Krampus
La période des fêtes de fin d’années est souvent l’occasion de se retrouver, de laisser de côté les petits tracas du quotidien. L’entraide, le partage, la convivialité... Bref, autant de sentiments mielleux et hypocrites pour un «événement» qui démarre dès septembre et n’a d’autres buts que de pousser à son paroxysme un consumérisme déjà exacerbé. Une considération cynique? Plutôt réaliste qui rejoint la savoureuse introduction de Krampus. Une sorte de règlement de comptes dans les allées des grands magasins absolument délectable qui évoque également le Black Friday. Si l’on dénombre pas mal d’étrons horrifiques sur Noël, Krampus parvient-il à surprendre?
Ah, les fêtes de Noël et les voisins bruyants du dessus...
Il aura fallu huit ans à Michael Dougherty pour revenir derrière la caméra. Responsable de Trick’r Treat (où il explorait le mythe d’Halloween), il se penche sur un conte de Noël pas comme les autres. Dès les premières images, on peut apprécier l’approche décalée et sans concession. Et c’est sur ces deux piliers que reposeront les bases de l’intrigue. À travers un visuel léché et une excellente photographie, Krampus distille avec une certaine habileté son parfum de Noël où la chaleur des foyers contraste avec les rigueurs de l’hiver. En ce sens, le réalisateur aime à alterner les impressions contradictoires, notamment quand la tempête se propage dans les maisons.
Une manière de saupoudrer le métrage d’une angoisse savamment dosée où l’invité d’honneur (le père Noël) répond aux abonnés absents pour mieux céder la place à son homologue maléfique. Dès lors, il découle une grande vulnérabilité, pour ne pas dire impuissance, à affronter les affres de la tempête tout en guettant les créatures qui se terrent dans l’obscurité et la neige. Car à travers un jeu du chat et de la souris somme toute linéaire, Michael Doughtery inverse les codes non pas d’un genre (il se complaît à merveille dans l’horreur), mais de la morale et des bonnes mœurs. Celui qui offre prend. Ceux qui apprécient les festivités les subissent. De refuge, le foyer devient un lieu de perdition...
Si c'est lui qu'il l'offre, comment refuser ?
Au-delà de ces considérations sous-jacentes et néanmoins bien présentes, Krampus ne s’entiche pas d’une surexposition des personnages et des faits, quitte à user de quelques poncifs narratifs. Dans l’ensemble, l’intrigue n’est en rien surprenante. Elle suit une progression bien délimitée sans s’écarter du droit chemin. Pour autant, elle demeure énergique et varie les situations, même sans sortir de la maison. Le grenier, les couloirs, le salon... Toutes les pièces offrent des perspectives réjouissantes grâce à une parfaite gestion des espaces. Quant aux plans extérieurs, ils prennent de véritables allures de contrées désolées qu’on aurait aimé voir plus présents.
Mais qu’en est-il du Krampus? Cette créature mythique a fait l’objet d’un soin tout particulier, notamment avec son physique imposant et anthropomorphe. D’ailleurs, on peut le rapprocher d’un démon avec ses cornes et ses pattes de bouc, ainsi que les chaînes qu’il traîne. Comme le père Noël, il est également accompagné de toute une joyeuse clique aussi macabre qu’étonnante. Les elfes, la créature de la neige (que l’on ne voit jamais), le clown musical dévoreur d’enfants, sans oublier les maléfiques petits bonshommes en pain d’épices! On a l’impression d’assister à une procession de freaks que ne renieraient pas certaines parades.
Cette année, il vaut mieux être sage et croire au Père Noël.
Au final, Krampus est un film d’horreur qui, sans être fondamentalement surprenant, remplit son office. Soutenu par une réalisation intéressante, une histoire entraînante et une ambiance habilement détournée, Krampus tord les idées reçues sur Noël sur fond de sarcasmes et d’un humour noir dosé avec parcimonie. Il en ressort une excellente transposition du mythe de Krampus dans un contexte contemporain. On remarquera la présence d'un intermède en films d’animation étonnant qui n’est pas sans rappeler d’autres univers tortueux. On lui reprochera seulement d’exposer des personnages interchangeables et vite agaçants (les bons, comme les moins bons) et d’offrir un épilogue chaotique qui aurait pu être raccourci. En dehors de cela, Krampus demeure appréciable à plus d’un titre, notamment pour son atmosphère et ses propos sans langue de bois sur Noël.
Un film de Michael Dougherty
Avec : Adam Scott, Toni Collette, Allison Tolman, David Koechner