Night Monster
Encore auréolées du succès des films de monstres au début des années 1940, les productions hollywoodiennes s’essayent à de nouvelles pistes d’exploration en matière de frissons cinématographiques. À l’époque, le thème de la maison hantée est généralement tourné en dérision avec des comédies pseudo-horrifiques. Idée reçue que l’on entretient ou délaisse à travers des huis clos plus ou moins probants. Dans un traitement sérieux, on songe à La Maison de la mort, tandis que le second degré est de rigueur avec One Body Too Many. Entre mystères, meurtres et confrontations sociales délictuelles, ces ingrédients sont souvent repris pour réaliser ce type d’incursion.
Vous avez demandé le croque-mort ? Ne quittez pas...
C’est notamment le cas avec Night Monster qui officie davantage dans le registre du policier que de l’épouvante. Certes, le cadre renvoie à cette dernière occurrence. La sinistre demeure, sa décoration et son architecture présagent déjà du cinéma gothique dans les années à venir. L’isolement à proximité d’un bois et de marécages n’est pas non plus étranger à une atmosphère lugubre, bien que dénuée de toute sensation oppressante. On joue également sur le côté irrationnel de l’affaire avec la présence d’un conseiller « spirituel » indien et ses pouvoirs. De là à distinguer l’autopersuasion à de réelles capacités parapsychiques, il est un écart que le scénario ne s’embarrasse guère de combler ou d’expliciter.
Dès lors, la suite de disparitions puis de meurtres s’ancre davantage vers le fameux « whodunit ». Une liste de suspects parmi les invités, des mobiles et des motivations plausibles, des jeux de pistes qui se perdent dans les passages dissimulés et les méandres labyrinthiques de la propriété… Tous les ingrédients sont réunis pour poursuivre des investigations censées faire la lumière sur les crimes et les évènements dont ils sont la résultante. Tout semble réuni pour fournir une modeste distraction, mais globalement sympathique. Pourtant, cette production, qui a difficilement excédé la dizaine de jours de tournage, souffre de nombreux écueils et maladresses, tant dans le fond que dans la forme.
Une drôle de demande en mariage !
Les principales faiblesses sont d’ordre scénaristique. On compte plusieurs incohérences et approximations ; a fortiori lorsqu’on prend connaissance de la teneur des faits. Certains éléments sont purement factuels et relèvent du détail, tandis que d’autres sont plus embarrassants. Pour ces derniers, cela révèle d’une négligence évidente quant à la maîtrise de l’écriture et au déroulement de l’histoire elle-même. Malgré ces considérations plus tortueuses que nécessaire, la clef du mystère reste assez simple à trouver, même si pour cela il faut y inclure une part d’irrationalité, un rien farfelu au sortir du mobile et des moyens avancés.
À une progression somme toute brouillonne et alambiquée s’ajoute une mise en scène basique. L’exploration des lieux ne retranscrit guère l’ambiance ou les émotions que le spectateur est censé ressentir à la découverte de pièces poussiéreuses ou de sombres corridors. Il en ressort une sensation d’artificialité qui laisse à penser à une succession de décors de fond théâtraux. Les panneaux s’enchaînent sans que la caméra puisse capter l’essence du cadre ou y insuffler une âme. À noter que les protagonistes souffrent d’une caractérisation perfectible, presque caricaturale. Le parcours laborieux de Bela Lugosi débouche sur un rôle de second plan qui ne bénéficie même pas d’un épilogue.
Qui a fait le coup ?
Au final, Night Monster est un film qui ne parvient pas à instaurer des choix artistiques clairement définis. Entre policier et épouvante, le film de Ford Beebe atermoie et fait preuve d’inconstance quant au registre pseudo-comique de son entreprise. Certes, on n’atteint pas le degré farfelu de One Body Too Many, mais les trop nombreuses errances narratives et les personnages campés sans grande conviction concourent à entretenir une impression mitigée. On ne parlera pas de sentiment d’inachevé, mais d’une négligence manifeste des scénaristes et producteurs, eu égard aux faibles moyens déployés. Il en ressort un huis clos guère oppressant, une « comédie » pas foncièrement drôle et une itération policière maladroite. En somme, un métrage qui se contente de réaliser la moitié du travail dans tout ce qu’il entreprend.
Un film de Ford Beebe
Avec : Bela Lugosi, Lionel Atwill, Leif Erickson, Irene Hervey