pourront échapper aux spectateurs les moins assidus. Il en ressort un scénario qui se construit avec habileté sur une multitude de mythes (possession, vampires, esprits…). Le tout forme un mélange cohérent et singulier.
Penny dreadful jouit d’un rendu de premier ordre. Tant la réalisation que les effets spéciaux sont convaincants au possible. On ne lésine pas sur la violence quand il s’agit d’en découdre tout en s’efforçant de développer une atmosphère propre à l’époque victorienne. Entre la découverte de l’aristocratie londonienne, des quartiers malfamés, on évolue sur différentes strates de la société avec un contraste toujours flagrant, voire indécent. Étant donné que l’on se trouve dans le domaine du fantastique, la place allouée aux séances de spiritisme et d’exorcisme ou la chasse aux vampires, permettent de varier les plaisirs tout en dynamisant la progression. Quant à la reconstitution, elle démontre un travail des plus soignés.
Un équilibre assez délicat à trouver puisque les protagonistes disposent d’un passif et de caractères conséquents. Outre un épisode rétrospectif pour comprendre les motivations de certains d’entre eux, les relations jouent presque constamment sur les ambivalences que laissent transparaître les différents personnages via un comportement, un geste ou une mimique subtile. On vaque de contradictions en surprises à chaque retournement de situation opportun. Sans doute, le casting talentueux n’y est pas étranger pour leur donner vie grâce à une composition irréprochable.
Au final, Penny dreadful se présente comme une série atypique. Étonnante dans le traitement d’histoires célèbres et intemporelles, il n’en demeure pas moins un univers singulier où chaque parcelle des chefs d’œuvre évoquée trouve sa place aux côtés de ses homologues sans jamais choquer. Grâce à une interprétation sans faille, une caractérisation poussée, un cadre soigné et une ambiance pessimiste à souhait, on tient là une intrigue immersive bien qu’un peu courte. Il en ressort une plongée concluante dans un monde à mi-chemin entre réalités historiques (une reconstitution crédible) et la littérature fantastique du XIXe siècle. Autrement dit, les amateurs friands de cette époque seront comblés.
Saison 2 : 8/10
Un film de J.A. Bayona
Avec : Josh Hartnett, Eva Green, Timothy Dalton, Rory Kinnear