Opération Dragon
Un expert en arts martiaux (Bruce Lee) accepte de participer à un tournoi international dans le but de mettre sous les verrous un dangereux trafiquant, Han. Alors au faîte de sa gloire suite au succès prodigieux de ses précédents films (et surtout de l'aspect spectaculaire et innovant des scènes de combats), Bruce Lee entrera définitivement dans la Légende du Septième Art avec Opération Dragon, pour plusieurs raisons. Intéressons nous, dans un premier temps, à ce film sorti quelques mois avant la mort de l'acteur. Le succès de Big Boss et de La Fureur du Dragon font de Lee la star incontestable du kung-fu, désormais devenu un genre cinématographique à part entière. La Warner décide donc d'américaniser cet incroyable phénomène, et produit Opération Dragon, que réalisera Robert Clouse.
Le scénario, avec son méchant narco-trafiquant, son île fastueuse et quelques créatures exotiques démontrent à merveille ce passage chez nos amis d'outre-Atlantique, friands d'espionnage à une époque où 007 fait sa loi au box-office. Bruce Lee se contente le plus souvent de moues dubitatives et d'un humour pince-sans-rire, délaissant sa libido au profit de combats toujours aussi époustouflants qu'il avait pris le soin d'orchestrer lui même. La musique de Lalo Schifrin (Mission Impossible), et la présence de John Saxon (Les Griffes de la Nuit) finissent de compléter cette production de l'Oncle Sam censée apporter une dimension supplémentaire à un acteur qui n'en avait nullement besoin. Toutefois, le producteur Raymond Chow assure en douceur le passage entre deux styles de cinéma pour son poulain. Très seventies, le film n'évite pas certains clichés. La motivation de Lee, accentuée par une affaire de famille (sa soeur est morte suite à un affrontement avec le garde du corps de Han), est aussi conventionnelle que les retours en arrière de nos trois héros (dont le black à la coupe afro victime du racisme de la police), dans un prologue assez lent installant petit à petit le cadre principal du film : un tournoi d'arts martiaux servant de point de départ au démantèlement d'un vaste trafic. Les tenues jaunes fluo de certains combattants et le look improbable d'un Saxon plus habité aux rôles de flics teigneux qu'aux films de kung-fu apportent aujourd'hui un aspect suranné à ce métrage, certes plus étoffé sur le plan du scénario que les précédents films du Petit Dragon, mais dont le seul intérêt demeure néanmoins les scènes de combats avec Lee.
Celui-ci virevolte, danse et maltraite ses adversaires avec ce regard enragé dont lui seul a le secret, reléguant à des années lumière les Jackie Chan et autres Jet Li. Le combat final avec Han, dans un jeu de miroirs étourdissant, reste la pièce maîtresse de ce film viril et énergique, tenue d'honnête manière par Clouse, malgré quelques ralentis pas toujours nécessaires à la furie de Lee durant le tournoi. Le film ne démérite donc pas et permet, finalement, à Lee d'assurer avec succès la transition vers ce qui devait être le début de sa carrière américaine. La mort de l'acteur, dans de mystérieuses circonstances, quelques mois après Opération Dragon, lors du tournage d'un Jeu de la Mort qui porte décidément bien son nom, fera de Bruce Lee un mythe à part entière, aux côtés d'un James Dean ou d'une Marilyn Monroe, devenant à tout jamais la figure incontournable du Maître du kung-fu, créant un genre qui lui survivra, même si aucun de ses émules ne lui arrivera à la cheville. Dès lors, Opération Dragon, dernier film officiel du comédien (Le Jeu de la Mort sera achevé avec un sosie pour la majorité des scènes), reste un film culte, qui conserve aujourd'hui tout son charme.