St. Agatha
Malgré de menus défauts formels sur sa gestion du rythme et la narration, St Agatha entretient d’une manière insidieuse l’aspect glauque inhérent aux sujets évoqués. Ce qui s’avançait comme un film d’épouvante standard, pâle copie de précédentes itérations, débouche sur un métrage à l’ambiance malsaine et angoissante. Cette dernière naît d’une approche beaucoup plus réaliste qu’escomptée sur la cruauté physique et psychologique des antagonistes.
Portée par la franchise Saw, la carrière de Darren Lynn Bousman reste relativement inconstante au vu de ses différents projets. Si ceux-ci se succèdent et ne se ressemblent pas, ils soufflent le chaud et le froid si bien qu’il est difficile d’anticiper la qualité du suivant. En parallèle de films assez singuliers, comme Repo ou la saga The Devil’s Carnival, le réalisateur se lance dans des productions calibrées, voire impersonnelles. On songe notamment au décevant The Forest. Même en occultant le titre racoleur du DTV français, St Agatha semble, de prime abord, profiter de la sortie opportune de La Nonne en exploitant des thématiques similaires. À savoir, la religion et le surnaturel.
Bienvenue chez les bonnes soeurs frappadingues !
Du moins est-ce là l’apriori qui tente de mettre en condition le spectateur. Cela ne tient pas uniquement à la bande-annonce, au pitch initial ou encore à l’affiche. L’entame intègre tous les éléments familiers propres aux films d’épouvante. Le couvent isolé au beau milieu d’une forêt renvoie d’ailleurs à l’enclavement de l’abbaye du film de Corin Hardy. La mise en place joue sur la vulnérabilité des protagonistes tout en faisant référence à la précarité de leur situation avant de s’attacher à exposer celle du cadre. On ne parlera pas de dénuement ni d’austérité, mais plutôt d’un contexte qui prône un mode de vie dépourvu de toute ostentation, si ce n’est les apparats religieux.
Outre les tenues de circonstances, cette connotation est évoquée à travers la chapelle, les séances de prière ou quelques crucifix disséminés çà et là. Là encore, la promiscuité des lieux et la surveillance permanente des sœurs tendent à développer le malaise sitôt franchie la porte de ce couvent. Un œil averti pourrait s’attendre à un passé tumultueux, où de sombres secrets se dissimulent entre les murs. On songe au sous-sol et à ce cercueil central ou encore à ces bruits de pas et la présence furtive au grenier. Pourtant, on se rend compte que la hantise présumée des lieux cède la place à des considérations horrifiques beaucoup plus réalistes et dérangeantes qu’un spectre errant.
Slender Man ?
Très vite, le scénario bascule vers une approche différente et s’axe autour de la maltraitance physique et psychologique des jeunes femmes. À noter que celles-ci ne sont pas religieuses par conviction, mais de futures mères célibataires recueillies. Ce point n’est pas anodin, tout comme le choix des années1950 pour implanter l’intrigue. Toujours est-il que les scènes d’humiliation se succèdent à divers degrés, mêlant tortures et manipulations mentales à quelques éprouvantes séquences de souffrances physiques. Piège à loups, automutilation, enterrement vivant, plaies à vif plongées dans du sel... Ces exemples ne sont pas forcément la norme au fil du récit, mais ils le ponctuent de manière régulière et percutante.
De fait, on observe un renversement des valeurs morales de la religion pour en faire un symbole indissociable de la cruauté humaine. Étrangement, il ne s’agit pas de considérations manichéennes dont il est question ni même d’une confrontation entre les notions de bien et de mal. Et c’est justement cette absence de repères au sens large du terme qui instaure le malaise et accentue la détresse des personnages. On pourrait bien s’attarder sur quelques errances de rythme ou certains points éludés et évasifs à l’issue du dénouement. Il n’en demeure pas moins que cette évolution mesurée monte crescendo pour aboutir à une conclusion beaucoup plus malsaine que n’importe quelle manifestation surnaturelle.
Une manière étrange de fêter un enterrement de vie de jeune fille...
Au final, St Agatha est un thriller horrifique assez déstabilisant tant dans son traitement que dans ce qu’il sous-tend à travers son histoire. L’on s’attend à des irruptions paranormales dans un premier temps. L’ombre de Rosemary’s Baby semble s’inviter à certains moments, comme avec le rapport de la mère à l’enfant et la convoitise que cela génère, sans compter certains plans hallucinés, proche de la paranoïa. En ce sens, l’atmosphère oppressante se veut très semblable à ce que l’on peut ressentir dans un cadre sectaire ou dans un hôpital psychiatrique, a fortiori au milieu du XXe siècle. La suite du film s’oriente vers une réalité nettement plus éprouvante, même si celle-ci se devine aisément à l’évocation d’indices évidents. Il en ressort un huis clos corrosif, perturbant et délétère.
Un film de Darren Lynn Bousman
Avec : Carolyn Hennesy, Courtney Halverson, Sabrina Kern, Lindsay Seim